Rock Alternative News : avril 2022

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Si l’on se plonge dans l’œuvre du poète irlandais William Butler Yeats, on y découvre que « parfois, l’exil est l’ultime salut pour un esprit tourmenté ». Voilà une citation qui sied à merveille à ses compatriotes de Fontaines D.C…

Grands admirateurs des travaux du Prix Nobel de Littérature 1923, les punks poètes dublinois, diamants et piliers de la scène post-punk actuelle, ont décidé d’appliquer les préceptes de leur maître. Partir pour survivre… Les membres de Fontaines D.C. ont ainsi pris la douloureuse décision de quitter leur capitale chérie, mise en avant dans de nombreux clips mémorables, pour émigrer à Londres et repartir sur des bases nouvelles.

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Si la pandémie a cassé leur dynamique et fait vaciller un temps l’un des principaux monuments du rock irlandais, celle-ci aura au moins eu le mérite de préserver Grian Chatten et ses camarades des affres de la célébrité, entre tournées-marathons et excès en tout genre dont le rock est coutumier. Et le résultat ne s’est guère fait attendre… Récemment consacré « Best Band in the World » par le sacro saint NME, le quintet dublinois est de retour ce 22 avril avec un 3ème album intitulé “Skinty Fia”.

UN PUNK ROCK AUX TEXTES SUBTILS

« Skinty Fia », une expression bien mystérieuse qui - pourtant - ne pourrait être plus appropriée, tant elle colle à merveille aux 2 années que nous venons de passer. Signifiant littéralement « damnation du cerf », celle-ci est régulièrement utilisée Outre-Manche pour marquer sa déception. Un juron gaélique qui révèle autant qu'il cache ce qui nous attend à l’écoute des 45mn de cet album d’une grande densité.

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En 2019, “Dogrel” avait révélé le post-punk littéraire de Fontaines D.C., avec ses titres aussi emballants que foudroyants. En 2020, comme une éclaircie en pleine pandémie, “A Hero’s Death” déconcertait et charmait un auditoire conscient du potentiel de la machine de guerre dublinoise. Et ce 3ème album agira de nouveau en guise de contrepied, le quintet dublinois explorant de nouvelles textures musicales allant de la douceur pop des Smiths aux rythmes urgents de Nine Inch Nails. Déployant une riche palette musicale, nourrissant leur aspiration intellectuelle d’un souffle intense et inspiré, Grian et ses acolytes nous proposent cette fois un punk rock sombre et délicat, aux textes subtils, profonds et existentiels, dont l’énergie et l’esprit suffisent à en garantir la cohérence et l’intégrité.

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Si un brûlot mélodique comme “Jackie Down The Line” - que les Smiths n’auraient guère renié - nous confirme que Fontaines D.C. en a encore sous la pédale, la piste d’ouverture “In ár gCroíthe go deo” - dont le titre pourrait être traduit par « Dans nos cœurs pour toujours » - nous plonge dans une ambiance assez sobre et sombre dès le début et nous prépare à l’ambiance générale du disque, dictée par son thème principal : une réflexion autour d’une culture irlandaise en perdition.

UNE RÉFLEXION SUR LA CULTURE IRLANDAISE

Sur la suite du disque, le tempo ralentit, la voix de Grian Chatten se fait souvent plus grave et le quintet prend le temps de développer des textures musicales variées et parfois inédites. On pense notamment à “Big Shot”, ainsi qu’à la ballade pluvieuse “Bloomsday”, à la ligne de basse entêtante et hypnotique de “How Cold Love Is”, aux distorsions de guitare du virulent “Roman Holiday” ou - bien sûr - à l’impériale et désespérée “I Love You”. Si certain(e)s regretteront peut-être les incursions électroniques de la piste-titre, qui sert pourtant admirablement le propos, la simplicité et la vulnérabilité de “The Couple Across The Way” séduiront largement. Ce titre à l’accordéon désuet mais séduisant nous montre que Grian Chatten s’affirme définitivement comme la nouvelle voix qui porte le rock anglo-saxon.

Une fois l’émotion passée, on conclura le disque sur un “Nabokov” oppressant, tout de bruit et de fureur, pour exprimer le conflit intérieur qui oppose asservissement et fidélité. Paradoxe ô combien symptomatique de ce qu’est Fontaines D.C… Reflet d'un groupe qui se sent parfois étranger au monde qui l'entoure. Un groupe capable de proposer un set hyper virulent, très rock, limite bourrin, au public de l’Olympia et, à peine 10 jours plus tard, de publier ce disque aux chansons subtiles dignes du rock exigeant et direct de Grian Chatten et ses acolytes.

Un disque qui convoque les racines du quintet - tel un ouragan de lyrisme - et qui nous prouve qu’à chaque nouveau chapitre de l’histoire de Fontaines D.C., un univers nouveau - toujours plus riche que le précédent - prend vie.

La Note de Manu : 9.5/10