samedi 29 mai 2021

Album Review : "Written And Directed" de Black Honey (Sortie le 19.03.2021)

Credits Photo : © Vinyl Chapters

Repéré en ouverture de ses compatriotes de Royal Blood au Zénith de Paris il y a presque 4 ans et introduit par son magnifique 1er opus éponyme en 2018, le groupe originaire de Brighton Black Honey poursuit sa progression linéaire et prend son envol sur son 2ème album “Written And Directed”, sorti le 19 mars dernier.

Si Black Honey a toujours revendiqué une touche cinématographique, ce 2ème effort la suggère à nouveau, tant au niveau de sa pochette sobre avec le titre et la mention « by » suivie du nom du groupe, qu’au niveau de son contenu, à la fois libre, réfléchi et déjanté, rappelant en un sens les B.O. de westerns spaghetti créées en son temps par Ennio Morricone. Quoi qu’il en soit, ce nouveau disque nous confirme la montée en puissance du quatuor, désormais en passe de devenir un blockbuster. Et, comme dans tout grand film, il compense les scènes percutantes par des moments plus apaisés.

Credits Photo : © Indie Is Not a Genre

"WRITTEN AND DIRECTED", OU LE TRIOMPHE DU « GIRL POWER »

Plus grand et plus audacieux que leur 1er album éponyme sorti en 2018, “Written And Directed” trouve le groupe mené par la chanteuse Izzy B. Philips avec les dents encore plus longues et acérées et aborde de nouvelles thématiques, comme la lutte contre le patriarcat. Un sujet qui est abordé dès l’ouverture sur l’explosive “I Like The Way You Die”, l’une des 2 chansons écrites en collaboration avec Carl Barât - co-chanteur/guitariste des Libertines - et Olly Burden de The Prodigy. A travers cette diatribe ô combien jubilatoire sur ce que les Anglo-Saxons appellent communément la « masculinité toxique », Izzy Phillips semble vouloir se venger. Déclamant de façon inquiétante « J’aime ta façon de mourir, mon gars », une référence à peine voilée au “Django Unchained” de Quentin Tarantino, la chanteuse appelle de ses voeux un renversement des rôles, une société où la justice serait uniquement l'apanage de celles & ceux qui ont souffert.


Avec cette thématique, on tient donc le fil conducteur de “Written And Directed” : « le girl power », ou le féminisme si vous préférez. Le calvaire d’Izzy Phillips - et à travers elle, de toutes les femmes - prend de nombreuses formes tout au long de ce disque, comme sur “I Do It To Myself”, où la vocaliste lutte contre elle-même, ou l’excellente “Run For Cover”. “Disinfect”, quant à elle, est décrite par Izzy comme une chanson qui met les auditeurs au défi de « se confronter à la triste réalité de notre monde », qualifiant ces derniers de « survivants accros à la violence ». Et ce message est brillamment transmis par les riffs tonitruants de Chris Ostler et la ligne de basse urgente de Tommy Taylor.


Et s’il nous venait l’idée de douter, un titre comme “Fire”, un hymne venimeux plein de rage et d'espérance, nous ramène dans le droit chemin sur fond de pianos lents mais pesants et de cuivres triomphants. Comme tout bon blockbuster, “Written And Directed” sait apporter un brin de légèreté pour amplifier l’impact de ses brûlots les plus efficaces. Ainsi, “Back Of The Bar” vous charmera avec son indie-pop teintée de nostalgie romantique, tandis que “Beaches” parvient à condenser l’univers des Viagra Boys à l’élégance de la pop française dans un refrain séduisant porté une nouvelle fois par la basse de Tommy Taylor.

Credits Photo : © Live4Ever

UN RETOUR PASSIONNANT SOUS STEROÏDES

Cependant, la fête n’aurait pas été totale sans la piste de clôture surprenante “Gabrielle”, chanson acoustique enfumée sur laquelle le chant d’Izzy se fait suave et délicat, concluant sur une note encore peu explorée ce 2nd disque de Black Honey. Assez dense, “Written And Directed” dépasse pourtant difficilement les 30 minutes, tout en se révélant être une étape passionnante sur le parcours d’un groupe qui prend tranquillement son envol et évolue vers ce statut de groupe de rock de référence qu’on lui promettait.


Plus de 2 ans après un 1er album passionnant, le quatuor diffuse cette fois un son plus massif, plus abouti et plus audacieux sur ce nouvel effort. Ajoutant à bon escient des notes de cuivres et quelques touches d’électro bien senties, la formation de Brighton affiche sa singularité et revient à ses premières amours, le grunge rock saturé aux accents noisy, tout en proposant un disque à la variété et à l’humanité saisissantes. Avec “Written And Directed”, Black Honey signe ainsi un retour sous stéroïdes, revigorant et trépidant, qui ne fait que confirmer notre volonté de retrouver la frénésie du live au plus vite.


La Note de Manu : 8.5/10

Pochette de l'album "Written And Directed" de Black Honey (sortie le 19.03.2021)

“Written And Directed” de Black Honey, LP 10 titres sorti le 19 mars 2021 chez Foxfive Records

Tracklist :

1. I Like The Way You Die (3:08)

2. Run For Cover (2:57)

3. Beaches (3:00)

4. Back of The Bar (2:35)

5. Believer -2:56)

6. I Do It To Myself (3:36)

7. Disinfect (2:49)

8. Summer ‘92 (3:32)

9. Fire (3:17)

10. Gabrielle (2:37)



Credits Photo : © Redbrick

Credits Photo : © Carla Salvatore

Credits Photo : © Popped Music


Manu de RAN

jeudi 27 mai 2021

Album Review : "New Long Leg" de Dry Cleaning (Sortie le 02.04.2021)

Credits Photo : © Pitchfork

Avec des groupes tels qu’IDLES, Black Midi, Sleaford Mods, Shame ou encore Black Country, New Road (on pourrait continuer quasiment à l’infini), le moins que l’on puisse dire, c’est que la crème de la scène post-punk actuelle nous vient d’Angleterre. Désormais, il conviendra de rajouter à cette liste déjà impressionnante le quatuor londonien Dry Cleaning.

Né il y a 4 ans d’une rencontre fortuite entre 3 amis adeptes du karaoké - le guitariste Tom Dowse, le bassiste Lewis Maynard et le batteur Nick Buxton - et l’artiste / photographe Florence Shaw, Dry Cleaning s’est rapidement construit une solide réputation grâce à l’alchimie évidente entre ses musiciens et le chant étrange de sa vocaliste.

Credits Photo : © La Vague Parallèle

A peine 1 an et demi après ses 1ères productions - “Boundary Road Snacks And Drinks” & “Sweet Princess”, 2 EPs sortis en 2019 - le quatuor londonien a enfin dévoilé son 1er LP “New Long Leg” le 02 avril dernier. Et dire que cet album était très attendu est un doux euphémisme… A titre personnel, rarement ces dernières années, je n’ai autant guetté l’arrivée d’un 1er album. Et force est de reconnaître que l’attente valait largement la peine, tant les londoniens prennent plaisir tout au long des 10 titres de cet effort à semer le trouble et à alimenter l’ambiguïté qui les rend si intrigants.


UN QUATUOR PORTE PAR LE CHARISME INTRIGANT DE FLORENCE SHAW

Le constat qui s'impose est que par rapport à leurs EPs précédents, la production et le mix de l'album sont parfaitement calibrés pour un rendu maximal. Cela s’explique probablement par le fait que pour son 1er vrai chapitre, Dry Cleaning a laissé les clefs du camion à l’emblématique John Parish, connu pour avoir collaboré avec les plus grands, de PJ Harvey à Aldous Harding. Porté par le travail de cette légende - qui a apporté une touche psychédélique et des inspirations brit pop sur certains morceaux - mais aussi par le souffle poétique des textes cyniques et humoristiques de Florence Shaw, “New Long Leg” fait penser à une sorte de photographie sonore saisissante - tout en contraste - de notre monde actuel.


S’ouvrant avec le single “Scratchcard Lanyard” et sa ligne de basse addictive, ce disque saura vous charmer grâce au spoken word rêche de Florence Shaw, qui s’entrelace aux riffs de guitare gorgés de reverb de Tom Dowse. Cette combinaison très réussie apporte de la tension et du suspense à l’ensemble, à l’instar de “Her Hippo” ou “Strong Feelings”, un titre où la lenteur des riffs séduit. Concernant Florence Shaw, une question m’obnubilait à la découverte de Dry Cleaning : comment quelqu'un(e) d’aussi timide a-t-il pu devenir la chanteuse d’un groupe de rock bruyant ? A l’écoute de ce 1er LP, le doute n’est plus permis tant il est difficile de nier le charisme étrange et hypnotique de la vocaliste. Tout au long des 10 pistes, elle livre une sorte de monologue sec dans un style typiquement britannique.

Credits Photo : © Nigel Lupton

Si de prime abord Dry Cleaning semblait vouloir se démarquer par rapport à ses EPs précédents en adoucissant un peu le son, l’intro noisy de “Unsmart Lady” ou le quasi stoner de “John Wick” nous rappellent à quel point les anglais maîtrisent ce rock explosif porté par un riff de guitare lent et dissonant. Puis alors que le quatuor londonien explore son côté groovy sur la ligne de basse de la mélancolique “Leafy”, la seconde moitié de l’album se veut remarquablement trippante, du fait notamment du lâcher-prise étonnant de Florence Shaw, qui abandonne toute velléité « classique ». Son fredonnement sur “More Big Birds” en est un bel exemple, de même que les expérimentations sonores effectuées sur la piste de clôture “Every Day Carry”. Mais il faut le reconnaître : si cette espèce de mantra de synthétiseur peut surprendre à la 1ère écoute, elle est étrangement plaisante et clôture pourtant ce disque en apothéose.


DRY CLEANING INSUFFLE DE LA POESIE A LA BANALITE DU QUOTIDIEN

Construit à partir de monologues intérieurs, d’extraits de conversations, d’obsessions bizarres et d’images surréalistes, ce 1er album de Dry Cleaning a été imaginé comme un patchwork des souvenirs de voyage de Florence Shaw et se distingue par une absence de parti-pris politique bien agréable. A défaut de hurler sa colère comme le faisaient les groupes issus de la 1ère vague post-punk, le quatuor londonien nous propose une virée introspective et méditative.

Credits Photo : © DIY Mag

Rappelant le travail libre et effrayant de groupes comme Black Country, New Road ou Black Midi, on décèlera également dans cet album quelques fulgurances indie-pop bienvenues rappelant les Strokes, voire Wilco. Et c’est délicieux ! Mais ce qui séduit avant tout, c’est la combinaison de l’interprétation flegmatique de Florence Shaw et des riffs maussades et inventifs de Tom Dowse. Portée par les textes magnétiques et - encore une fois ! - le phrasé captivant de sa chanteuse, la formation londonienne nous propose un post punk amorphe et éblouissant, et nous montre l’étendue de sa singularité sur ce disque sombre, aventureux, pétillant et aussi cérébral que fascinant. Sur “New Long Leg”, Dry Cleaning insuffle un peu de poésie à la banalité du quotidien… et ça nous donne l’un des meilleurs - si ce n’est le meilleur - effort de ce 1er semestre 2021.


La Note de Manu : 9.5/10

Pochette de l'album "New Long Leg" de Dry Cleaning (sortie le 02.04.2021)

“New Long Leg” de Dry Cleaning, LP 10 titres sorti le 02 avril 2021 chez 4AD Limited Records

Tracklist :

1. Scratchcard Lanyard (4:06)

2. Unsmart Lady (3:02)

3. Strong Feelings (4:04)

4. Leafy (3:08)

5. Her Hippo (4:38)

6. New Long Leg (4:12)

7. John Wick (3:26)

8. More Big Birds (4:07)

9. A.L.C (3:09)

10. Every Day Carry (7:38)



Credits Photo : © Silent Radio UK

Credits Photo : © DIY Mag

Credits Photo : © DIY Mag

Credits Photo : © Indie Is Not a Genre


Manu de RAN

vendredi 14 mai 2021

Album Review : "The Light Below" de Walking Papers (Sortie le 05.02.2021)

Credits Photo : © NME

Avec une actualité musicale très dense en terme de sorties, l’année 2021 se présente sous les meilleurs auspices. La sortie d’un nouvel album du supergroupe américain Walking Papers ne fait que corroborer cette impression que l’on s’oriente peut-être vers une année record... Et pas uniquement du fait de l’arrêt du spectacle vivant depuis plus d’1 an.

Trois ans après l’excellent “WP2”, qui scellait le départ du bassiste Duff McKagan et de l’ex-batteur de Screaming Trees Barrett Martin, Walking Papers a sorti le 05 février dernier “The Light Below”, un 3ème album riche, émotionnel et intemporel.

Credits Photo : © Cristel Brouwer

LA NOUVELLE SECTION RYTHMIQUE AU RENDEZ-VOUS

Si on pouvait légitimement s’interroger sur l’avenir du groupe de Seattle après le départ de sa section rythmique, le génie du frontman Jeff Angell et de son fidèle complice - le claviériste Benjamin Anderson - a parlé et a permis au collectif de trouver une identité sonore plus en adéquation avec le nouveau line up, composé - outre les 2 précités - du guitariste Tristan Hart Pierce, du saxophoniste Gregor Lothian et des nouveaux venus, Dan Spalding à la basse et Will Andrews derrière les fûts.

Credits Photo : © Rock Metal Mag

Dans ce “The Light Below”, la formation délaisse un peu plus encore son classic rock aux accents bluesy pour proposer un son hybride qui picore de ci de là des éléments des 3 dernières décennies de rock. Savoir digérer, incorporer et tirer la quintessence de cet héritage est souvent la marque des grands groupes. Vous ne serez donc guère surpris si je vous dis que ce 3ème effort est immersif, riche, généreux, bourré d’âme, très bien équilibré, et porté par quelques moments de grâce, comme “What Did You Expect ?” ou “Stood Up At The Gates Of Heaven” (entre autres).


“The Light Below” se révèle être profondément mélancolique, apaisant et obscur à la fois. Ouvrant sur le cynique “The Value Of Zero” et sa rythmique rugueuse, on est de suite happé par cette virée aux confins du blues et du rock alternatif magnifiée par la voix de Jeff Angell ainsi que les volutes distillées par les claviers de Benjamin Anderson. La patte Walking Papers est bien présente, en particulier sur un titre comme “What Did You Expect ?” et son irrésistible refrain. Quelque chose d’anachronique infuse dans ce titre, car si le piano de Jeff Angell semble menaçant, ses textes sonnent comme des réflexions poétiques. Mais ne vous y trompez pas, il s’agit d’une chanson entraînante qui confère une certaine magie au travail de Walking Papers.


Tandis que le gémissement primitif de “Divine Intervention” est étonnamment convaincant, on saluera le travail au clavier de Benjamin Anderson et le solo de saxophone de Gregor Lothian sur “Going Nowhere”. Quant à la nouvelle section rythmique, elle est également parfaite. A la fois discrète et efficace, la paire Spalding/Andrews fait le job à merveille. Et la présence de Tristan Hart Pierce apporte une densité supplémentaire à certains morceaux, comme “Divine Intervention” et son solo généreux.

Credits Photo : © Savoia Photography Live

UNE COLLECTION DE COMPOSITIONS SINCÈRES ET DIVERSIFIÉES

Malgré une recette déjà connue et appliquée à la perfection, on se surprend à être subjugué par les 9mn30 hypnotiques, abruptes et sombres de “Creation, Reproduction And Death”, qui est incontestablement l’une des pièces maîtresses de cet effort et rappelle le travail de David Bowie sur son album crépusculaire. A l’opposé, même si l’histoire du groupe nous prépare à l’inattendu, on est quand même sacrément décontenancé par les jeux de batterie et de basse de l’éthérée “Money Isn’t Everything” et ses effluves drum n’ bass.


Heureusement, on change totalement d’ambiance et on est à nouveau pris par le groove intense et terriblement séduisant de “Rich Man’s War”, pour revenir ensuite dans les rues pavées sombres et humides de l'époque victorienne sur la très Nick Cave-iesque “Where Did I Go Wrong ?”. Les 3 derniers titres du disque nous donnent une belle illustration de la diversité qui parcourt cet album, puisque dans le lot, nous avons l’instrumentale “The Other Shoe”, le tempo lent et les errances de “My Thoughts Are Not My Own”, ainsi que la ballade plus conventionnelle - mais néanmoins brillante - “California (One More Phone Call)”, qui clôt l’opus sur une note aérienne et triste.

Credits Photo : © Stephan Birlouez

Ce qui peut surprendre dans ce disque, c’est son côté tentaculaire (12 chansons pour un total de plus d’1h). Mais en même temps, qui viendrait reprocher à Jeff Angell et ses acolytes d’être ambitieux ? Certainement pas moi ! Du haut de son blues rock discret, “The Light Below” nous livre une belle collection de compositions sincères, redoutablement efficaces mais surtout dotées d’émotions à fleur de peau.

Les guitares fluides, les claviers de Benjamin Anderson qui diffusent un mélange séduisant de menace et de tristesse et une grande diversité, allant du “Blackstar” de Bowie au funk impertinent de “Rich Man’s War”... tous ces éléments m’incitent à penser qu’avec “The Light Below”, Walking Papers nous offre une nouvelle oeuvre de 1er plan, qui n’a pas fini de tourner sur nos platines.


La Note de Manu : 8/10

Pochette de l'album "The Light Below" de Walking Papers (sortie le 05.02.2021)

“The Light Below” de Walking Papers, LP 12 titres sorti le 05 février 2021 chez Carry On Music

Tracklist :

1. The Value Of Zero (4:40)

2. What Did You Expect ? (4:46)

3. Divine Intervention (8:05)

4. Stood Up At The Gates Of Heaven (4:23)

5. Going Nowhere (6:03)

6. Creation Reproduction And Death (9:22)

7. Money Isn’t Everything (5:08)

8. Rich Man’s War (3:58)

9. Where Did I Go Wrong ? (4:14)

10. The Other Shoe [Reprise] (2:39)

11. My Thoughts Are Not My Own (7:25)

12. California [One More Phone Call] (3:39)



Credits Photo : © Cryptic Rock

Credits Photo : © Stephan Birlouez


Manu de RAN

samedi 8 mai 2021

Album Review : "The Battle At Garden's Gate" de Greta Van Fleet (Sortie le 16.04.2021)

Credits Photo : © Rock & Folk

Il y a 4 ans, le monde du rock découvrait pour la 1ère fois le blues rock habité de Greta Van Fleet, le groupe créé par les frères Josh, Jake & Sam Kiszka à Frankenmuth, dans le Michigan.

Sortis en 2017, les EP “Black Smoke Rising” et “From The Fires” ont ouvert la voie pour leur sublime 1er album “Anthem Of The Peaceful Army”, fin 2018. Une courte discographie qui a néanmoins vu le quatuor émerger de nulle part avec sa musique bluesy et intemporelle inspirée des années 70 et qui a attiré l'intérêt des passionné(e)s autant qu’elle a suscité les rancoeurs et les critiques de certains puristes autoproclamés, qui ne voyaient dans le rock de Greta Van Fleet que duplicité, inauthenticité voire carrément plagiat pur et simple.

Credits Photo : © We Are Cult

Deux ans et demi - et une pandémie mondiale - plus tard, on peut légitimement se demander si la magie électrique et fulgurante de Greta Van Fleet opère toujours. Et leur 2ème album “The Battle At Garden’s Gate” nous permet de retrouver ce rock brumeux et instantané, qui a forgé la légende des années 70 et a fait la renommée de Greta Van Fleet.

UN MÉLANGE SUBTIL DE DYLAN, HENDRIX & LED ZEPPELIN

Dès l’ouverture avec “Heat Above”, le ton est donné. Un clavier solennel, une rythmique quasi-tribale, un riff de guitare Dylanien sur lequel Josh Kiszka vient greffer sa voix haute et forte, avant de lancer un crescendo dynamique rappelant Genesis ou Yes. Le but ultime étant d’étoffer l’identité sonore du groupe. On a coutume de comparer Greta Van Fleet à une sorte de Led Zeppelin enfantin, mais ici, la puissance vocale relève plus de l’héritage d’un Geddy Lee - vocaliste du groupe de hard rock canadien Rush - que de Robert Plant.

Credits Photo : © Guitar World

Après cette entrée en matière assez inattendue, mais néanmoins remarquable, les guitares percutantes de “My Way, Soon” subliment l’esthétique rétro de Greta Van Fleet grâce à l’urgence juvénile et l’enthousiasme de ses musiciens. Il faut reconnaître que le côté 60's très vintage - façon Beatles - de ce titre, mais aussi du très baroque “Stardust Chords”, est réellement plaisant. On revient ensuite très vite dans des territoires sonores connus - ou du moins, attendus - avec l’épique et subtile “Broken Bells” qui, du haut de ses 6mn de cordes langoureuses, ses mélodies Dylaniennes & Hendrixiennes et son solo de guitare Zeppelinien presque érotique, lorgne du côté du cultissime “Stairway To Heaven”.


On se régalera également de l’excellent et beaucoup plus heavy “Built By Nations”, avec son riff digne de Jimmy Page, ainsi que de la jouissive “Age Of Machine” - avec ses ambiances rappelant le “No Quarter” de Led Zep - ou encore de “Caravel”, avec son univers ramenant également aux Beatles. On appréciera l’apaisement proposé par la ballade très mélodique “Light My Love”, portée par des sonorités mêlant subtilement les années 70 à une touche de modernité et par son refrain fédérateur. Et dans la même veine, on saluera aussi la très aérienne “Trip The Light Fantastic” et ses choeurs majestueux.

Credits Photo : © DIY Mag

UNE VÉRITABLE ODE A LA LIBERTÉ

On basculera ensuite dans le versant progressif des frères Kiszka avec la très lyrique “The Barbarians”, baignée d'une atmosphère et d’une mélodie Hispanisante, avant de clôturer sur un petit bijou : “The Weight Of Dreams”, un titre doté d'un souffle épique impressionnant rappelant Black Country Communion. La mise en abyme offerte par ce titre évoque un peu “Angie” des Rolling Stones et nous laisse sans voix, voire nous subjugue. La guitare de Jake Kiszka et la batterie de Danny Wagner agissent en métronomes et semblent donner vie à quelque chose de nouveau, comme un acte fondateur pour le groupe.


L’expérience supplémentaire acquise lors des milliers de kilomètres de tournée a été vraiment salutaire pour Greta Van Fleet et permet de leur découvrir une profondeur philosophique exacerbée - à l’instar de titres comme “Built By Nations” - mais aussi d’aborder des thématiques plus diversifiées. Le déménagement du groupe à Nashville a permis aux frères Kiszka de se tisser une identité sonore plus proche des textures du rock du désert, incorporant des éléments de country et d’Americana… et c’est une vraie réussite ! En fin de compte, entre son titre et ses visuels Tolkienesques et ses titres évoquant la grande Histoire de l’Humanité, “The Battle At Garden’s Gate” se révèle être un retour aux affaires magistral pour nos jeunes virtuoses.


En s’inscrivant dans la continuité de ce qui a été amorcé avec “Anthem of the Peaceful Army” il y a 2 ans et demi, ce 2nd disque sonne comme un doigt d’honneur à certaines critiques injustes auxquelles le groupe a dû faire face depuis ses débuts. Bien sûr, Greta Van Fleet ne réinventera pas le rock, mais ce n’est pas ce qui lui est demandé. S’écoutant d’une traite, cet album riche et varié permet au quatuor de tracer sa propre route et de consolider son univers musical unique. Ici, le groupe originaire du Michigan nous parle de paix, d’espoir et de spiritualité… et ça fait vraiment du bien en ces temps où l’actualité alterne entre pandémie mondiale et violences gratuites.

Credits Photo : © DIY Mag

“The Battle at Garden’s Gate” est une véritable ode à la liberté, autant une explosion musicale qu’une explosion d’émotions, et nous rappelle que la musique est aussi un art majeur, contrairement à ce que prétendait en son temps Serge Gainsbourg. Plongez-vous dans les 9mn insondables d’un titre comme “The Weight Of Dreams”, et vous en aurez la preuve éclatante, peut-être l’une des plus belles expériences que vous serez amené(e)s à vivre cette année. C’est tout le mal que je peux vous souhaiter !


La Note de Manu : 9/10

Pochette de l'album "The Battle At Garden's Gate" de Greta Van Fleet (sortie le 16.04.2021)

“The Battle At Garden’s Gate” de Greta Van Fleet, LP 12 titres sorti le 16 avril 2021 chez Republic Records

Tracklist :

1. Heat Above (5:41)

2. My Way, Soon (4:15)

3. Broken Bells (5:50)

4. Built By Nations (3:58)

5. Age of Machine (6:53)

6. Tears of Rain (3:50)

7. Stardust Chords (4:57)

8. Light My Love (4:30)

9. Caravel (4:55)

10. The Barbarians (5:20)

11. Trip the Light Fantastic (4:33)

12. The Weight of Dreams (8:51)



Credits Photo : © NME

Credits Photo : © NY Times


Manu de RAN