jeudi 31 octobre 2019

[Interview] Bandit Bandit : "on s'est cherché, et on a fini par se trouver..."


Photo : Jamie Noise 

Vendredi 25 octobre, le disquaire indépendant The Message a reçu Bandit Bandit dans le cadre du festival Les Nuits De Champagne à Troyes, avec Dusty Duke en première partie qui a fait monter la température avant l'arrivée très attendue des Montpelliérains. Les Bonnie And Clyde du rock français nous ont offert un set psyché et électrique à souhait qui a conquis l'intégralité du public, avec notamment le très attendu single « Maux » sorti au printemps 2019. Quelques heures avant le concert, Gian a rencontré Hugo, Maëva, Ari et Anthony pour une interview exclusive RAN. La vie est faite de rencontres ...

Hugo et Maëva lors du show case à Troyes. Photo : Rock Alternative News 

RAN : Salut Bandit Bandit, pouvez-vous nous expliquer comment est né le groupe? Vous avez une histoire un peu improbable, il me semble?

Hugo : Tout à fait, on s'est rencontré sur Tinder avec Maëva et le groupe est arrivé bien après ...
Maëva : On a eu le temps de se faire du mal entretemps ...
Hugo : Ouais, on s'est cherché et on a fini par se trouver. Maëva avait quelques chansons mal enregistrées (rire), et ensuite je l'ai aidé à enregistrer ses chansons. J'en ai aussi écrit pour Maëva mais sans prétention de monter un groupe, et la suite s'est passée il y a 2 ans ...
Maëva : Ouais, il y a deux ans j'étais journaliste pour un webzine et je montais à Bourges pour couvrir Le Printemps De Bourges. Et je prends un Blabla Car car j'avais zéro tune pour me payer un train, et dans la voiture j'étais avec deux gars très bien qui montaient également au Printemps De Bourges. Mais je n’en savais pas plus. Donc on parle musique, et je leur propose de mettre de la zik par bluetooth en mode shuffle. Et en fait, mon Apple Music était connecté à mon cloud et une de nos compos et passée, une maquette toute pétée. J'étais en train de dormir et l'un des deux mecs me réveille et me dit : "c'est cool ça, c'est quoi?" je lui dis : "bah, c'est moi avec Hugo". Et c'est comme ça que l'on a rencontré notre manager.
Hugo : Le groupe n'est pas né tout de suite, ça a pris un an avant de se lancer vraiment. C'est à dire que l'on avait un manager sans avoir de groupe ! Et j'ai demandé à Ari et Antho de venir, je voulais entendre les compos en live, car on avait juste des compos en démo avec de fausses batteries.


RAN : On sent une influence assez 50's/60's avec les titres "Pixel" et "Nictalope" par exemple. Est-ce une époque que vous affectionnez particulièrement ?

Hugo : 50's je ne trouve pas, mais 60's ouais ! Quand on a commencé le projet, on n’avait pas vraiment d'idées musiques mais plus d'idées visuelles. Parce qu'on écoutait beaucoup de choses similaires avec Maëva. Le seul truc qui est arrivé après, c'est de chanter en français car Maëva adore la chanson française, la période Gainsbourg ...
Maëva : Ouais, la période Gainsbourg 60's/70's avec Brigitte Bardot, Françoise Hardy ...
Hugo : Cette esthétique nous plait beaucoup et forcément avec un coté plus moderne dans la prod', mais ouais la période 60's est clairement une influence.


RAN : En parlant de visuel, pourquoi avez-vous fait appel à Théo Sauvage pour la réalisation de vos deux clips "Maux" et "Pixel"?

Hugo : C'est un ami de longue date en fait, et il est venu vers nous avec l'idée de faire un road movie avec ma moto mais sans musique. Je lui ai dit que j'avais un nouveau projet et c'est parti de là. On lui a filé beaucoup d'idées, notamment les idées de photos que Jamie Noise nous a faites pour la promo.
Maëva : C'est vrai qu'avec Théo on s'est rendu compte qu'on avait les mêmes références cinématographiques, et même en termes de photos, ça concordait parfaitement.
Hugo : Il travaille beaucoup avec ce côté moderne actuel, en mélangeant des caméras VHS qu'il incruste dans les vidéos, et ce côté vintage colle parfaitement avec la musique que l'on fait.


RAN : Vous chantez aussi bien en anglais qu'en français, et quand on écoute vos paroles en français on s'aperçoit que vous prenez un réel plaisir à jouer avec les mots?

Hugo : Quand j'ai commencé à écrire le premier texte je le pensais de manière anglosaxone. Mais avec mon autre projet Kursed, on a fait un album avec Dimoné et c'est vrai que d'avoir passé deux ans avec ce mec qui joue beaucoup avec les mots, ça a dû nous influencer d'une certaine manière, et maintenant on prend un réel plaisir à écrire en français.


RAN : Avec votre premier single "Maux" vous avez réussi à rentrer chez Cold Fame (le label lancé par Last Train), ça annonce un avenir plus que prometteur je crois?

Hugo : Quand on a sorti "Maux", on a été déstabilisé car on a eu plein de propositions de pro, d'éditeurs et même de tourneurs. On a eu des grosses boites de booking qui nous ont contactés, mais on a choisi Cold Fame parcequ'on veut bosser avec des gens que l'on connait, et ne pas passer pour un projet tiroir ...
Maëva : Ouais, on veut bosser avec des gens que l'on connait et en qui on a confiance, parce que bosser avec de grosses agences qui mettent des mille et des cents sur ton projet, c'est bien gentil, mais il n'y a pas de suivi en fait, car ils ont de gros artistes à côté.
Hugo : Jean-Noël a tenu toutes ses promesses et il nous met super bien ...
Maëva : Et Jean-Noël, c'est quand-même Last Train, c'est le projet de ouf qui s'est développé tout seul, et qui est parti de rien. Et j'ai travaillé aussi chez Cold Fame pendant un an, donc je connais la maison de l'intérieur aussi en tant que salarié, et on leur fait confiance les yeux fermés.
Hugo : Ouais complètement et ça se passe très bien.

Jean-Noël de Last Train et son label Cold Fame 

RAN : On parle de Last Train et de Cold Fame, vous avez fait partie du festival La Messe De Minuit, que s’est-il passé pour vous lors de cette troisième soirée sur scène?

Hugo : C'était ouf! On ouvrait la soirée pour 20H et on s'est dit qu'il n’y aurait personne, que les gens allait manger à cette heure-là, et quand on est arrivé sur scène, c'était blindé!
Maëva : Il y a eu une sorte de connexion astrale, c'était incroyable.
Hugo : Tout s'est super bien passé. C'est le genre de date dont on va se rappeler longtemps comme au Mama Festival. Il s'est passé un peu la même chose, c'est difficile à expliquer, mais il s'est passé quelque chose en fait.
Maëva : On descend de scène, on se regarde tous avec le sourire, tout est ok. Il s'est passé un truc mentalement, il y a une énergie et une spontanéité différente, c'est libérateur de sens.

Bandit Bandit sur scène lors de la 3ème soirée de La Messe De Minuit. Photo : JM Wolf

Hugo : Et on était très content de partager la scène avec tous ces artistes que nous adorons. Je pense aux Psychotic Monks qui sont des amis, mais aussi à Yak, Décibelles, Lysistrata ... tous ces groupes de rock que l'on porte dans nos coeurs.
Maëva : Ouais c'est la scène actuelle française, et c'est vrai que un festival comme La Messe De Minuit qui prend ce parti pris pour un festival 100% organique, c'est bien, et ouais ... à fond les guitares quoi!

Affiche du très jeune et déjà mythique festival de La Messe De Minuit

RAN : Vous êtes originaires de Montpellier et vous avez décidé de partir vous installer à Lyon. Est-ce que Lyon serait le nouvel épicentre de la scène rock en France ?

Hugo : Je pense que si on était resté à Montpellier ça aurait été pareil, mais j'avais envie de bouger pour voir autre chose. Et il y a Cold Fame, et tous nos amis artistes nous ont accueillis à bras ouverts, c'est génial!
Maëva : La culture est en train de se délocaliser tranquillement, il se passe plein de choses à Lyon, c'est une ville qui bouge. T'as des concerts tout le temps avec de gros festivals comme Les Nuits De Fourvières par exemple, alors que Montpellier se fait bouffer par l'electro maintenant. Il y a plein de caf'conc' qui ferment parce que les gens se plaignent à cause du son, et quand il n'y en a plus ils se font chier ... c'est la joie des centres villes en France ...


RAN : Quelle sera la suite en 2020 après cette première tournée ?

Hugo : En fait, il n'y a pas vraiment de fin avec cette tournée, c'est la tournée de chauffe là. Il y a plein de dates qui vont arriver. Il y aura moins de caf'conc' et plus de premières parties.
Maëva : C'est la tournée test en ce moment, on fait de petits caf'conc' et des salles plus grandes. On se teste et c'est vraiment cool!

La tournée de chauffe 

RAN : Vous attendiez-vous à un tel succès quand vous avez démarré Bandit Bandit?

Ari : Moi, oui (rire générale)
Hugo : Absolument pas, on était très fier du projet, du clip et de l'image, mais évidemment que l'on ne s'attendait pas à un tel accueil.
Maëva : Je ne voulais pas faire de la musique à la base, c'est Hugo qui m'a forcée ! Il m'a mis un couteau sous la gorge (rire). Je ne me sentais pas légitime à faire de la musique, j'étais ancrée dans mon rôle d'attachée de presse et j'avais un peu de mal avec cette idée de changer de rôle et à me retrouver sur scène. Ça fait bizarre et j'avais peur d'être jugée par les gens avec qui je bosse. Et pas du tout en fait. Je trouvais ça un peu schizophrène, surtout que j'ai bossé sur la promo du premier single "Maux". Et quand tu vois les retours des journalistes qui te disent que Bandit Bandit et la chanteuse c'est de la bombe, c'est un peu chaud tu vois.
Hugo : C'est pour ça que Maëva ne fait plus la presse, on a délégué...
Maëva : Ouais et on la chance d'avoir de super attachés de presse, on était censé amorcer à la base, juste sortir un clip et jouer en 2020.
Hugo : Ouais, on devait juste faire quelques caf'conc' cette année et pas sortir un EP, et en fait tout est allé super vite. On a sorti un EP et on part bientôt en tournée.

Pochette du 1er EP 5 titres (disponible sur toutes les plateformes de streaming). Photo : Jamie Noise

RAN : Votre premier EP est juste sorti en digital le 11 octobre dernier. Attendez-vous d'avoir plus de morceaux pour sortir un album physique ?

Hugo : Non. L'EP va sortir en physique avec une release party en 2020, mais avant on va encore faire quelques dates, et on va enregistrer l'album dans l'année. Il devrait sortir début 2021 je pense. On a plein de chansons que l'on joue sur scène. Si on jouait juste l'EP on ne jouerait que 15mn en fait (rire).


RAN : J'ai entendu dire que Bandit Bandit devait juste être un projet éphémère à la base ...

Hugo : Non, mais non (rire), j'ai jamais dit ça, ou je devais être bourré alors (rire). J'ai toujours dit que Bandit Bandit était une belle mauvaise idée, et que de monter un groupe avec ma copine, tout ne tenait qu'à un fil en fait. Tout peut s'arrêter du jour au lendemain si ça s'arrête entre Maëva et moi. Quand je monte un projet, je veux l'amener jusqu'au bout, et je veux surtout pas que ça s'arrête.
Maëva : Non, bien sûr que non, au pire on continuera pour les tunes (rire).

Fin du show case à Troyes le 25 octobre 2019. Photo : Rock Alternative News 


Merci Bandit Bandit d'avoir répondu à nos questions.



Gian, octobre 2019.


Album Review : "Breathe In/Out" de Lysistrata (Sortie le 18.10.2019)

Credits Photo : © RSTLSS
Les 3 Français de Lysistrata présentent un nouveau joyau musical avec leur 2ème album “Breathe In/Out”, sorti le 18 octobre dernier. Leurs débuts m'ont happé de suite, comme un coup de foudre musical. J’ignore s’il existe un nom précis pour définir la fusion musicale du trio : noise rock, post-hardcore, mathcore ou simplement grunge, sans doute un peu tout cela. La particularité du groupe est justement qu’il parvient à sortir des structures traditionnelles pour produire une musique d’une beauté incontrôlable.
Credits Photo : © Mowno
Pour une fois, commençons par la fin… Car la dernière piste “Middle Of March” illustre à merveille l’essence du groupe, sonne presque comme un monologue et est accompagnée d'une musique apaisante et dramatique. Bien loin du principe bien connu couplet / refrain, Lysistrata crée toujours une connexion forte et bascule doucement vers l'abîme. Les chansons du trio originaire de Saintes sont certes longues, mais tellement charmantes et semblent être très étroitement liées. Et c’est précisément ce qui crée une intimité captivante avec l'auditeur, qui ressent ce lien privilégié. Dans “Boot On A Thistle” et “Against The Rain”, les trois copains avancent avec la force primale élémentaire de Nirvana.
Credits Photo : © Balades Sonores
Ils dépoussièrent le grunge, le démontent et le placent de manière complètement différente, tordue et croisée, mais néanmoins agréable. À certains moments, le groupe semble allongé sur le sol et presque complètement paralysé. Mais ensuite, les membres se rassemblent et mènent la chanson dans une escalade sonore qui rappelle The Nerves. Le début agressif de “Boot On A Thistle” suggère une colère brisée et un chaos débridé, tandis que “Against The Rain” résume l’essence de Lysistrata : décocher des crochets à grands coups de riffs, attaquer pied au plancher puis arrêter juste avant le mur, pour changer de direction et déconcerter l’auditeur. C’est une démarche qui rappelle fortement le travail de Scraps Of Tape ou les premiers albums de Nirvana, mais avec toutefois un rock beaucoup plus progressif. Quant à “Everyone Out”, elle est certainement l'une des chansons les plus légères et les plus tristes que j'ai jamais entendues.
Source : © Facebook Officiel Lysistrata
A l’instar des frères anglais de Cassels dans “The Perfect Ending”, Lysistrata jongle sans effort avec toutes les humeurs du quotidien et parvient à en extraire une atmosphère chargée, une folie est palpable et des particules mélodiques en filigrane. “Breathe In / Out” est un album remarquable, complexe et volumineux, qui prendra probablement sa pleine mesure avec le recul. S’il ne peut être réduit à sa seule intensité, c’est parce qu’il délivre des sons sophistiqués, profondément progressifs et dans le meilleur sens du terme, volumineux.


La Note de Manu : 8/10
Pochette de l'album "Breathe In/Out" de Lysistrata
“Breathe In / Out” de Lysistrata, LP 9 titres sorti le 18 octobre 2019 chez Grand Hotel van Cleef Records.

Tracklist :
1. Different Creatures (4:57)
2. Death By Embarrassment (3:51)
3. Scissors (4:04)
4. Boot On a Thistle (4:46)
5. Mourn (6:50)
6. End Of The Line (6:04)
7. Everyone Out (5:06)
8. Against The Rain (5:44)
9. Middle Of March (8:47)

Credits Photo : © Shoot Me Again


Manu de RAN

mardi 29 octobre 2019

Album Review : "Devour You" de Starcrawler

Credits Photo : © Consequence Of Sound
Les membres de Starcrawler sont des enfants du passé, des anachronismes déguisés en stars du rock contemporain. En effet, ils sont jeunes, bruyants et savent néanmoins écrire et composer un rock n' roll pur. Certains médias les ont rapidement propulsé au rang d'héritiers de l'esprit de rébellion qui animait Guns N' Roses, les Stooges, ou les Ramones. Pourtant, si vous y prenez garde, vous ne trouverez aucune interview où Arrow De Wilde et son groupe de joyeux malfaiteurs revendiquent clairement cette filiation. Cependant, bon sang ne saurait mentir... Leurs riffs sont volumineux et lourds, de la trempe de ceux qui vous font taper du pied et headbanguer sans que vous ne vous en rendiez compte. On retrouve un peu chez Starcrawler la recette qui a fait le succès des Strokes, des Foo Fighters ou des White Stripes à leurs débuts.
Credits Photo : © BBC
Dans l'esprit, Starcrawler appartient à un autre temps. Natifs de Los Angeles, ses membres se sont imprégnés de l’histoire culturelle de la ville, en particulier des mythes et des histoires de Sunset Strip, du Château Marmont - établissement hollywoodien de luxe à l'ambiance rétro - et d'autres lieux emblématiques de la Cité des Anges. Et cela se ressent à travers ce 2nd album intitulé "Devour You", dans lequel Starcrawler convoque la sueur, la danse et les paillettes de la discothèque Rodney's English Disco, haut lieu du glam rock des années 70 à L.A.
Credits Photo : © NME
Si Starcrawler a déjà montré une partie de son potentiel sur son 1er disque éponyme, le groupe californien a diversifié - et densifié - son rock bruitiste caractérisé par un son sous influence New York Dolls et une énergie Stoogienne. L’album débute par un bavardage d’écoliers, introduction intéressante au titre d'ouverture “Lizzy”, qui ressemble à un chahut musical de cours d’école, qui fait fondre un rockabilly bien serré avec du grunge décalé.
Credits Photo : © Rock N' Folk
“Bet My Brains” caresse le métal et offre un rock lourd et décapant là où “Home Alone” est tendu et féroce. “No More Pennies” propose un rock tumultueux, éphémère et héroïque rappelant Kurt Vile. Il s’agit probablement du titre le plus élégant jamais produit par Starcrawler. Avec ses riffs charnus, “Hollywood Ending” fait penser à un titre punk de la fin des années 70, tandis que “You Dig Yours” sonne davantage post-punk aux accents glam, un peu comme le mariage du Franz Ferdinand des débuts et de Blondie. Elle dure à peine plus 2mn30 et ferait un excellent single.
Credits Photo : © Melanie Smith
Sur un titre atmosphérique tel que “Rich Taste”, Henri Cash propose des sonorités de guitare plus douces alliées à des choeurs étrangement cools, tandis que “Born Asleep” rappelle le “Celebrity Skin” de Hole. De même, l’introduction de la sombre “She Gets Around” est floue et synthétique, minimaliste et atmosphérique, et évoque le souvenir du “Nightclubbing” d’Iggy Pop. Quant à Arrow De Wilde, elle ressemble vocalement à l’enfant illégitime de Cherie Currie - ex-chanteuse de The Runaways - et de l’Iguane. L’album se termine avec “Call Me A Baby”, une lente piste de guitare épurée de Henri Cash, qui joue en duo avec Arrow De Wilde. Ce morceau ressemble un peu à une chanson de White Stripes, jusqu'à ce que la batterie prenne une dimension supérieure. Le choeur d'enfants reprenant le refrain nous ramène là où nous avions commencé avec “Lizzy”... Et la boucle est bouclée.
Credits Photo : © The Current
Si le combo mené par Arrow De Wilde propose une grande variété de sonorités, il est clair que le groupe est à son summum quand il livre un rock / grunge épuré. Avec quelques ajustements, Starcrawler pourrait rapidement séduire certains fans de Kurt Vile et Courtney Barnett. En attendant, le quatuor pourra capitaliser sur ce 2ème album prometteur qui mérite que l’on s’y attarde.


La Note de Manu : 8/10
Pochette de l'album "Devour You" de Starcrawler (2019)
“Devour You” de Starcrawler, LP 13 titres sorti le 11 octobre 2019 chez Rough Trade Records.

Tracklist :
1. Lizzy (2:57)
2. Bet My Brains (3:53)
3. Home Alone (2:32)
4. No More Pennies (3:47)
5. You Dig Yours (2:40)
6. Toy Teenager (1:07)
7. Hollywood Ending (3:26)
8. She Gets Around (3:13)
9. I Don’t Need You (3:05)
10. Rich Taste (3:27)
11. Born Asleep (5:03)
12. Tank Top (1:19)
13. Call Me a Baby (3:38)

Credits Photo : © Consequence Of Sound


Manu de RAN

samedi 26 octobre 2019

[Interview] Last Train : "On veut faire du rock élégant..."

Credits Photo : © Guendalina Flamini
Last Train est de ces groupes qui se sont construit sur scène, se sont façonné au rythme enragé des tournées, et a signé le premier chapitre de son histoire - le très réussi “Weathering” sorti en avril 2017 - entre 2 aires d’autoroutes. De la scène du Bataclan aux plus importants festivals du globe, en passant par des bars improbables nichés à plus de 5.000m d’altitude dans l’Himalaya, les 4 membres du groupe - qui ont tout d’une fratrie sauf le sang - ont marqué le rock français au fer rouge. Passés de l’adolescence à la vie de jeunes adultes sous nos yeux ébahis, Jean-Noël à la guitare & au chant, Antoine à la batterie, Julien à la guitare et Tim à la basse ont découvert les vertus d’un temps qu’ils n’avaient jamais pu - ou voulu - prendre. Grâce à ce temps, ils nous ont livré récemment un concentré de pur beauté rock, “The Big Picture” sorti le 13 septembre dernier.
Pochette de l'album "Weathering" de Last Train (2017)
A travers ce disque, les 4 amis s’émancipent des clichés du rock pour en dévoiler la substantifique moelle. Fort de cet album cinématographique au souffle épique, véritable collection de paysages et de grands espaces, Last Train a effectué sa mue, proposant désormais un rock moins vénère, plus mélodique mais surtout bien plus élégant, pur produit de sa mélancolie et sa fureur.

Lancé dans une tournée européenne pour défendre ce 2ème album sublime, le groupe de rock faisait escale dans la Cité des Sacres le samedi 19 octobre dernier. Venus présenter leurs nouvelles chansons à l’exigeant public de la Cartonnerie de Reims, Jean-Noël, Julien, Tim et Antoine ont accepté de répondre aux questions de Gian & Manu dans l’ambiance feutrée - mais néanmoins hyper décontractée - d’une loge de la salle rémoise… et leur ont raconté la genèse de ce nouveau disque. Rencontre...
Credits Photo : © Boby Allin pour Les InRocks
Credits Photo : © Rock Alternative News
RAN : Salut Tim, salut Julien, salut Antoine. Bref, salut Last Train... Vous avez sorti ce vendredi 13 septembre dernier votre 2ème album, intitulé "The Big Picture". Vous connaissez sûrement la "légende du 2nd album", qui veut que lorsque le 1er a bien marché, le suivant est une sorte de couperet "Ca passe ou ça casse"... Etiez-vous inquiets à la sortie de "The Big Picture" ? Ne craigniez-vous pas que votre nouvelle démarche perturbe vos fans ?
Julien : On était davantage excité à l’idée de le présenter au public. On sortait de 1 an et demi de travail, sans trop d’apparitions publiques. On était en sous-marin, on faisait notre taff, on ne voyait plus les gens, on ne faisait plus de concerts. Donc, on avait hâte de faire des concerts, de revoir le public et de montrer ce produit fini à tout le monde. On n'a pas été inquiet, on a peut-être été stressé à certains moments, notamment pendant les périodes difficiles comme le studio. Quand tu es "enfermé" dans ce processus créatif, à tenter d'harmoniser les pistes... tu as forcément des périodes de "down" mais par contre, on ne s'est pas trop posé la question de la pression que suscite un 2ème album.

Antoine : Je me souviens d'un moment en mars 2018. Cela faisait plusieurs mois que l'on avait arrêté. on avait eu ces 3 mois de break et les festivals d'été commençaient à annoncer leur programmation. Et à cet instant, ça nous faisait bizarre de nous dire qu'on ne serait programmé nulle part, limite qu'on n'était plus là. (Jean-Noël entre dans la pièce)

Julien : Là, tu te rends compte que le fait de s'être mis en retrait comme on l'a fait est un gros risque, et que si le 2nd album ne fonctionnait pas, tout ça pouvait peut-être s'arrêter. Là, on s'est vraiment rendu compte de la fragilité d'une carrière d'artiste.

Jean-Noël : Salut ! (nous lui répondons)

Tim : Et le truc qui nous a rassurés et fait super plaisir, c'est la réaction des gens quand on a sorti "The Idea Of Someone". C'est un peu le titre qui donne un nouveau sens de lecture à l'album qui allait sortir, parce qu'il est plus progressif et que c'est la 1ère fois que Jean-No chante en voix de tête. On s'est demandé si ça n'allait pas perturber les amateurs de rock et en fait, on a eu des supers retours sur ce titre et ça nous a vraiment fait plaisir. A partir de là, les craintes que l'on pouvait avoir se sont envolées.
RAN : Vous avez pris votre temps pour écrire "The Big Picture", le composer et êtes allés l'enregistrer en Norvège. Pourquoi ce choix ? Ce lieu s’est-il imposé naturellement ou était-ce simplement une opportunité ?
T & A : En fait, on ne voulait pas enregistrer dans le lieu où on avait enregistré "Weathering", parce qu'on considère que chaque album a sa propre histoire. Donc, retourner au même endroit aurait été un peu bizarre. Je pense qu'il faut couper les liens avec l'album précédent et sortir de ta zone de confort. On a eu cette réflexion-là et ensuite, on a revu Rémi Gettlife, notre grand ami - Directeur Artistique de l'album précédent - qui nous a toujours enregistrés en studio. On lui a dit qu'on voulait toujours travailler avec lui mais qu'on ne voulait plus enregistrer dans son magnifique studio car on voulait avoir un peu plus de place dans la salle de prise de son, pour avoir plus d'aisance dans le mix. On lui a simplement dit cela, qu'on voulait jouer fort, comme on aime, dans des conditions optimales et il nous a indiqué le matériel avec lequel il a l'habitude - et il sait - de travailler. Et à partir de cela, on a dressé une liste de 5-6 studios où on pourrait enregistrer l'album. Il y avait de magnifiques studios et quand on a vu l'Ocean Sound Studio, on est tombé amoureux de l'endroit et on lui a dit : "Banco" ! Ce n'était même pas le plus cher, c'est juste celui qu'il nous fallait.
Source : © Facebook Officiel Last Train
Source : © Facebook Officiel Last Train
RAN : Justement, vous nous parlez de Rémi Gettlife. Le considérez-vous comme le 5ème membre du groupe ?
LT : Oui, carrément !

A : C'est Jean-No qui a surtout travaillé avec lui dans la production de l'album, mais ses suggestions et ses choix sont très écoutés par l'ensemble du groupe.

RAN : Quelles ont été vos influences majeures pour l’écriture des morceaux ?
JN : Je pense qu'il y a eu plein de trucs différents qui n'ont pour le coup rien à voir avec la musique que l'on propose aujourd'hui. Ce sont pour la plupart des découvertes. C'est pour cela que c'était intéressant. Nous on a grandi en tant qu'êtres humains, on a grandi en tant que musiciens et en tant qu'amateurs de musique aussi. A l'époque, on avait découvert les grands classiques du rock comme Led Zeppelin et pour cet album, on a écouté beaucoup de pop, de hip-hop et énormément de musiques plus "élégantes" comme les B.O. de films, la musique classique... (Antoine intervient)

A : Beaucoup de néo-classique aussi !

JN : Oui c'est vrai, aussi... Ce sont surtout ces dernières musiques plus orchestrées, plus mélodiques, plus mélancoliques dans un sens, mais aussi plus cinématographiques qui nous ont influencés pour "The Big Picture".
Source : © Facebook Officiel Last Train
RAN : Pourquoi ce nom d'album, "The Big Picture" ? Et tant qu'on y est, pouvez-vous nous dire quelques mots sur sa magnifique pochette ?
JN : Ce qui différencie cet album du 1er, c'est que cette fois-ci, on a pensé "The Big Picture" du début à la fin. Tous les membres du groupe ont en tête les réunions que l'on faisait, les envois Google Drive, les influences... on est vraiment allé chercher loin. Je ne sais pas comment l'exprimer. Ce n'est pas qu'il n'y a plus de spontanéité, mais on était davantage dans le contrôle et l'envie d'écrire une histoire cohérente. On a beaucoup réfléchi et tout est parti du titre. On a trouvé ce titre pour montrer que l'on cherchait à proposer une vision d'ensemble. Une vision d'ensemble sur l'album mais aussi finalement, une vision d'ensemble sur ce que peut être Last Train. On s'aperçoit que l'album représente bien qui on est aujourd'hui.

A : Pour la pochette, on voulait quelque chose de sobre, de noir et blanc, mais davantage lumineux que sombre car sur "Weathering", on jouait davantage avec les noirs. Cette fois-ci, on joue plus avec les blancs, avec les ombres.

T : La pochette est née de cela d’ailleurs. On voulait qu’elle dégage une impression de grands espaces.

A : Et la photo en elle-même, elle a été prise pendant le tournage du clip de “The Idea Of Someone”. C’est Rémi qui était présent avec nous qui a pris le cliché et qui a réalisé la pochette.
Pochette de l'album "The Big Picture" de Last Train (2019)
RAN : Êtes-vous réparti de zéro pour l'écriture du nouvel album ou aviez-vous déjà quelques riffs et / ou mélodies qui vous restaient de l'écriture de "Weathering" ?
T : Un peu quand même…

JN : On reste dans la continuité malgré tout, parce que ça reste 4 musiciens qui font de la musique ensemble mais notre création ne se résume pas par période : une période de composition, une période de lives… Il y a une certaine continuité quand même.

T : D’ailleurs, je trouve qu’à la fin de “Weathering”, il y a des choses qui auraient presque plus leur place sur le 2ème album. Par exemple, le morceau “Weathering”, qui fait partie des derniers composés, amorce déjà un peu cette nouvelle direction musicale. Après, ce morceau colle également parfaitement au 1er album mais c’est sans doute les prémices de ce que l’on fait maintenant.
RAN : Les notes & arpèges exécutés sur de nombreux morceaux rappellent certaines figures tutélaires comme Muse ou Radiohead. Est-ce que ce sont des groupes dont vous vous sentez proches ?
JN : (s’adressant aux autres membres du groupe) Je réponds à cette question (rires). Moi, j’adore ces 2 groupes. Je les trouve excellents et je les ai vus plusieurs fois en live mais encore une fois, de qui s’inspirent des artistes comme Matthew Bellamy ou Thom Yorke ? Du classique ! Ils se sont inspiré de musiques de films, ils en ont d’ailleurs écrit tous les deux. Ils viennent du classique, ils sont pianistes à la base. Moi aussi, j’ai étudié le piano. Tous les membres de Last Train jouent du piano. Ce sont des sensibilités qui nous plaisent de voir la musique comme un mouvement. Il y a plein de ponts invisibles entre ce que l’on propose et ces trucs plus classiques. Certains ont su transformer ces musiques en des choses plus rock et je trouve ça cool. C’est quand même très compliqué aujourd’hui de faire du rock élégant. Le rock n’ roll traîne un tas de trucs pas cools, a une image très “beauf”, de par les attitudes, les histoires, les polémiques et les clichés véhiculés. Et du coup, je trouve ça chouette qu’on nous compare à des groupes comme Muse ou Radiohead.
Sur le 1er album, tout le monde nous parlait de la filiation avec le Black Rebel Motorcycle Club. Sur le 2ème album, on parle davantage de Radiohead, Nine Inch Nails, voire Muse. Why not ? Je suis content que cela avance dans ce sens-là.
Credits Photo : © La Dépêche
RAN : Quand j’entends ton discours Jean-Noël, ça me conforte dans l’impression que tu as vraiment un profil à la Thom Yorke…
T & A : Ouais, tout dégueulasse, tout déglingué… (éclat de rire général)

RAN : (rires) Je parle au niveau musical uniquement. Je te verrai bien composer une B.O. de films dans quelques années…
JN : Je crois qu’on fantasme tous là-dessus. Et généralement, quand on fantasme sur un truc au niveau artistique, on le fait.

A : C’est quelque chose que l’on a déjà dans un coin de nos têtes. Qu’on y ait réfléchi ou qu’on en ait discuté ou non, c’est un truc qui nous ferait tous plaisir.

RAN : Avez-vous déjà eu des contacts en ce sens ?
N : Non, parce qu’il est encore tôt et que chaque chose vient en son temps. Ca n’a pas de sens de le faire aujourd’hui et ça n’aura pas de sens de le faire avant un bon moment. Je pense d’abord qu'il faut comprendre les choses avant de les faire. Ce qui est assez drôle, c’est que cette attirance pour les musiques de films n’avait pas été verbalisée avant entre nous. Des trucs plus mélodiques, plus orchestrés, on en écoutait tous chacun de notre côté et on kiffait tous plus ou moins cela. Ca fait partie des choses qui nous rassemblent mais on ne s’est jamais dit “On va composer un titre qui va être influencé par tel ou tel truc”. Mais on s’en rend compte après. Quand on a tiré le bilan de l’album avec Rémi, on s’est aperçu que c’était un disque plus cinématographique. Tu commences à mettre les mots après avoir créé, après avoir enregistré. Je pense que ce qu’il faut faire, c’est faire des constats et apprendre petit à petit. Et le jour où tu te sens prêt à te lancer, tu y vas.

RAN : Vous avez dit récemment que "The Big Picture" est le titre qui représente le mieux l’album. En quoi ce morceau vous représente-t-il bien ? On en profite pour féliciter Julien pour la réalisation du clip...
J : Merci c’est cool !

T : Je pense que ça représente bien Last Train et l’album du fait qu’il y a plein de passages dans cette chanson. Si tu la découpes en blocs, il y a énormément de trucs que l'on aime et que tu peux retrouver dans d'autres morceaux, même si ce sera sous une forme différente. Cette chanson rassemble beaucoup d'ambiances qui nous sont chères. C'est pour cela que le titre "The Big Picture" - que Jean-Noël avait en tête depuis un petit moment - colle absolument à ce qu'on voulait dégager.
RAN : C'est vrai que "The Big Picture" est un morceau très fort, qui dégage quelque chose d'inexplicable...
T : Et c'est pour cela que la réalisation de Julien sur le clip fonctionne encore mieux. Julien a renfoncé le clou quant à la vision d'ensemble de Last Train, avec toutes les nuances que l'on met dedans aussi.

RAN : Beaucoup prétendent que vu la grandiloquence de ce "The Big Picture", vous aurez énormément de mal à la jouer et la sublimer en live... Qu'auriez-vous envie de leur répondre ?
JN : Qu'on les emmerde ! (éclat de rire général)

J : Déjà, on peut commencer par les emmerder. Et ensuite, ces gens-là, on les invite à venir nous voir en live. Cet album, on l'a avant tout rendu vivant à 4 dans un petit studio de 20m2, on a beaucoup joué les chansons. Donc en fait, ces chansons, elles existaient avant même qu'elles soient enregistrées.

A : Avant qu'on y ajoute des cordes, on les avait jouées 1.000 fois ensemble tous les 4.

J : On y avait mis d'autres arrangements et les cordes sont simplement là pour rajouter quelque chose quand tu écoutes le morceau ou quand tu regardes le clip mais on n'a vraiment aucune inquiétude par rapport à la transposition en live car les morceaux on les a joués à 4 avant, comme on l'a toujours fait. Les morceaux existent à 4 et le live c'est complètement différent vous verrez...
Last Train @ La Messe de Minuit 2019 - Credits Photo : © JM Wolff "Juste Un Regard"
Last Train @ La Messe de Minuit 2019 - Credits Photo : © JM Wolff "Juste Un Regard"
RAN : La structure de certains de vos morceaux semble un peu à géométrie variable, comme "Jane" ou "Fragile" par exemple. Si l'on ajoute à cela le renfort d'un orchestre symphonique sur "The Big Picture", on en vient aux spéculations les plus folles... Est-ce votre idée à terme de proposer des morceaux à la "Bohemian Rhapsody" ou de développer un projet de concert avec un orchestre symphonique, comme l'a fait Metallica à plusieurs reprises ?
JN : On en revient à ce qu'on disait sur la B.O. de films. C'est beaucoup trop tôt pour nous mais c'est un projet qui pourrait nous plaire effectivement.

J : Pour l'instant, on est bien à 4 sur scène. Pour moi, cet album prend tout son sens quand on en joue les morceaux sur scène, à 4.

A : C'est un peu égoïste mais c'est avant tout notre histoire. Je nous vois mal arriver avec des violons... En plus, je ne sais pas si les mecs de l'orchestre arriveraient à nous supporter...

J : Après, ce sera peut-être un projet que l'on développera plus tard, mais c'est beaucoup trop tôt.
Last Train @ La Messe de Minuit 2019 - Credits Photo : © JM Wolff "Juste Un Regard"
Last Train @ La Messe de Minuit 2019 - Credits Photo : © JM Wolff "Juste Un Regard"
RAN : Alors, mettons de côté votre casquette de musiciens pendant quelques instants... Vous avez lancé le mois dernier à Lyon votre 1er festival en tant qu'organisateurs, La Messe de Minuit. Pouvez-vous nous parler de cette initiative et quel bilan tirez-vous de ces 3 jours répartis dans différents lieux emblématiques de Lyon ?
JN : Ca fait partie des projets que l'on a en tête depuis longtemps et qu'on essaie de concrétiser petit à petit, en essayant toujours d'avoir le maximum de recul. On a monté très tôt une boîte de production, qui s'appelle Cold Fame. L'expérience nous a appris que partir bille en tête dans un projet sans savoir de quoi on parle, c'est compliqué. Du coup, maintenant on préfère se dire que les choses prennent du temps. Petit à petit, on est devenu producteur de concerts à Lyon, diffuseur, on a monté ce 1er festival avec Tim, le groupe et toute la Team Cold Fame. C'était un moyen pour nous de mettre en lumière une musique qui nous tient à coeur, la scène rock, y compris la scène rock française, et surtout la musique live de manière générale. Quand je parle de musique live, je veux dire la musique live qui se joue sans ordinateur, ni samples, sans filet, sans tricherie en gros. On voulait mettre en avant des compositions sincères et le faire sur 3 jours dans une ville dont on est tous amoureux.

Le constat final c'est quoi ? C'est tout simplement que c'est trop bien ! On a eu à peu près 2.000 festivaliers sur 3 jours et ce sont autant de sourires de ouf. C'était trop bien de voir autant de gens se fédérer, se parler et vivre des émotions très intenses pendant 3 jours d'affilée. On a vraiment eu que des retours unanimes positifs par rapport au festival.
Line up Festival La Messe de Minuit 2019
T : Même vis-à-vis des groupes, on a eu plein de retours cools. Ils se parlent entre eux...

JN : On sent qu'il y a une nouvelle génération d'acteurs de la musique qui arrive, que ce soit des musiciens, des promoteurs, des labels avec un nouveau fonctionnement et une nouvelle manière de voir les choses. En l'occurrence, sur la Messe de Minuit, on était promoteur mais aussi artistes, et c'était un projet d'artistes porté par des artistes qui construisent des choses ensemble. Et je trouve que ça a d'autant plus de cachet et de sincérité​. Ca parle aux gens tout simplement. C'est bête mais c'est vrai que l'exercice du festival est très compliqué... Finalement, on s'en sort assez bien parce qu'on a travaillé fort dessus et on voulait avoir un autre impact que celui de simplement rajouter un festival de plus au calendrier.
Credits Photo : © JM Wolff "Juste Un Regard"
Credits Photo : © JM Wolff "Juste Un Regard"
Credits Photo : © JM Wolff "Juste Un Regard"
RAN : Il y a un vrai parti-pris dans vos propos, notamment au niveau de la musique live sans ordinateur ni samples. Et ça nous fait penser au discours du groupe de blues rock The Inspector Cluzo, qui fustige la "musique d'ordinateurs". Est-ce un groupe dont vous vous sentez proches ?
LT : (rires nerveux et silence un peu gêné) Grillés ! (rires)

A : Je ne sais pas. Nous on les aime bien mais la seule fois où on a joué en même temps qu'eux sur une date, ils nous ont insultés sur scène je crois (rires).

N : Oui apparemment, ils ne nous aiment pas trop...

T : Mais je crois qu'en fait, ils n'aiment pas grand monde... (rires)

JN : Ouais, il faut relativiser quand même vis-à-vis de cela. On est relativement jeune, je les comprends aussi. Pendant un moment, on a subi avec Last Train - et on le comprend très bien - une mauvaise lecture du projet, dans le sens où on a commencé la musique très tôt, on a des gueules de minots, et on a fait des 1ers titres plutôt estampillés "rock singles" avec un petit côté rebelles... C'est typiquement le projet que tu adores détester, et on le comprend. Pour des puristes comme The Inspector Cluzo, qui sont leur propre label, font leur booking eux-mêmes, font leur put*** de foie gras, je comprends que le projet Last Train ne les séduise pas. Et par manque de communication, on a appris qu'ils nous insultaient sur scène mais on s'en branle. Parce qu'on sait très bien que si on se met tous ensemble dans une pièce, on aurait plein de valeurs qu'on partage et une éthique commune. Encore une fois, il faut laisser le temps au temps... et un jour, on se croisera et je suis convaincu qu'on arrivera à faire des super projets ensemble.

On parlait de générations tout à l’heure. Là c'est typiquement un problème générationnel je pense. Et c'est particulièrement vrai dans le rock où tout le monde se crache dessus tout le temps et se déteste. Alors que nous, on se rend compte que dans la nouvelle génération, des mecs comme Lysistrata, The Psychotic Monks, Johnny Mafia, Equipe de Foot, Pogo Car Crash Control, ce sont des groupes que l'on croise sans arrêt en tournée, avec qui on s'entend très bien, on partage des soirées, on échange... alors qu'on fait des styles musicaux qui n'ont rien à voir les uns avec les autres. Mais entre nous, il y a cette forme de respect, de bienveillance. Tout simplement parce qu'on est tous dans la même histoire. On n'a pas tous le même maillot mais on a la même passion. C'est un peu cette idée-là, tu vois ? (nous opinons) Mais je pense que c'est purement générationnel, parce que quand des petits jeunes arrivent, ça peut en faire chier certains...
Credits Photo : © Virage Radio
RAN : Concerts fiévreux aux 4 coins du monde, albums, organisation d'un festival, agence de booking, montage vidéo… Votre emploi du temps est quand même très chargé. Où trouvez-vous cette énergie ?
J : Je pense que multiplier les projets est indispensable pour ne pas perdre les pédales. On discutait avec Jean-No avant-hier et j'ai eu des petits coups de mou récemment, parce que j'avais fini mon clip pour Décibelles, les aftermovies pour La Messe de Minuit... Donc, j'étais un peu à court de projet et là j'ai eu un vrai "down" où je ne me trouvais pas à ma place, alors qu'on a des concerts qui arrivent, qu'on a plein de choses à venir mais si tu n'as pas de projets, tu risques de te perdre un peu. Je pense que la meilleure chose à faire, c'est d'avoir toujours plein de projets qui t'occupent l'esprit et d'essayer d'être débordé. C'est peut-être un peu dur comme façon de penser parce que ça fatigue... (Jean-Noël le coupe)

JN : Artiste c'est quand un métier assez particulier... Moi je ne verrais pas être simplement musicien. Ce serait trop compliqué, trop dur, parce qu'il y a trop de moments très très hauts qui seraient contrebalancés par de nombreux moments de bas. Parce que tu rentrerais chez toi, tu serais une merde, t'aurais pas de thune, tu n'as pas envie de voir les gens parce que tu en as trop vu avant... Comme le disait Julien, le fait d'avoir des projets, des motivations, des nouvelles choses à faire, à penser, à réfléchir, à retravailler, c'est trop bien et ça te permet d'avancer en apprenant des choses. En somme, ça te fait grandir. C'est important de grandir car beaucoup de musiciens, plus ils avancent, plus ils deviennent cons (rires). J'espère qu'on ne deviendra jamais con et qu'on continuera à apprendre des choses.
Last Train @ La Cartonnerie de Reims 2019 - Credits Photo : © JM Wolff "Juste Un Regard"
Last Train @ La Cartonnerie de Reims 2019 - Credits Photo : © JM Wolff "Juste Un Regard"
RAN : On vous le souhaite en tout cas. Quels sont les rêves que vous espérez réaliser sur la suite de votre carrière ?
A : La conquête spatiale, Tim ? (éclat de rire général)

T : Ah ouais, la conquête spatiale, ce serait cool ! (rires)

A : Y'a pas Muse qui a joué dans une fusée déjà ?

JN : Il y a énormément de projets à concrétiser dans les prochaines années. Et c'est ça qui est cool dans Last Train, c'est que jusqu'à présent, on a fait beaucoup de choses pour nous - monter une boîte de production, un 1er label, monter notre festival... etc - et petit à petit, on se rend compte qu'on grandit et qu'on a envie de défendre une espèce de cause un peu plus générale, celle de la nouvelle génération et particulièrement de la scène rock française. Ca nous tient vraiment à coeur de pouvoir échanger avec d'autres personnes là-dessus, de concrétiser certains projets et de rendre cette scène plus dynamique, plus vivante et plus humaine aussi... Du coup, tous les prochains projets sont dirigés vers cela, que ce soit de la production de concerts ou autre chose. Ce sera forcément quelque chose qui passera par le live. Je suis content, je trouve qu'on avance plutôt bien.
Source : © Facebook Officiel Cold Fame
RAN : Ca fait plusieurs fois que vous vous produisez à Reims ou dans sa périphérie, notamment il y a presque 5 ans au bar Le Kilberry, alors que personne - ou presque - ne vous connaissait. Quels souvenirs gardez-vous de cette époque ? Et que vous inspire cette ville ?
T : (prenant la voix rauque de la patronne du Kilberry) Salut les gars ! (rires)

JN : Je me souviens que tu y étais au Kil', mais étais-tu à l'Appart Café 1 an auparavant ?

RAN : (Manu répond) Ah non...
A : Remarques, tu n'es pas le seul à ne pas avoir été là... (rires)

T : Alors, le 1er passage à Reims, Antoine ? (rire sarcastique)

J : On peut te faire nos passages à Reims chronologiquement. Le premier passage c'était à l'Appart Café... (Antoine le coupe)

A : C'était cool ! Le patron faisait passer plein de groupes là-bas...

J : L'AppArt Café c'était notre 1ère ou 2ème date de tournée je crois. En 2014, on a repris le projet en main sérieusement et on a bossé en sous-marin, effectué une tournée européenne de 2 semaines alors qu'on avait seulement notre EP 2 titres et Reims était l'une des premières dates de la tournée. Donc ça laisse forcément une trace. Notre van qu'on avait acheté nous-mêmes qui commençait à nous lâcher. On s'est endetté et... on est toujours endetté aujourd'hui (éclat de rire général). Quand on repense à ça, c'était le tout début, c'était cool ! On sortait de chez nous avec notre propre van, donc il y avait une excitation toute particulière. Ensuite, suite à cela, on a joué plusieurs mois après au Kilberry, et on a dû rentrer à Strasbourg dans la nuit.
T : Et puis la patronne du bar avec sa voix chelou à cause du tabac...

JN : Moi, je me souviens être venu à Reims pour aller chez l'ostéopathe parce que je m'étais bloqué le dos le matin du concert au festival Rockenstock, à Châlons-en-Champagne.

J : Jean-Noël s'était bloqué le dos le matin même à l'hôtel. Il pouvait à peine bouger, il pleurait (rires)...

JN : Ouais quand même pas !

J : Ce que je veux dire c'est que tu avais super mal.

JN : Comme je n'ai pas le permis, Julien m'a amené à Reims avec le van et après l'ostéo, on s'était posé devant la cathédrale, c'était bien !

A : Ca a l'air d'être une chouette ville Reims. Et il y a aussi une super scène musicale entre The Shoes, ALB...

T : Moi je vois le festival de La Magnifique Society qui a une super programmation et de superbes visuels aussi.
Credits Photo : © JM Wolff "Juste Un Regard"
Credits Photo : © JM Wolff "Juste Un Regard"
RAN : Justement, Last Train au line up de La Magnifique Society 2020, ce serait envisageable ?
JN : Why not ? Il faut en discuter avec Cédric Cheminaud et Christian Allex*...

RAN : Cela fait plusieurs années que vous sillonnez les routes. Pourriez-vous nous raconter une anecdote de tournée qui vous a marqué ?
JN : Franchement, non ! (rires) C'est compliqué parce que ça fait longtemps que l'on tourne et en même temps, il ne se passe pas une journée sans qu'il se passe un truc original.

J : Rien que pour Reims, on a une anecdote pour chacune des dates que l'on a fait dans cette ville. Donc si on devait t'en retirer une tout de suite, ce serait difficile... Rien que l'anecdote du dos bloqué de Jean-No, on est déjà pas mal. On joue à Châlons-en-Champagne, on fait 1h de route dans la journée pour trouver un ostéopathe ouvert le dimanche, Jean-No pleurait sa mère et on n'a même pas pu faire les balances nous-mêmes.

A : Ah oui c'est vrai, j'avais joué de la guitare... (rires)

T : Moi j'avais chanté un peu aussi...

J : Ouais donc j'emmène JN chez l'ostéo, il y reste 1h et je prie juste pour que ça aille parce que sinon, il faut annuler la date. En sortant, ça allait mieux donc on s'est un peu promené et on s'est posé devant la cathédrale.

JN : (s'adressant à Julien) Tu avais même pris une photo je crois ?

J : Ouais une belle photo.

T : Et le même soir, Flo - leur ingénieur du son - qui fait une belle marche arrière avec le van... boum !

J : Le pire c'est qu'avec toutes ces galères, le concert s'est joué et c'était trop cool !
Credits Photo : © JM Wolff "Juste Un Regard"
Credits Photo : © JM Wolff "Juste Un Regard"
Credits Photo : © JM Wolff "Juste Un Regard"
RAN : Pour cette interview, nous avons décidé de laisser la possibilité à nos abonnés de vous poser une question. Le groupe de stoner rock - originaire de Savoie - Prohibition Dead se demande comment faire pour jouer en première partie de Last Train... Que pourriez-vous leur répondre ?
JN : C'est le jeu. C'est toujours compliqué ce jeu d'aller chercher des 1ères parties pour son groupe mais on est tous passé par là. On l'a tellement fait par nous-mêmes tout le temps que j'ai juste envie de leur conseiller de s'acharner. Réfléchissez par vous-même et cherchez les solutions. C'est con à dire mais c'est ça : un concert est mis sur pied par un programmateur, un producteur, l'artiste a un tourneur et peut-être un producteur de tournée, l'artiste a un management... En fait, il y a tellement de personnes à contacter et à chaque concert, il faut essayer d'aligner les étoiles en contactant tous ces gens-là. Et dans le cas de Last Train, il n'y a pas énormément de personne à contacter, sachant qu'à la fin, c'est nous qui avons le dernier mot (rires). Pour le coup, j'ai envie de leur dire : "Accrochez-vous les mecs, ça va finir par arriver !".
J : Et ce qui est important aussi, c'est ne pas être dans la demande quand tu contactes ces acteurs de la musique mais plutôt les rencontrer et vendre ton projet pour faire avancer ta propre carrière. Et surtout, tenir informés ces mecs-là de tes dates. Parce que rien ne dit que notre tourneur ne va pas venir les voir et ça peut tout changer pour eux...

JN : Il ne faut vraiment pas baisser les bras et il faut que cette démarche devienne naturelle et facile. Pour que ça le soit, ce n'est pas compliqué. Il faut juste le faire tout le temps, et être dans l'apprentissage pour comprendre les choses avant de les faire. On a commencé exactement pareil : on est 4 péquenots de villages qui ne connaissaient rien à l'industrie musicale et on se rend compte aujourd'hui qu'on est à la tête de holdings, d'une boîte de production, qu'on s'occupe de 20 groupes différents, qu'on a créé un festival... c'est rigolo mais ça demande énormément de travail au quotidien, et surtout le plus important : l'envie d'apprendre. Par exemple, ici à la Cartonnerie, est-ce qu'ils se sont renseigné sur le programme d'accompagnement des artistes ? Ont-ils rencontré Cédric Cheminaud ? Sont-ils allés démarcher les salles ? Il faut parler sans arrêt et comprendre ce qui se passe dans la tête du programmateur pour qu'il envisage de mettre Prohibition Dead en 1ère partie...
RAN : Merci beaucoup d'avoir pris le temps de nous répondre.
LT : Merci infiniment à vous ! Et à bientôt…
Credits Photo : © France Info
Credits Photo : © JM Wolff "Juste Un Regard"
Credits Photo : © JM Wolff "Juste Un Regard"
Credits Photo : © JM Wolff "Juste Un Regard"
Credits Photo : © JM Wolff "Juste Un Regard"


Propos recueillis par Manu & Gian de RAN le 19 octobre 2019


*NDLR : Retrouvez la review du nouvel album de Last Train à l’adresse suivante sur notre blog => https://rockalternativenews.blogspot.com/2019/09/album-review-big-picture-de-last-train.html

*NDLR : Retrouvez notre live report de la soirée Last Train + Norma @ La Cartonnerie de Reims à l’adresse suivante sur notre blog => https://rockalternativenews.blogspot.com/2019/10/live-report-last-train-norma-la.html

*NDLR : Cédric Cheminaud - le Directeur de la Cartonnerie de Reims - Christian Allex sont chargés de la programmation du festival La Magnifique Society


Nous souhaitons remercier notre ami photographe Jean-Marie Wollf de nous avoir mis à disposition ses clichés des différentes dates de Last Train auxquelles il a participé. Nous vous invitons à aller découvrir son travail et liker sa page en cliquant sur le lien suivant : https://www.facebook.com/jmwolffjusteunregard/

Nous souhaitons remercier Antoine, Julien, Tim & Jean-Noël pour leur disponibilité, leur simplicité, leur gentillesse et leur bienveillance. Et nous leur souhaitons tout le succès possible avec ce nouvel album. Rock Alternative News sera présente au grand complet lors de leur concert au Trianon le 06 novembre prochain et bien évidemment, nous vous raconterons tout...
Credits Photo : Rock Alternative News
Credits Photo : © JM Wolff "Juste Un Regard"
Credits Photo : © JM Wolff "Juste Un Regard"
Site Officiel : https://www.lasttrain.fr/





Spotify : https://open.spotify.com/artist/4S47feOS2ATuhc7Ao5ilfG?si=jvY-FqhgRs2t6eriHqLSkw





Credits Photo : © Yann Charles