vendredi 31 juillet 2020

Album Review : "A Hero's Death" de Fontaines D.C. (Sortie le 31.07.2020)

Credits Photo : © Griff
Habituellement, quand un groupe enchaîne rapidement après un 1er album très remarqué, c’est pour capitaliser dessus et surfer sur la hype naissante. Pourtant, ce n’est guère le cas ici, puisque moins de 18 mois après le remarquable “Dogrel”, les Irlandais de Fontaines D.C. sont de retour avec un 2nd effort intitulé “A Hero’s Death”, qui s’avère être l’antithèse parfaite du précédent.
Tendu et souvent morose, “A Hero’s Death” nous propose une autre vision du groupe originaire de Dublin. Bien sûr, vous y retrouverez par moments le chant agité et le son post-punk incendiaire et sans fioritures découverts sur “Dogrel”, mais cette fois, l’identité musicale du quintet mené par le chanteur Grian Chatten se ramifie et explore une palette sonore bien plus variée, et souvent bien plus sombre.
Credits Photo : © Rolling Stone
On sent cette nouvelle orientation dès les premières notes, puisque là où “Dogrel” débutait avec le hit punk frénétique et optimiste “Big” en guise de déclaration d'intention gargantuesque, le titre d’ouverture de ce nouveau disque “I Don’t Belong” est une réfutation maussade et pessimiste portée par un Grian Chatten plus provocant que jamais.
Credits Photo : © Rock Alternative News

UN DISQUE ENTRE OPPRESSION & FASCINATION

Sur le plan musical, l'ambiance a également changé. Des atmosphères enfumées tourbillonnent dans “Love Is The Main Thing”, tandis que les percussions de “A Lucid Dream” et de la piste-titre provoquent un sentiment oppressant et en même temps étrangement enivrant. “A Hero’s Death” est incontestablement un disque plus sinueux, les titres aux accointances shoegaze “You Said”' et “Oh Such A Spring”' aidant à entretenir ma fascination constante à son égard.
Credits Photo : © The Face
Mais que les fans de “Dogrel” se rassurent, on retrouve tout de même quelques instants furieux de premier ordre, à l’instar de “Televised Mind”, single gorgé de guitares et de percus tournoyantes, ou également de “Living In America”, titre passionnément bruyant, chaotique et décousu, sans cesse au bord de l'effondrement. Les chansons ne sont pas moins urgentes, mais là où “Dogrel” était triomphant et plein de vie, “A Hero’s Death” sonne juste, lourd et anxieux, presque paranoïaque.
Credits Photo : © Guitar.com
Tandis que le lent et sombre “You Said” est un moment fort de l’album, la piste-titre “A Hero’s Death” renoue avec les anciennes valeurs du groupe à travers son côté accrocheur et direct, où l’influence des Beach Boys infuse le morceau, malgré un côté plus sombre et plus atmosphérique. Puis l’obscurité se dissipe quelque peu sur le grand et lumineux “I Was Not Born”, qui rappelle les mélodies élancées du groupe écossais Frightened Rabbit, et sur le titre rêveur “Sunny”, où vous pourrez vraiment sentir l’influence de Brian Wilson.
Credits Photo : © Rock Alternative News

UNE ASCENSION FULGURANTE POUR FONTAINES D.C.

En conclusion de l’album, “No” semble être en conversation directe avec l’ouverture “I Don't Belong” & sa volonté d’indépendance, et témoigne de l’évolution du groupe tout au long du disque. En effet, les Fontaines D.C. qui ont écrit et composé “No” semblent être plus matures et plus sages que ceux qui ont déclaré « I Don’t Belong To Anyone » 10 pistes plus tôt. Si “Dogrel” nous a confirmé que Fontaines D.C. peut être grand, “A Hero’s Death” nous montre qu’ils peuvent être ce qu’ils veulent, poursuivre leur ascension fulgurante sans pour autant perdre en pertinence.
Credits Photo : © NME
Par les temps qui courent, les groupes de rock ne sont plus censés devenir grands et tenir le haut du pavé, mais apparemment, personne n’a prévenu Fontaines D.C…. A travers son mélange vivifiant d'énergie brute et d’un sens de la poésie typiquement irlandais, le jeune quintet de Dublin nous propose avec “A Hero’s Death” une oeuvre érudite et éloquente, qui ne manquera pas de faire parler.
Credits Photo : © Sound Of Brit
D’après les dires des principaux intéressés, le succès de “Dogrel” les a presque détruits. Les voici de retour en pleine forme avec des hymnes écorchés, nuancés et d’une grande complexité, qui flirtent parfois avec l’autodestruction. Même si Grian Chatten déclarait avec fureur vouloir devenir “Big”, je pense que même lui n’avait pas prévu qu’en à peine 2 LP, Fontaines D.C. allait devenir l’une des références du rock contemporain.
Credits Photo : © Rock Alternative News
A travers ce 2nd opus, c’est comme si les membres du groupe nous exhortaient à sombrer dans l’oubli et à tuer nos idoles, même s’ils sont précisément ces idoles. Usant de la métaphore jusque dans sa pochette, ce “A Hero's Death” est l'œuvre d'un groupe en pleine ascension qui, cette fois, assume pleinement la complexité de son identité musicale. Le Fontaines D.C. de “Dogrel” est mort, place à la renaissance de “A Hero’s Death”. Et ensuite ? Que restera-t-il de nos amours avec le groupe irlandais à l’avenir ? Nul ne le sait encore… Mais a minima ce put*** de grand disque !


La Note de Manu : 9/10

“A Hero’s Death” de Fontaines D.C., LP 11 titres sorti le 31 juillet 2020 chez Partisan Records.

Tracklist :

1. I Don’t Belong (4:31)

2. Live Is The Main Thing (3:54)

3. Televised Mind (4:10)

4. A Lucid Dream (3:54)

5. You Said (4:37)

6. Oh Such a Spring (2:33)

7. A Hero’s Death (4:18)

8. Living In America (4:57)

9. I Was Not Born (3:49)

10. Sunny (4:53)

11. No (5:09)

Credits Photo : © Happy Mag

FONTAINES D.C. EN TOURNEE EUROPEENNE EN 2021


Si nous avions été partagés lors du set du groupe insulaire en novembre dernier au Bataclan - du fait, notamment, de sa relative brièveté - Fontaines D.C. avait encore une fois exercé une fascination étrange sur un public - à notre instar - entièrement acquis à sa cause.

Credits Photo : © Rock Alternative News
Setlist Fontaines D.C. @ Le Bataclan / 10.11.2019 - Credits Photo : © Rock Alternative News

Entre intensité, facilité et frustration, on est ressorti de la salle secoués et heureux mais pas complètement comblés. Un mélange étrange de sensations qui nous fera retourner à coup sûr à leur prochain concert, pour espérer comprendre cette attraction que les irlandais inspirent sur scène. Et ça tombe bien car Fontaines D.C. viendra - si tout va bien ! - défendre ce “A Hero’s Death” sur les scènes de France au printemps prochain, le 29 mars à l'Aéronef de Lille (59) ou le 1er avril à l'Olympia (75). Promis, on y sera… et on vous dira tout !
Tournée européenne 2021 - Source : © Facebook Officiel Fontaines D.C.


Manu de RAN

jeudi 2 juillet 2020

Album Review : "Garage Is Dead" de Clavicule (Sortie le 12.06.2020)

Source : © Facebook Officiel Clavicule
Sonnés par l’annonce surprise de la dissolution de l’un des combos français les plus prometteurs - Kaviar Special - il y a quelques mois, nous avons désormais recouvré nos esprits car l’émergence de “nouveaux” visages de la scène bretonne nous confirme que Rennes est plus que jamais la ville du rock par excellence.

Rennes, « Capitale du Garage »

« On assiste à un retour à l'âge d'or du rock à Rennes, qui a été la Capitale du Rock & du Garage pendant plus de 10 ans dans les années 1970 & 1980 » (Etienne Daho dans "Rock N' Rennes", 2015)

Dans un paysage culturel hexagonal gangrené par les pseudo-artistes à la vacuité intellectuelle & musicale incontestable (on ne citera pas de nom, pour n’oublier personne…), Rennes fait encore une fois figure de petit village gaulois qui résiste encore et toujours à l’envahisseur. Proclamé en son temps “Capitale du Garage” par Etienne Daho, le chef-lieu breton parvient encore à nous régaler en sortant chaque année des groupes au son aussi délicieusement sale que leur avenir est prometteur. Clavicule est de ceux-là.
Credits Photo : © Titouan Massé
Credits Photo : © Alex Lianeris
Fondé sur les braises des regrettés Kaviar Special, Clavicule dégage - à travers le garage aux accents psychés de son 1er LP “Garage Is Dead” - la même hargne et la même énergie bestiale que certaines des institutions du revival garage psychédélique californien, Wand, Ty Segall & Oh Sees en 1er lieu. Mais ce serait profondément réducteur de cantonner Clavicule à cette étiquette “garage psyché” car nos 4 esthètes turbulents lorgnent aussi bien du côté du garage que du grunge, du punk, du surf rock ou du psyché. La piste “My Time”, dopée à l’énergie et à la fureur des musiciens, illustre cela à merveille.
Credits Photo : © Arthur Menard
Ce qui frappe avant tout à l’écoute de “Garage Is Dead”, c’est ce rock garage brut, massif mais néanmoins élégant aux sonorités 60’s et 70’s, qui convertira sans difficulté tout fan des B.O. de films de Quentin Tarantino. A défaut de voir Michael Madsen arracher l’oreille d’un mec ou Brad Pitt scalper un nazi au son de Clavicule, on se dit à l’écoute de titres comme “CAB” - qui fait souffler un vent rock impétueux au milieu de l’album - ou les survoltés “Wake Up” et “Vertigo” que le réalisateur serait bien inspiré de jeter une oreille du côté de Rennes pour la B.O. de son prochain opus. Quentin, si jamais tu nous lis...
Credits Photo : © Behind The Wall
Et pour ce qui est du reste de l’album, que du bon également. Une alternance de titres explosifs et rageurs tels que l’ouverture “Asshole” ou encore “Special Trip” et de morceaux comme “Today” ou “The Race”, que l’on croirait tout droit sortis des révérées 70’s. A travers ce disque dense et hyper cohérent aux compos soignées - et particulièrement des chansons comme “The Monkey” ou “Jericho” - le quatuor semble donner vie musicalement à une forme très aboutie de la théorie de la déconstruction. Bref, ce 1er opus du combo rennais suinte ces musiques subversives que l’on a trop peu l’occasion d’entendre dans les principaux médias pour éviter de choquer la bourgeoise.
Credits Photo : © Arthur Menard
Certes, le groupe ne révolutionne rien en terme de composition ou de son mais ses membres jouent vite, fort et bien, provoquant une telle déflagration que cela nous fait aisément oublier ses petites imperfections. Après Carambolage - dont nous avions parlé à la sortie de son 1er EP en 2019 - c’est donc désormais Clavicule qui perpétue pour notre plus grand plaisir la tradition rennaise du mélange rageur de musiques abrasives et nous sort de son chaudron un véritable diamant brut. Il ne reste maintenant plus qu’à le polir… Quoi qu’il en soit, à l’écoute de ces 10 pistes de rock aux relents surf et punk rugueux, abrasif et azimuté, on en est désormais certains : musicalement aussi, la Bretagne, ça vous gagne.
Credits Photo : © Arthur Menard
Credits Photo : © Emilie Mauger
Se sont-ils baptisés “Clavicule” à cause des centaines de clavicules qui risquent déclater dans les pogos que leurs prestations scéniques vont immanquablement déclencher ? Ou est-ce tout simplement parce qu’ils ont pris conscience qu’ils portent sur leurs épaules le renouveau du garage rennais ? Il est probable que cette question demeurera encore quelques temps le secret le mieux gardé de Bretagne. Mais peu importe car avec “Garage Is Dead”, Clavicule nous montre que contrairement à ce que son titre suggère, le garage s’est rarement si bien porté… Le garage est mort, vive Clavicule !


La Note de Manu : 8/10
Pochette de l'album "Garage Is Dead" de Clavicule (sortie le 12.06.2020)
“Garage Is Dead” de Clavicule, LP 10 titres sorti le 12 juin 2020 chez Beast Records

Tracklist :
1. Asshole (4:28)
2. Special Trip (2:30)
3. Today (3:29)
4. My Time (3:45)
5. CAB (7:20)
6. The Race (3:41)
7. Wake Up (3:53)
8. Vertigo (4:48
9. The Monkey (2:54)
10. Jericho (6:26)

Credits Photo : © Société Ricard Live Music
Credits Photo : © Titouan Massé
Source : © Facebook Officiel Clavicule


Manu de RAN