vendredi 29 novembre 2019

Live Report : Last Train + Bandit Bandit @ Le Trianon, Paris / 06.11.2019

Credits Photo : © Rock Alternative News
Que de chemin parcouru pour les Alsaciens de Last Train… Qui aurait cru lorsque nous les avions découverts en 2014 - à jouer devant une audience clairsemée et distraite d’un obscur bar rémois - que nous les retrouverions un jour en haut de l’affiche du Trianon ? Personne, mis à part moi peut-être... Non pas que je sois meilleur que les autres mais Julien, Antoine, Tim & Jean-Noël possédaient déjà ce petit truc qui faisait que l’on sentait qu’une grande carrière leur était promise.
Source : © Facebook Officiel Last Train
Après avoir électrisé les salles de France, de Navarre et même du globe tout entier sur sa tournée précédente, en ce mercredi soir pluvieux, Last Train poursuit sa glorieuse ascension et fait escale au Trianon pour présenter à son public parisien son excellent 2nd album “The Big Picture”, sorti le 13 septembre dernier. Et pour régaler le public d’un Trianon sold out, les Lyonnais d’adoption ont mis les petits plats dans les grands puisque la 1ère partie sera assurée par rien de moins que l’un des duos les plus prometteurs du rock français, Bandit Bandit.
Credits Photo : © Rock Alternative News
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BANDIT BANDIT BRAQUE LE TRIANON

Et c’est donc à Bandit Bandit - qui a sorti son 1er EP éponyme le 11 octobre dernier - qu’échoît la lourde tâche d’ouvrir les hostilités et de chauffer à blanc un public qui paraît n’en avoir nul besoin. Le moins que l’on puisse dire c’est que Bandit Bandit - composé sur scène de Maëva au chant, d’Hugo à la guitare & au chant, d’Ari à la basse et d’Anthony à la batterie - semble parfaitement à l’aise dans ce rôle… Délivrant un rock à mi-chemin entre garage et pop psychédélique 60’s, Maëva, Hugo & leurs acolytes régalent et impressionnent l’assistance par leur justesse, leur frénésie et leur évidente complicité. Entamant leur set par la pulsation de la décharge “Néant”, le groupe ravit tant musicalement que visuellement, même si la comparaison avec The Kills semble presque trop évidente.
Credits Photo : © Rock Alternative News
Sauf que contrairement au groupe d’Alison Mosshart, Bandit Bandit affiche une signature rythmique dansante et groovy, ainsi qu’un héritage musical gainsbourg-ien clairement assumé, et délivre un son massif renforcé par une section rythmique au diapason. Après avoir magnifiquement exécuté “Dimension”, les Bonnie & Clyde du rock hexagonal font encore monter la température d’un cran avec la bien nommée “Fever”. S’ensuivent “Siamese” et - surtout - leur 1er single entêtant et tubesque “Maux”, qui remporte aisément l’adhésion du public. A partir de là, l’intensité ne fera que monter crescendo. Si l’alchimie artistique et amoureuse est évidente entre Maëva & Hugo, on sent qu’il manque encore un peu d’huile - comprenez de spontanéité - dans les rouages scéniques du duo révélation d’un rock français particulièrement riche actuellement.
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Duo & couple rencontré sur Tinder, les potes de Last Train distillent un rock bien gras, bien sale et - très - lourd, quelque part entre le Gainsbourg de “Melody Nelson”, Kadavar et Sonic Youth, et ont incontestablement marqué des points et rencontré leur public ce mercredi soir dans un Trianon qui a frémi de plaisir plus tôt que prévu et qui a sans doute assisté à un acte fondateur. On se fera donc un devoir et un plaisir de les retrouver sur scène le 24 mars 2020 au Point Ephémère. On a hâte...
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LAST TRAIN TUTOIE LES ANGES

Il est 21h pétantes lorsque Last Train investit la scène au son de "The Lonely Shepherd", le morceau de Gheorge Zamfir utilisé dans la B.O. du cultissime "Kill Bill : Volume 1". Dès la musique d'introduction, le ton est donc donné : les membres de Last Train sont prêts à aller au combat. Seul le fond de scène paré d’un immense drap blanc est éclairé, laissant néanmoins apparaître dans l’ombre la batterie surélevée d'Antoine. L’enthousiasme et l'impatience de l'auditoire peuvent se lire sur chaque visage, littéralement suspendu aux lèvres d'un Jean-Noël habillé comme s'il s'apprêtait à tourner un épisode de "Peaky Blinders". Si la scène est minimaliste et très ordonnée, avec des murs d'amplis Marshall tout autour de la batterie d’Antoine, l'espace semble néanmoins insuffisant, tant le charisme que dégage chaque membre du groupe irradie le public d'un Trianon en ébullition.
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Les premiers accords de "All Alone" résonnent à peine que la communion avec le public est déjà totale. Pogos et circle pits répondent à la complicité, la cohésion et la frénésie du quatuor mené par un Jean-Noël qui ne ménage pas ses efforts. Les tubes “Way Out” et “House On The Moon” s’enchaînent. Le son est clair et puissant. Et dans ces conditions, il est difficile de résister à une telle efficacité, à une telle connivence entre un public qui connait les titres sur le bout des doigts et des musiciens qui s’approprient à merveille ces morceaux frontaux et excellents. Les instrumentistes semblent véritablement habités par leurs chansons, à commencer par les plus progressives comme “On Your Knees”.
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Tandis que le clair obscur "Disappointed" enflamme littéralement la salle et voit Jean-Noël triompher, porté - dans tous les sens du terme - par un public en transe, le tube orgasmique "Fire" vient hypnotiser l'assistance avec son rock psychédélique. "One Side Road" et "Between Wounds" viennent raviver la flamme punk qui sommeille en chacun des fans de la première heure. Puis la 1ère partie du set se termine par un "Leaving You Now" phénoménal. La soirée file à une vitesse folle, la formation semble en lévitation et il est temps pour Jean-Noël, Tim, Antoine et Julien de se retirer sous les hourras d'une foule admirative et extatique. Un instant de haute teneur émotionnelle qui ne laisse guère de doutes sur le retour sur scène du quatuor. Mais le plus fort, c'est que le meilleur est encore à venir...
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A peine le temps de souffler quelques instants et de se rafraîchir que les membres de Last Train sont déjà de retour sur scène pour un rappel intense et efficace. Si - au cours de la 1ère partie du concert - la setlist alternait titres de leur dernier album "The Big Picture", brûlots de leurs débuts "Weathering" en 2017 et même quelques morceaux issus de leurs 2 EPs "The Holy Family" & "Fragile" en 2015, les 3 morceaux joués durant le rappel ne dérogeront pas à cette règle. La douceur de “Tired Since 1994” donne l'occasion à Jean-Noël de faire montre de l'étendue de sa palette vocale, d'un chant tout en maîtrise à une apothéose frénétique, rageuse mais néanmoins mélodique. Incontournable du répertoire du groupe alsacien, le classique “Cold Fever” sera repris en chœur par le public et donne l'occasion aux musiciens de laisser libre court à leurs talents instrumentaux. Après les traditionnels remerciements déclinés par le chanteur - moment où nous découvrons que les parents des membres du groupe se trouvent au balcon - et une allusion à leur tout premier concert dans la Capitale dans un bar confidentiel - "le seul qui nous ait acceptés" dixit Jean-Noël - il y a 6-7 ans, l'ambiance atteint son paroxysme et le concert se termine en apothéose avec l’excellent morceau éponyme du dernier album "The Big Picture" !
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C'est en totale communion avec le public du Trianon, qui les ovationnera durant plusieurs minutes, que Julien clôture le set en balançant à plusieurs reprises sa guitare sur les enceintes. J'ignore si la fameuse 6 cordes a survécu ou si elle alimentera le foyer de la cheminée de son appartement cet hiver mais ce qui est certain, c'est que ce geste, ajouté à la décharge d'adrénaline continue durant ce concert maîtrisé de bout en bout, planant et déchirant, me confirme que Last Train porte en lui l’ADN de ce qui fait les grands groupes de rock, l’essence même de ce son désenchanté, sincère et brut.
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Ce déchaînement de notes, de plaisir et de décibels s'achèvera par les traditionnelles accolades entre les membres du groupe. Sauf que ce mercredi 06 novembre 2019 n'était vraiment pas un jour comme les autres... Portés par une émotion de chaque instant, certains spectateurs de la fosse se mettent à enlacer spontanément leur voisin(e) et voient des larmes couler sur leur visage, comme ce fut le cas sur celui de Julien et des autres membres du groupe, visiblement très émus.
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Une sorte de spleen musical, un vent de nostalgie vaporeuse a soufflé sur le Trianon ce mercredi soir et a tout emporté sur son passage. A notre sortie de la salle parisienne, nous sommes encore sous le coup de l'émotion, comme en lévitation, et avons le sentiment d'avoir assisté à un acte fondateur, un moment de grâce. Je ne me souviens pas précisément de la dernière fois que j'ai vécu une telle catharsis musicale à la sortie d'un concert, mais ce sont des moments rares qu'il convient de savourer. Avec son audace, sa sincérité et son panache, Last Train a triomphé et a clairement changé de dimension sous nos yeux ébahis. Merci et à très vite !
Credits Photo : © Rock Alternative News
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LAST TRAIN + BANDIT BANDIT - THE BIG PICTURE TOUR 2019 / LIVE IN PARIS, FRANCE

Lieu : Le Trianon, Paris (75)
Date : Mercredi 06 Novembre 2019
Setlist :
1. All Alone
2. Way Out
3. House On The Moon
4. On Our Knees
5. One Side Road
6. Between Wounds
7. Disappointed
8. Fire
9. Leaving You Now

- ENCORE -

10. Tired Since 1994
11. Cold Fever
12. The Big Picture
Credits Photo : © Rock Alternative News
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La composition de Last Train :
Jean-Noël Scherrer (guitare & chant)
Julien Peultier (guitare & choeurs)
Timothée Gerard (basse & choeurs)
Antoine Baschung (batterie)
Credits Photo : © Rock Alternative News
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La setlist du concert de Bandit Bandit :
1. Néant
2. Dimension
3. Fever
4. Siamese
5. Maux
6. Pixel
7. Nyctalope
8. Tachycardie
Credits Photo : © Rock Alternative News
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La composition de Bandit Bandit :
Maëva Nicolas (chant)
Hugo Herleman (guitare & voix)
Anthony Avril (batterie)
Ari Moitier (basse)
Credits Photo : © Rock Alternative News
Source : © Facebook Officiel Cold Fame


Manu de RAN

jeudi 28 novembre 2019

Interview : Dan et Mathis de Rockabusif


Un nouveau média alternatif vient de voir le jour sur Instagram par deux passionnés de la scène indé française, son nom Rockabusif. Originaires de Tours, nous avons posé quelques questions à Dan et Mathys, pour en savoir un peu plus sur ce qui les avaient poussé à se lancer dans cette aventure.


Salut les gars, qu'est ce qui vous a donné envie de lancer Rockabusif ? Et dans quel but ?

Dan : On à lancé le projet avant tout, pour la passion de la musique. Perso, j'avais déjà lancé un projet il y a quelques années je m'étais testé à un magazine en ligne, mais ça n'était pas aussi qualitatif, je n'avais pas tous les moyens que l'on utilisent tous les deux aujourd'hui.
Derrière ça on aimerait remédiatisé la scène rock indé. Du moins on veut participer à cette remédiatisation

La scène rock française est vraiment riche en ce moment ?

Dan : Oui absolument ! On peut citer Lysistrata, Équipe de Foot , The Psychotic Monks, Pogo Car Crash Control, MNNQNS, MSS FRNCE, Truckks, Johnny Mafia, Thé Vanille, Last Train et bien d'autres... Y'a une scène forte en France, ont le ressent depuis 2 ou 3 ans maintenant, après avoir discuté de ce sujet avec certains groupes, ils le ressentent aussi en étant acteurs de cette scène .


Donc vous tenez Rockabusif à deux?

Mathys : Oui, Dan s'occupe de la rédaction, de la recherche, de la documentation et prends contact avec les groupes et festivals 
Dan : Et Mathys s'occupe essentiellement du graphisme. Ensemble on voit ce qui nous plaît dans tout ces domaines, et on réfléchis aux nouveaux contenus que l'on peut ajouter ou aux nouvelles idées visuelles et rédactionnelles.

Depuis quand vous vous connaissez ?

Dan : Depuis 3 ans, on s'est connu au lycée.

Pensez vous recruter de nouvelles personnes dans le future ?

Mathys : Probablement, suivant la tournure que prends le projet. On pense par exemple à des photographes et/ou des rédacteurs.

Pourquoi ce nom Rock Abusif ?

Dan : D'une part ça sonnait bien, mais on voulait aussi mettre en avant le terme rock, il renvoie un côté dynamique et sans limite. Et ça nous plaît.


Dan (en bas) et Mathys (en haut)

Pourquoi avez-vous choisie Instagram au lieu de Facebook  ?

Mathys : Instagram est plus visuel, plus ludique et dans l'esprit de nos études. On a une perception visuelle des choses, alors même si la rédaction et importante on veut tout de suite donner envie au lecteurs de découvrir notre contenu.

Votre artwork est vraiment originale et vous différencie des autres medias, est-ce un concept que vous souhaitez développer par la suite ?

Dan : Justement nous sommes en train de retravailler sur tout l'aspect visuelle du projet. Et par exemple pour du nouveau contenu comme les playlists on compte faire des illustrations par rapport aux thèmes des playlists. Ça va arriver très prochainement

Comment vous est venue cette idée d'artwork ?

Mathys : Le premier c'était un esprit vague, ondulé... mais à la fois un coté urbain, underground. Pour celui que l'on prépare on part sur un esprit explosif et frais ! Qui va mieux correspondre à nos envies, on veut tout de même garder notre côté indé dans ce visuel, et que toute la charte graphique du projet reste notre marque de fabrique.

Quels sont les groupes indé français que vous kiffez le plus ?

Dan : On en a déjà cité quelques-uns, comme Lysistrata, Équipe de Foot, Thé Vanille, pour ma part, j'écoute pas mal This Will Destroy Your Ears en ce moment! En francophonie, notamment en Belgique on adore La Jungle, ou It It Anita.
Sinon à l'international, on peut citer les Cassels, les Fontaines D.C., les IDLES, les Heavy Lungs, les Oh Sees, les Frankie And The Witch Fingers par exemple

Quel a été votre dernier coup de coeur ?

Mathys : Princess Thaïland et Last Night We Killed Pineapple sont nos deux coups de cœur du moment.

Dan : Les Princess Thailand sont à fond derrière nous, ça nous fais vraiment plaisir.


Vous êtes assez jeunes donc, quel est votre support de prédilection ?

Dan : Principalement du vinyle pour tout les deux et streaming pour Mathys.

Quelle est votre disque favoris? Et pourquoi ?

Dan : Personnellement, je dirais "Joy As An Act Of Resistance" des IDLES, un très grand album qui se vit d'autant plus en live, j'ai d'ailleurs hâte d'entendre leur 3ème opus qui devrait sortir l'année prochaine, ils l'ont enregistrés y'a quelques semaines à Paris.  Mais il y'a des pépites comme "Breathe In/Out" le dernier album de Lysistrata qui ne peut pas ne pas être cité.

Mathys : Pour ma part je choisirai "Chantal" de Équipe de Foot qui peut passer de très calme et posé, à tremblant, surtout en live ! On les avait vus ensemble à Aucard de Tours en 2018, c'est aussi lors de ce festival qu'une part de Rockabusif est né.

Et votre pochette préférée ?

Mathys : Pour la pochette, on est tout les deux d'accord on aime beaucoup la douce bataille médiévale qui illustre merveilleusement bien "Past / Middle Age / Future" de La Jungle, sortie en avril dernier.

Pochette de L'album Past/Middle Age/Future de La Jungle

Avez vous d'autres passions en plus de la zik ?

Dan : Oui on aime le design, le graphisme, mais aussi l'art en général pour Mathys.

Que prévoyez vous pour la suite?

Mathys : On est entrain de préparer un site, avec du nouveau contenu (playlists, interviews) on va continuer à fond le projet, on compte faire d'autres interviews, rencontres, et pourquoi pas dans un futur proche ou lointain, suivant nos moyens organiser des soirée concerts, ou en tout cas participer à ce type d'événement !

Dan et Mathys pendant l'interview de White Wire



Dan : Pour conclure, on voudrait ajouter que ce projet nous permet de nous améliorer dans certains domaines, comme ceux en lien avec nos études, mais aussi et avant tout, il nous permet de rencontrer des personnes vraiment géniales, comme toi Gian, mais on pense aussi à Arthur de l'asso PTBP, ainsi que les quelques groupes qu'on a pu interviewer jusque là, toutes ces personnes ont toujours été bienveillantes et nous soutiennent grandement !


Merci les gars, ça me touche vraiment, mais je ne suis pas tout seul non plus, j'ai 3 potes incroyablement talentueux avec moi pour  diriger le vaisseau RAN.


Retrouvez Rockabusif sur Instagram :
https://instagram.com/rockabusif

Et sur Facebook :
https://www.facebook.com/rockabusif

Le nouveau logo de Rockabusif 

Gian, novembre 2019.


mardi 26 novembre 2019

Album Review : "Thanks For The Dance" de Leonard Cohen (Sortie le 22.11.2019)

Credits Photo : © Ouest France
Après avoir terminé son album “You Want It Darker”, publié seulement 19 jours avant son décès le 07 novembre 2016, Leonard Cohen songeait toujours à ajouter un nouveau tour de force à sa discographie pléthorique. Ainsi, alors que la flamme de la vie s'éteignait progressivement en lui, il continua néanmoins à écrire et à enregistrer. Le résultat en est un magnifique disque posthume, intitulé “Thanks For The Dance”, sorti le 22 novembre dernier.
Credits Photo : © Video Muzic
Deux ans après l’excellent “You Want It Darker”, le dernier disque du Maestro est donc enfin disponible... Son fils - le compositeur Adam Cohen - est parvenu à regrouper une magnifique myriade de musiciens - tels que Daniel Lanois, Jennifer Warnes et le guitariste espagnol Javier Mas (entre autres) - afin de rendre justice aux enregistrements fragmentaires et inachevés de son père. Que celles & ceux qui craignaient que le fiston ne parvienne à transmettre l'héritage de son père dans cet album se rassurent : chaque piste a le poids d'une oeuvre aboutie et non d'une pensée inachevée.
Credits Photo : © Evening Standard
Pourtant, l’instrumentation rare et sublime ne détourne jamais l’attention de la voix inimitable de Leonard Cohen, qui est luxuriante, impassible, chaleureuse et poétique, avec un soupçon de fragilité qui ajoute une substantifique moelle à cette déclaration finale. La voix de celui-ci - aggravée par « 50.000 cigarettes et plusieurs piscines de whisky », selon le principal intéressé - résonne comme des mots forts et durs sur tour à tour les thèmes de la sexualité, de la mort, de la foi, de la politique et du système capitaliste.
Credits Photo : © New York Times
Portée par le piano atmosphérique de son compatriote Daniel Lanois, l'ouverture personnelle et légèrement triste “Happens To The Heart” raconte la carrière du Canadien avec humilité et fatalisme - « Je travaillais toujours de façon constante, mais mon oeuvre je ne l'appelais jamais “art”... » - tandis que d'autres chansons traitent des imperfections de l'être humain, dont certaines sont exposées dans le documentaire “Marianne & Leonard : Words Of Love” (à paraître prochainement). En définitive, Leonard Cohen fait le bilan de ses relations passées et se montre assez critique.
Credits Photo : © Consequence Of Sound
“Puppets” lutte puissamment avec le monde que le songwriter canadien quitte, en comparant le fascisme (« les marionnettes allemandes ont brûlé les juifs ») et la politique étrangère récente (« les présidents commandent aux troupes de marionnettes de brûler le pays »). Allusion à peine voilée au voisin de la patrie de naissance de Leonard Cohen, dont le Président - Donald Trump - bouleverse les conceptions traditionnelles de la diplomatie. Comme celles de Marvin Gaye et de Prince, l’œuvre de Cohen cherche à réconcilier le spirituel et le sensuel, 2 aspects qui reviennent de façon récurrente dans son oeuvre.
Credits Photo : © France Info
Javier Mas contribue magnifiquement au titre “The Night Of Santiago” - ballade itinérante qui parle de sexe - aux côtés du guitariste flamenco Carlos de Jacoba, de Daniel Lanois, de la légende Beck mais aussi du bassiste d'Arcade Fire, Richard Reed Parry. Quant à “It’s Torn”, elle me rappelle l’hymne de Cohen au nom prédestiné “Anthem”, exécutée avec une voix tremblante et accompagnée d’un piano majestueux. Dotée d’un tempo funèbre, elle évoque la politique à mots à peine couverts : « C’est déchiré à droite et c’est déchiré à gauche... c’est déchiré au centre, ce que peu de gens peuvent accepter... ». Dans la piste-titre “Thanks For The Dance”, Leonard Cohen semble formuler un adieu, tant à son public et qu’à son entourage. Alors que le rythme ralentit et que les voix forment une sorte de chorale paradisiaque, “The Hills” se moque de son corps vieillissant (« Le système est abattu… Je vis grâce à des pilules ») et l'étourdissant “The Goal” le trouve « presque vivant » et « règle les comptes de son âme ».
Credits Photo : © Pitchfork
En fin de compte, les chansons les plus obsédantes sont les plus courtes. Avec “Thanks For The Dance”, Leonard Cohen nous livre une œuvre posthume aussi vivante, stimulante et essentielle que tout ce qu’il a produit de son vivant. Attention, ce testament musical est de taille à vous briser le coeur, à l’instar de ce que fait si bien un artiste comme Nick Cave, même si ce dernier évolue dans un registre sonore différent. L'Histoire retiendra que le dernier poème enregistré par Leonard Cohen - “Listen To The Hummingbird” - nous implore de trouver la beauté en Dieu et dans les oiseaux. Et enfin, un vaste silence... qui vient clôturer cette oeuvre crépusculaire magistrale et nous rappelle combien Leonard Cohen va nous manquer. So long, Leo…


La Note de Manu : 8.5/10
Pochette de l'album "Thanks For The Dance" de Leonard Cohen
“Thanks For The Dance” de Leonard Cohen, LP 09 titres sorti le 22 novembre 2019 chez Legacy Recordings / Columbia Records

Tracklist :
1. Happens To The Heart (4:33)
2. Moving On (3:12)
3. The Night Of Santiago (4:15)
4. Thanks For The Dance (4:13)
5. It’s Torn (2:58)
6. The Goal (1:12)
7. Puppets (2:40)
8. The Hills (4:18)
9. Listen To The Hummingbird (2:01)


Credits Photo : © Everything Zoomer


Manu de RAN