vendredi 18 décembre 2020

La nouveauté du jour s'appelle "Killing You" des Shady Fat Kats

 

Ce groupe originaire de Bretagne, nous sort aujourd'hui un nouveau single remonté à bloc intitulé "Killing You", et va vous donner une pêche d'enfer pour cette fin d'année pas top top. Inspiré des meilleurs groupes de punk à roulettes des 2000's (Green Day, Blink 182 ...). Le groupe est composé de Bat au chant/guitare, Daddy à la guitare, Pete à la basse et Céline à la batterie. Et leur nouveau single est produit par Paul Spade qui a également produit Ultra Vomit, Mass Hysteria, No One Is Innocent and co.

Mettez le son à fond, et écoutez "Killing You" des Shady Fat Kats 

La dernière vidéo à avoir été mise en ligne par le groupe date de 2 semaines et s'appelle "Stay Away (From Me)" 



jeudi 17 décembre 2020

Chronique : Mon Top Albums 2020 par Manu de R.A.N.


Une précision s’impose en préambule : malgré une actualité musicale moribonde en terme de concerts et choquante avec l’émergence des mouvements #MusicToo & #ChangeDeDisque, qui ont abouti à la mise en cause de musiciens & acteurs du monde du rock français, cette curieuse année 2020 a tout de même accouché de nombreuses sorties de qualité. Peut-être les confinements successifs ont-ils inspiré les artistes...

Si cela peut paraître convenu d’écrire cela, il vous suffira de constater que des disques comme “Power Up” d’AC/DC, “Gigaton” de Pearl Jam, “A Steady Drip, Drip, Drip” de Sparks, “Song For The General Public” de The Lemon Twigs, “Ultimate Success Today” de Protomartyr, “Nothing As The Ideal” d’All Them Witches, “Houses Are Built The Same” de Cathedrale ou “The Night Chancers” de Baxter Dury ne figurent pas dans ce classement pour vous en convaincre. Ils auraient aisément trouvé leur place dans le Top 10 d’une autre année… Oui mais voilà… 2020 fut à bien des aspects une curieuse année !

Cependant, chroniquer c’est choisir. Voici donc mon top 10 albums de 2020 en playlist : Playlist Mon Top Albums 2020 sur Spotify


10/ 7 Weeks - “Sisyphus” (Sortie le 31.01.2020 chez F2M Planet Records)

Après un “Farewell To Dawn” en 2016 qui revenait sur l’adolescence du groupe, ce 5ème album entame un nouveau chapitre, où 7 Weeks joue plus que jamais de son identité musicale multiple, aux confins du stoner, du blues, du rock alternatif et du metal. Fort de cette promesse ambitieuse, le quatuor limougeaud nous régale tout au long des 9 pistes de ce disque inspiré du mythe grec de Sisyphe.

De l’ouverture “Gone” - qui explore déjà une nouvelle direction sonore - à la clôture avec “667-Off”, sorte de quintessence des morceaux contenus dans cet opus, on retrouve dans cet album racé et abouti le blues rock capiteux & très américain auquel 7 Weeks nous avait habitués dans ses premières productions. Rarement un album de stoner rock français n’aura compté autant de morceaux addictifs que cet hymne à l’abandon, dans lequel Julien Bernard et sa bande affûtent un langage rock plus complexe et proposent un son plus varié, plus vivant, plus organique, mieux construit et bien plus mature !

Dans ma playlist : “Gone” (3:54) & “667-Off” (6:00)


9/ Marilyn Manson - “WE ARE CHAOS” (Sortie le 11.09.2020 chez Loma Vista Recordings)

A l’inverse de son compère Eminem, Marilyn Manson fut massivement rejeté par le grand public dans les années 2000. Pourtant, cela n’a pas empêché l’Antéchrist Superstar de devenir une icône gothique. Ses sorties précédentes facilement oubliables m’avaient presque convaincu de lâcher l’affaire. Pourtant, une nouvelle fois, je ne peux m’empêcher de replonger...


Produit en collaboration avec l’artiste country Shooter Jennings, “WE ARE CHAOS” est probablement l'œuvre la plus diversifiée, la plus exposée émotionnellement et la plus viscérale de la discographie de l'Antéchrist Superstar. Les textes magnifiques tiennent une place prépondérante dans la réussite de cet album. Ce disque nous offre une version fraîche, moderne et excitante de l’artiste le plus sulfureux de sa génération. Vous souhaitez retrouver un peu de répit, ainsi qu’une dose d’humanité en cette période de chaos ? Alors, ce disque est fait pour vous !


Qui sait ? Cet opus soignera peut-être les rapports tumultueux que j’entretiens à la discographie de Brian Hugh Warner. Marilyn Manson a lui-même décrit “WE ARE CHAOS” comme « un chef-d'œuvre ». L’est-il réellement ? En tout cas, c’est son meilleur album depuis “Holy Wood (In The Shadow Of The Valley Of Death)” en 2000. Et peut-être bien davantage…

Dans ma playlist : “WE ARE CHAOS” (4:01) & “SOLVE COAGULA” (4:22)


8/ Clavicule - “Garage Is Dead” (Sortie le 12.06.2020 chez Clavicule / Beast Records)

Dans un paysage culturel hexagonal gangrené par la médiocrité, Rennes fait encore une fois figure de petit village gaulois qui résiste encore et toujours à l’envahisseur en sortant chaque année des groupes au son aussi délicieusement sale que leur avenir est prometteur. Clavicule est de ceux-là. Fondé sur les braises des regrettés Kaviar Special, Clavicule dégage - à travers le garage aux accents psychés de ce 1er LP - la même hargne et la même énergie bestiale que certaines des institutions du revival garage psychédélique californien, Wand, Ty Segall & Oh Sees en 1er lieu. Mais ce serait profondément réducteur de cantonner Clavicule à cette étiquette “garage psyché” car les 4 esthètes turbulents lorgnent aussi bien du côté du garage que du grunge, du punk, du surf rock ou du psyché.


Certes, le groupe ne révolutionne rien en terme de composition ou de son mais ses membres jouent vite, fort et bien, provoquant une telle déflagration que cela nous fait aisément oublier ses petites imperfections. Après Carambolage, c’est donc désormais Clavicule qui perpétue pour notre plus grand plaisir la tradition rennaise du mélange rageur de musiques abrasives et nous sort de son chaudron un véritable diamant brut. Il ne reste maintenant plus qu’à le polir… A l’écoute de ces 10 pistes de rock aux relents surf et punk rugueux, abrasif et azimuté, on en est désormais certains : musicalement aussi, la Bretagne, ça vous gagne. Avec “Garage Is Dead”, Clavicule nous montre que contrairement à ce que son titre suggère, le garage s’est rarement si bien porté… Le garage est mort, vive Clavicule !


Dans ma playlist : “My Time” (3:44) & “CAB” (7:19)


7/ Algiers - “There Is No Year” (Sortie le 17.01.2020 chez Matador Records)

Si les 2 premiers disques des américains d’Algiers présentaient un groupe capable d'épouser une gamme de sons et de textures assez disparates - techno mécanique, brûlots post-punk, pauses furieuses - qui au fil du temps s’est créé une identité sonore de plus en plus cohérente, “There Is No Year” les voit pousser leurs expérimentations encore plus loin. Les riffs sont plus lourds, les grooves plus effrontés, le discours plus engagé que jamais.


En effet, le 3ème album d’Algiers est une nouvelle exploration ambitieuse du son grâce auquel le groupe formé à Atlanta est devenu célèbre : une décoction capiteuse de post-punk, de soul, de gospel et de noise des années 60, le tout infusé de textes à connotation politique. Si cela peut paraître un peu désordonné, il s’agit en réalité d'un projet mûrement réfléchi, qui illustre bien l’évolution du quatuor. “There Is No Year” sonne comme une réflexion - voire une rumination - très poussée sur les troubles politiques actuels. Les paroles y sont urgentes et bien plus précises que sur son prédécesseur. Plutôt que d’avertir et de prêcher, Algiers nous propose une critique brûlante et un appel aux armes empreint d’espoir. Si Algiers continue d’être radical, ce 3ème disque se révèle plus dynamique, précis, réfléchi, hypnotique, féroce, audacieux et puissant.


Dans ma playlist : “Dispossession” (4:15) & “Unoccupied” (3:06)


6/ IDLES - “Ultra Mono” (Sortie le 25.09.2020 chez Partisan Records)

J’attendais le 3ème album d’IDLES avec autant d’espoir que d’appréhension, tant l’attente était grande pour mon quintet favori depuis “Brutalism” en 2017, qui est aussi l’un des groupes les plus engagés et les plus populaires de ces dernières années. “Ultra Mono” s’avère être l’album radical que j’espérais.

Dès l’intro radicale avec le titre “War”, on comprend qu’IDLES n’est pas là pour beurrer les sandwiches et que le groupe compte bien dénoncer et combattre les travers fascisants de ses contemporains. Certes, IDLES est en guerre depuis un bon moment déjà mais avec ce 3ème LP, on comprend que la lutte contre les sujets qui touchent le quintet mené par Joe Talbot - pauvreté, exclusion, machisme, sexisme, féminisme, fascisme… (et tous ces mots en « isme ») - s’intensifie encore grâce à cet incroyable rouleau compresseur punk.


Si ce 3ème album ne contient aucun titre fédérateur comme pouvaient l’être “Mother” ou “Danny Nedelko” dans les disques précédents, “Ultra Mono” propose 12 titres d’une cohérence et d’une force assez exceptionnelles, qui maintiennent une constance et une excellence remarquables. Ce nouveau disque trouve un groupe plus en colère et plus radical que jamais, ce qui me permet d’affirmer sans crainte qu’IDLES est bien l’un des groupes les plus pertinents de cette décennie, mais aussi que “Ultra Mono” est leur meilleur album à ce jour, ce qui n’est pas peu dire.


Dans ma playlist : “War” (3:07) & “Reigns” (4:02)


5/ Tyler Bryant & The Shakedown - “Pressure” (Sortie le 16.10.2020 chez Spinefarm Records)

“Pressure” est déjà le 4ème album pour Tyler Bryant & The Shakedown, et il mérite incontestablement d’être glorifié. Mais quoi de plus naturel en somme... puisque le groupe basé dans le berceau du blues - à Nashville, Tennessee - a construit jusqu'à présent une carrière très impressionnante, séduisant même des artistes comme Chris Cornell, AC/DC, Aerosmith, ZZ Top ou Guns N ’Roses. Coproduit par Tyler Bryant et Roger Alan Nichols, ce disque voit se succéder quelques invités prestigieux triés sur le volet. On peut citer notamment Charlie Starr, le chanteur & guitariste de Blackberry Smoke, et Rebecca Lovell du duo Larkin Poe, qui est aussi la femme de Tyler Bryant.


En cette période de crise sanitaire, ce disque agira chez vous comme une grande bouffée d’air frais avec son rock énergique. Mais ce qui est encore plus remarquable, c’est que Tyler Bryant & The Shakedown parviennent à réaliser ce tour de force sans pour autant laisser sur le bord de la route leurs racines blues, celles transmises par le mentor de Tyler Bryant, Roosevelt Twitty. “Pressure” est un album qui puise dans l’essence même du blues rock, avec ses voix mélodiques, ses riffs de guitare puissants, ses percus solides et ses lignes de basse cohérentes, un disque qui permet au groupe d’affiner son identité. En somme, une oeuvre d’une sincérité désarmante, probablement la meilleure de Tyler Bryant & The Shakedown à ce jour.


Dans ma playlist : “Holdin’ My Breath” [Feat. Charlie Starr] (4:11) & “Crazy Days” [Feat. Rebecca Lovell] (3:49)


4/ Bruce Springsteen & The E Street Band - “Letter To You” (Sortie le 23.10.2020 chez Columbia Records)

Après avoir publié son autobiographie “Born To Run” en 2016 et interprété à 236 reprises son one man show “Springsteen on Broadway”, à 71 ans, le Boss écrit donc un nouveau chapitre de sa légende et pense à son héritage. Dans “Letter To You”, il réunit tous ses trésors et souvenirs retrouvés avec la vigueur et la rapidité d’un jeune homme. “Letter To You” est un nouveau disque à classer dans la catégorie des chefs d’oeuvre intemporels. A 71 ans, le Boss marche sur les traces de Bob Dylan, David Bowie ou Leonard Cohen en mettant en musique ses réflexions sur la mort. Car les 12 chansons de cet opus sont autant de ruminations sur l’amour, la perte et le fait de vieillir.


Du haut des 12 titres de cette œuvre profondément sincère et personnelle, Bruce Springsteen envoie un message à ses contemporains et nous prouve que malgré ses plus de 40 ans de carrière, il est toujours au sommet de sa forme. Car dans ce disque, chaque chanson est un rêve. Il se dégage de cet effort la même énergie et la même urgence que contenait “Born To Run” en 1975. Synthèse puissante du passé et du présent, le méditatif et triomphant “Letter To You” nous montre la force que l’on peut trouver dans le chagrin, et se révèle être le meilleur album de Springsteen depuis très longtemps. Le Boss est vivant… Vive le Boss !


Dans ma playlist : “Letter To You” (3:59) & “House Of a Thousand Guitars” (4:32)


3/ Deftones - “Ohms” (Sortie le 25.09.2020 chez Reprise Records)

On imagine que le premier jour en studio avec Terry Date aurait pu être profondément douloureux et compromettre la réussite de ce disque. Il semble au contraire que cela se soit révélé cathartique, que cela ait permis au groupe de s’ouvrir au monde et de donner la pleine mesure de la rage qui l’habite depuis plus de 3 décennies. Car il se dégage de cet opus une sorte de grâce inexplicable. Là où des titres comme “Ohms”, “The Link Is Dead” et “Ceremony” proposent une ligne de guitare des plus vénéneuses qui pulvérisera sans difficulté la concurrence, “Pompeji” émousse autant qu'il rugit et présente une ligne de chant parmi les meilleures de l’histoire du groupe. Mais on retrouve tout de même le son affreux, sale et méchant des Deftones.


Tous ces éléments font de “Ohms” un album terriblement actuel, et en même temps ancré dans le passé. En effet, certains morceaux rappellent fortement Sonic Youth, tandis que d’autres - avec des riffs aussi crades que des toilettes publiques - auraient pu facilement enflammer la piste de danse d’un club de rock dans les années 90. Cette année 2020 est probablement le moment idéal pour publier ce disque car ce n’est pas une année propice à la beauté. De l’intro Pink Floydienne de “Genesis” aux riffs sales de “Ceremony”, les retrouvailles du groupe avec le producteur Terry Date aboutissent à un album plus passionnant et émouvant que jamais. Avec “Ohms”, Deftones consolide définitivement son statut de groupe de metal le plus intéressant et le plus surprenant au monde. Incontestablement l’un des Must Have de l’année !


Dans ma playlist : “Ohms” (4:11) & “Pompeji” (5:25)


2/ Bob Dylan - “Rough And Rowdy Ways” (Sortie le 19.06.2020 chez Columbia Records)

Il était difficile de prévoir une telle résurrection du talent, non du génie de l’un des plus artistes de notre époque, mais “Rough And Rowdy Ways” est une merveille absolue, et rejoint les meilleurs albums des années 60 et 70 au pinacle de l’œuvre de Bob Dylan.


La voix de Dylan, avec l’âge, est devenue belle. Les mélodies sont toujours aussi discrètes, mais sont portées cette fois avec une élégance et un « classicisme » qui justifie le long travail de réapprentissage de la musique américaine auquel Bob Dylan s’est livré ces dernières années. Quant aux mots, ils sont à la fois terribles, sublimes, et d’une simplicité désarmante. Ce disque alterne les genres musicaux, tour à tour jazzy, country, folk, rock n’ roll, blues, sans que ça ne fasse réellement de différence tant tout est beau. Sans l’ombre d’un doute, “Rough And Rowdy Ways” aura une place de choix au Panthéon des oeuvres marquantes de l’Ancien Prix Nobel !


Dans ma playlist : “I Contain Multitudes” (4:38) & “False Prophet” (6:01)


1/ Fontaines D.C. - “A Hero’s Death” (Sortie le 31.07.2020 chez Partisan Records)

Moins de 18 mois après le remarquable “Dogrel”, les Irlandais de Fontaines D.C. sont de retour avec un 2ème effort, qui s’avère être l’antithèse parfaite du précédent. Tendu et souvent morose, “A Hero’s Death” nous propose une autre vision du groupe originaire de Dublin. Bien sûr, on y retrouve par moments le chant agité et le son post-punk incendiaire découverts sur “Dogrel”, mais cette fois, l’identité musicale du quintet mené par le chanteur Grian Chatten se ramifie et explore une palette sonore bien plus variée, et souvent bien plus sombre. Sur le plan musical, l'ambiance a également changé. “A Hero’s Death” est incontestablement un disque plus sinueux, entre atmosphères enfumées, accointances shoegaze et sentiment oppressant mais étrangement enivrant.


On retrouve tout de même quelques instants furieux de premier ordre, à l’instar de “Televised Mind” - single gorgé de guitares et de percus tournoyantes - ou également du bruyant, chaotique et décousu “Living In America”. Les chansons ne sont pas moins urgentes, mais là où “Dogrel” était triomphant et plein de vie, “A Hero’s Death” sonne juste, lourd et anxieux, presque paranoïaque.


A travers son mélange vivifiant d'énergie brute et d’un sens de la poésie typiquement irlandais, le jeune quintet de Dublin nous propose avec “A Hero’s Death” une oeuvre érudite et éloquente, remplie d’hymnes écorchés, nuancés et d’une grande complexité, qui flirtent parfois avec l’autodestruction. Par les temps qui courent, les groupes de rock ne sont plus censés devenir grands et tenir le haut du pavé. Mais apparemment, personne n’a pensé à prévenir Fontaines D.C…. Même si Grian Chatten déclarait avec fureur il y a 1 an vouloir devenir “Big”, je pense que même lui n’avait pas prévu qu’en à peine 2 albums, Fontaines D.C. allait devenir l’une des références du rock contemporain.


Dans ma playlist : “A Hero’s Death” (4:18), “Televised Mind” (4:11) & “You Said” (4:37)


LES MENTIONS SPECIALES :

Le(s) grand(s) retour(s) que l’on n’attendait plus :

1/ Pearl Jam - “Gigaton” (Sortie le 27.03.2020 chez Universal Records)

Depuis la bouillis insipide de “Lightning Bolt” en 2013, le dinosaure du grunge Pearl Jam semblait avoir perdu de sa superbe. C’est la raison pour laquelle, comme de nombreux fans, j’attendais fébrilement ce 11ème album studio… Pourtant, ce septennat d’attente semble avoir été salutaire au groupe mené par Eddie Vedder, qui s’empare avec bonheur des fléaux de notre temps pour nous livrer un 11ème album intitulé “Gigaton”. Un disque qui rend justice aux meilleures œuvres du groupe. Cet opus est probablement le disque que les fans n’osaient plus espérer de la part du quintet originaire de Seattle.


Alors que notre société sombre actuellement dans le chaos climatique et sanitaire, les textes alternant engagements personnels et appels aux armes rappellent les meilleures heures du groupe. Ainsi, “Gigaton” nous invite à une évasion musicale à la hauteur des artifices mis en place par le groupe pour sa promotion. En effet, ce nouvel album fusionne le grunge, le punk et le rock psychédélique et se révèle être un voyage émotionnel et politique, sans doute la meilleure oeuvre de Pearl Jam depuis très longtemps. Comme le prophétisait l’un de leurs fans les plus acharnés, Pearl Jam a su évoluer avec son temps. Ces gars-là n’ont pas fini de nous étonner… et on ne peut que s’en réjouir !


Dans ma playlist : “Superblood Wolfmoon” (3:49) & “Quick Escape” (4:47)


2/ AC/DC - “Power Up” (Sortie le 13.11.2020 chez Columbia Records)

Celles & ceux qui s’imaginent qu’après plus de 45 ans, AC/DC va se renouveler et évoluer en seront une nouvelle fois pour leur argent. Car dans ce disque, le groupe australien reste évidemment dans le même créneau. La patte AC/DC, ce que le groupe fait - avec une constance remarquable - depuis 1973, c’est de nous livrer une musique riche en énergie et en riffs saturés, le tout infusé d’un groove qui ferait danser même un cul-de-jatte. A titre personnel, ça me va très bien et je ne l’envisage pas autrement.


Ce 17ème album réjouissant n’est pas seulement un merveilleux hommage à la mémoire de Malcolm Young, et n’agit pas uniquement comme un shoot d’adrénaline, mais également comme une décharge qui - tour à tour - vous surprend, vous déride et vous décrasse les esgourdes. Mais surtout, “Power Up” se révèle être une déflagration furieuse qui signe le retour au premier plan de l’une des 7 merveilles du hard rock. AC/DC rebranche le son… Prenez garde à ne pas mettre les doigts dans la prise à force d’être électrisé(e) !


Dans ma playlist : “Realize” (3:39) & “Demon Fire” (3:36)


Le moment d’émotion indicible :

Nick Cave - “Idiot Prayer” (Sortie le 20.11.2020 chez Awal Recordings)

« Il ne faut pas faire trop de bruit, juste frémir, ne rien électrifier. (…) Plus de preacher à l'index accusateur ni même de crooner déclamant, place à la douceur et à la confidence ». Ce sont les mots d’Arthur-Louis Cingualte dans son brillant essai sur Nick Cave : “L’Evangile selon Nick Cave”. L’historien de l’art évoque alors un tournant dans la carrière du songwriter australien. Ce moment où la colère diluvienne s’évapore derrière les touches du piano. Or, ce disque live a pour titre “Idiot Prayer”, justement l’une des sublimes ballades de ce joyau noir qu’est “The Boatman’s Call”, sorti en 1997. Elle ouvre ici la vingtaine de chants graves et pourtant aériens d'un long moment d’intimité.

“The Boatman’s Call” et “Ghosteen” forment donc la double matrice de ce récital donné dans la vaste solitude de l’Alexandra Palace. L’écho offert par la salle londonienne déserte laisse entrer le son du souffle, la résonance d’un pied qui frappe le sol et, surtout, laisse s’étendre autant la tessiture incomparable de Nick Cave que le frisson dans et entre les notes du piano. Une acoustique qui capte cette dimension essentielle de l’esthétique des Bad Seeds dernière période : celle d’une intimité grandiose. Les textes, leur interprétation, les mélodies qui se déploient dans l’épure, tout concourt à un recueillement aux effets expansifs.


Sans les volutes atmosphériques de Warren Ellis, les titres de “Ghosteen” muent, mais conservent leur puissance élégiaque, cette vibration à la fois cotonneuse et fébrile. Mais ce sont aussi les plus diverses périodes de la discographie de Nick Cave, où le lustre de “Palaces of Montezuma” succède à un “Brompton Oratory” inoubliable, qui se retrouvent dénudées. Pour que trouvent à s’épanouir sans fard leurs lignes poétiques, qui les transportent, et nous avec, là où la lumière recueille les confidences de l’ombre. Seul au piano, le poète tourmenté livre ici une performance d’une beauté nue et bouleversante.


Dans ma playlist : “Jubilee Street” (4:32) & “Brompton Oratory” (3:22)


Les disques de chevet :

The Inspector Cluzo - “Brothers in Ideals” & “The Organic Farmers Season : Unplugged Live” (Sortie les 17.01.2020 & 16.10.2020 chez Fuck The Bass Player Records)

A l’heure de la musique standardisée, peu d’artistes ou de groupes intriguent et inspirent autant que le duo gascon The Inspector Cluzo. Les 2 compères ont donc passé l’essentiel de l’année 2019 à user leurs guêtres en tournée sur les routes poussiéreuses du Mid-West et ont décidé de concrétiser ce rêve en faisant escale dans les studios de Vance Powell à Nashville pour re-visiter en acoustique leur merveilleux 6ème opus “We The People Of The Soil”.

Le résultat de cette session acoustique s’intitule “Brothers In Ideals” - difficile de ne pas y voir un hommage appuyé à Mark Knopfler et son tube mythique “Brothers In Arms” - et voit le groupe mettre en sourdine son blues-rock rocailleux pour dépoussiérer son répertoire jouissif et y apporter une touche plus personnelle, plus sincère aussi mais surtout bien plus classieuse. De l’émouvante et déchirante version de “The Best” - réalisée en collaboration avec Marianne Dissard - à la piste-titre “Brothers In Ideals” dotée d’un piano wurlitzer subtil et délicat, tout dans ce disque n’est que pur ravissement.


Avec cette réinterprétation acoustique de leur album électrique, on pense forcément au tube mythique de Neil Young “Hey Hey My My” / “My My Hey Hey”... et ça tombe bien puisque les 2 Gascons l’ont repris durant leur tournée unplugged réalisée juste avant le 1er confinement et immortalisée dans un 3xLP intitulé “The Organic Farmers Season : Unplugged Live”. Ce disque unplugged sorti le 16 octobre dernier voit les Cluzo débrancher leurs amplis et déployer leur répertoire dans une ambiance intimiste du plus bel effet pour notre plus grand plaisir !



Ce nouveau disque retranscrit à merveille l’atmosphère unique, le recueillement quasi monacal qui habitait le public durant cette tournée. Éblouissante du début à la fin de cet opus, la prestation des 2 rockfarmers est de celles qui vous mettent en lévitation. Modulant son timbre de façon stupéfiante sans pour autant perdre en qualité, Laurent assure une performance vocale intense et passionnée, tandis que Mathieu fait parler sa formation funk derrière une batterie réduite à son plus simple appareil. Avec son énergie habituelle, il nous livre une partition subtile, digne des plus grandes éminences du blues, avec en plus de délicieuses notes jazzy.


Même s’ils s’en défendraient sûrement, les Cluzo lorgnent ici du côté de l'œuvre de Neil Young, célèbrent tout un pan de l’héritage musical américain et convoquent tous nos bleus, ceux de l’âme comme ceux de la musique, sans oublier notre petit côté fleur bleue. Dans cet album unplugged porté par des rythmes de guitare obsédants, des percussions jouissives et une énergie jamais démentie, The Inspector Cluzo parvient à sublimer son blues et ses notes bleues, délicieusement décalées, ce blues que - j’espère ! - Laurent & Mathieu ne cesseront jamais de réinventer… Si vous n’étiez pas touché(e) à l’écoute de ce voyage musical unique, cela voudrait dire que la dernière once d’humanité en vous a disparu. Mais je n’y crois absolument pas, tant “The Organic Farmers Season : Unplugged Live” est un véritable éveil des sens, une œuvre extraordinaire qui fera date.

Dans ma playlist : “The Best” [Feat. Marianne Dissard] (4:30), “Hey Hey My My” [Neil Young Cover] (3:32) & “Little Girl And The Whistlin’ Train” [Unplugged Live] (11:50)


La suite de mon classement :

11. AC/DC - “Power Up”

12. Baxter Dury - “The Night Chancers”

13. The Lemon Twigs - “Song For The General Public”

14. Pearl Jam - “Gigaton”

15. Protomartyr - “Ultimate Success Today”

16. Sparks - “A Steady Drip, Drip, Drip”

17. Pogo Car Crash Control - “Tête Blême"

18. All Them Witches - “Nothing As The Ideal”

19. Cathedrale - “Houses Are Built The Same”

20. Datcha Mandala - “Hara”



A tous les acteurs du monde de la Culture : NOUS SOMMES AVEC VOUS !



Bonne écoute & excellentes fêtes de fin d'année à vous !


Manu de RAN

mercredi 25 novembre 2020

Album Review : "III" de Fuzz (Sortie le 23.10.2020)

Credits Photo : © Mowno

À moins d’une surprise de dernière minute, 2020 marquera simplement la 2ème année - depuis ses débuts en 2008 - sans album solo de Ty Segall. Pour autant, le rockeur californien n’est pas resté inactif cette année. En effet, il a sorti un album avec son nouveau projet noise rock Wasted Shirt - réalisé en collaboration avec Brian Chippendale de Lightning Bolt - et a aussi enregistré un EP de reprises de Harry Nilsson. Et cerise sur le gâteau, il était de retour le 23 octobre dernier avec un 3ème album de son trio power rock psychédélique Fuzz, sobrement baptisé “III”.

Après avoir sorti successivement 2 albums en très peu de temps, Fuzz semblait lancé mais ses membres ont éprouvé le besoin de prendre leur temps. Ainsi, après avoir beaucoup expérimenté dans “First Taste”, son album solo de 2019, Ty Segall - et donc Fuzz - marquent leur retour à la musique rock brute alimentée par la guitare de Charles Moothart, la basse de Chad Ubovich et la batterie de Ty Segall.

Credits Photo : © Denee Petracek

Avec “III”, 5 ans après sa dernière production, on a le sentiment que Fuzz a la volonté d’appuyer sur le bouton de réinitialisation et de repartir sur les bases qui ont réuni ses membres à l’origine. En effet, sur leur double album “II” en 2015, Ty Segall, Charles Moothart et Chad Ubovich ont étiré et « bidouillé » leur son proto-métal dans toutes les directions, tandis que sur “III”, tout reprend sa forme d’origine. Contrairement aux dernières productions de Segall, vous ne retrouverez ici aucune fioriture psychédélique orientale, pas d'arrangements de cordes, pas d’incursion vers le space-jazz. Même la voix revient à sa plus simple expression.


Ici, l’accent est mis sur les forces élémentaires du trio : des riffs de la taille d'un brontosaure, un chant acéré et les mélodies acides de Ty Segall, dont aurait très bien pu accoucher John Lennon s’il s’avait collaboré avec Tony Iommi de Black Sabbath et Bobby Liebling de Pentagram au début des années 70. Avec “III”, nous avons à faire à un album de Ty Segall mais avec un fond plus costaud, plus méchant, où le mélange de grunge et de Big Star du titre “Spit” mais aussi la très punk & Thin Lizzy-ienne “Mirror” trouveront aisément leur place au milieu de “Break a Guitar” & “She” au panthéon des chansons les plus teigneuses et les plus rebelles du stakhanoviste californien.


D’ailleurs, “III” ressemble davantage au prolongement de “Deforming Lobes”, le disque live de Ty Segall sorti en 2019, qu’à du Fuzz. Et comme “Deforming Lobes” nous l'a prouvé l’an passé, lorsqu'il s’agit de capter l’énergie d’un groupe dans son style le plus brut et le plus primitif, personne ne vaut le vénérable producteur Steve Albini, qui parvient à merveille à capturer la personnalité, l’essence et la nature insolente du trio.

Credits Photo : © Mix Online

Même si Fuzz se délecte de nous proposer cette forme d’agression amplifiée, l’énergie du trio est finalement plus malicieuse et subtile qu’il n’y paraît. Ainsi, la piste d’ouverture “Returning” est à la fois réconfortante et complexe. Sur “Nothing People”, le trio nous propose un rythme propulsif qui rappelle Can, avant de se confronter à un boogie que Grand Funk Railroad n’aurait guère renié. Et même lorsque Fuzz semble proche de sombrer dans un blues-rock un peu convenu - comme dans l’intro de “Time Collapse” - les musiciens déploient tout leur arsenal pour le bousculer, qu’il s’agisse des exultations vocales de Ty Segall, des rythmes agités de Chad Ubovich ou des riffs extravagants de Charles Moothart.

Credits Photo : © Robot Butt

Le travail du producteur Steve Albini apporte vraiment un punch viscéral à cet effort, permettant aux solos de Charles Moothart d’être valorisés par la section rythmique qui gronde en arrière plan. Et là où “II” voyait sa piste-titre dériver dans l’inconnu pendant plus de 13mn, “III” se conclue sur un morceau de 7mn - “End Returning” - qui capture l’essence même du son de Fuzz, largement influencé par Black Sabbath, mais qui culmine également lors de ses incursions dans le rock progressif et le hardcore, avant de se transformer en un garage punk vicieux pour une fin de disque vénéneuse et fiévreuse.


Sur son 1er album en 5 ans, le trio de Ty Segall revient à ses fondamentaux, un rock stoner familier aux accointances power metal. Mais contrairement à ses 2 sorties précédentes, Fuzz embrasse cette fois pleinement le son simple mais efficace du hard rock de la fin des années 60 et du début des années 70. Porté par les performances vocales féroces de Moothart et Segall, qui portent en elles l’ADN de ce disque, “III” sonne live et organique, et nous propose également une multitude de moments instrumentaux mémorables, de “Spit” à “End Returning”. Cette fois, c’est sûr… Là où auparavant vous ne pouviez que vous hasarder à effectuer des comparaisons, vous pouvez désormais ériger officiellement Fuzz au rang de successeur n°1 de Black Sabbath et Alice Cooper.


La Note de Manu : 8/10

Pochette de l'album "III" de Fuzz (sortie le 23.10.2020)

“III” de Fuzz, LP 8 titres sorti le 23 octobre 2020 chez In The Red Records

Tracklist :

1. Returning (3:02)

2. Nothing People (3:28)

3. Spit (2:45)

4. Time Collapse (6:12)

5. Mirror (2:55)

6. Close Your Eyes (4:41)

7. Blind To Vines (5:12)

8. End Returning (7:45)



Credits Photo : © Chris Rod

Credits Photo : © Pop Press International


Manu de RAN