Lancé dans une tournée européenne pour défendre son sublime 2ème album “The Big Picture” (dont vous retrouverez le lien vers ma chronique en fin d’article), le groupe de rock français Last Train se produisait ce samedi 19 octobre 2019 dans l’ambiance légèrement guindée et intime du Club de la Cartonnerie de Reims. A peine 1 mois après la sortie de “The Big Picture”, Jean-Noël, Julien, Tim et Antoine sont donc déjà sur les routes - leur exercice favori - et ont présenté en grande partie ces nouvelles chansons dans l’ambiance aussi fiévreuse qu’explosive d’un concert dont je vais tenter de vous narrer les temps forts. A l’instar du public de la Carto, laissez-vous gagner par la frénésie et électriser par le feu sacré qui habite les rockeurs alsaciens…
Mais avant de découvrir toutes les belles surprises que nous ont concocté les 4 stakhanovistes du rock français, c’est à Norma, jeune artiste de pop alternative qu’échoît la lourde tâche d’ouvrir pour Last Train. Durant 35-40 minutes, la jeune femme venue présenter son 1er album “Female Jungle” - sorti en janvier dernier sur son label Shortcuts Records - a régalé le public clairsemé de la Cartonnerie dans un registre pourtant bien différent de celui des têtes d’affiche du soir, mais qui sied néanmoins à merveille au public rémois. Qu’elle soit assise derrière son clavier ou debout avec sa guitare en bandoulière, la jeune multi-instrumentiste à la grâce féline délivre - accompagnée de ses 2 musiciens - une pop sucrée et hypnotique, qui nous donne envie d’en découvrir davantage sur cette artiste très prometteuse, malgré son évidente timidité. On se dit qu’une fois encore, l’équipe Cold Fame - et particulièrement Jean-Noël Scherrer - a eu le nez fin avec Norma...
En une demi-heure d’entracte, nous avons le temps de nous hydrater et de retrouver nombre de visages familiers que nous avions déjà croisés lors des derniers passages des Alsaciens dans la région, du festival Rockenstock au Cabaret Vert. A peine ai-je regagné ma position en front de scène que la lumière s’éteint de nouveau, laissant entrevoir un grand rideau illuminé en blanc et une batterie accompagnée de multitudes d’amplis sur les côtés. On le pressentait en interviewant les membres du groupe avant le concert, mais on peut également le sentir dans l’air : ce ne sont plus les mêmes Last Train que nous avions quittés après l’avant-dernier concert de la tournée de “Weathering”, à la Laiterie de Strasbourg en décembre 2017.
Vous le savez sans doute, Last Train est de ces groupes qui se sont construit sur scène, se sont façonné au rythme enragé des tournées et a signé le premier chapitre de son histoire - le très réussi “Weathering” sorti en avril 2017 - entre 2 aires d’autoroutes. De la scène du Bataclan aux plus importants festivals du globe, en passant par des bars improbables nichés à plus de 5.000m d’altitude dans l’Himalaya, les 4 membres du groupe - qui ont tout d’une fratrie sauf le sang - ont marqué le rock français au fer rouge. Passés de l’adolescence à la vie de jeunes adultes sous nos yeux ébahis, Jean-Noël à la guitare & au chant, Antoine à la batterie, Julien à la guitare et Tim à la basse ont découvert les vertus d’un temps qu’ils n’avaient jamais pu - ou voulu - prendre. Grâce à ce temps, ils nous ont livré récemment un concentré de pur beauté rock, “The Big Picture” sorti le 13 septembre dernier. A travers ce disque, les 4 amis s’émancipent des clichés du rock pour en dévoiler la substantifique moelle. Fort de cet album cinématographique au souffle épique, véritable collection de paysages et de grands espaces, Last Train a effectué sa mue, proposant désormais un rock moins vénère, plus mélodique mais surtout bien plus élégant, pur produit de sa mélancolie et sa fureur.
Les notes de “The Lonely Shepherd” de Gheorghe Zamfir, tiré de la bande originale de “Kill Bill : Volume 1” de Quentin Tarantino, retentissent puis les héros de la soirée arrivent dans cette semi-pénombre. Comme à l’accoutumée, le quatuor se réunit autour de la batterie d’Antoine, à peine éclairée, comme une soirée en famille au coin du feu. L’intimité et l’intensité du moment sont difficiles à décrire. C’est viscéral, on sent que l’attente des spectateurs est énorme. Quant à moi, je frissonne de plaisir à l’idée de découvrir pour la 1ère fois les nouveaux morceaux sur scène. S’en suit alors un récital de rock avec les performances live de “All Alone” pour entamer le show, immédiatement suivie des déjà cultes “Way Out” et “House On The Moon”.
A cet instant, on sent que le public de la Carto est au diapason des gladiateurs sur scène. Haranguée par un Jean-Noël des très grands soirs, l’assistance se laisse porter par cette vague de folie qui l’envahit et que rien ne semble pouvoir freiner, pas même l’exclusion incompréhensible de 2 de mes collègues - et ami pour l’un d’eux - photographes par des agents de sécurité trop zélés. Incident d’ailleurs vite désamorcé par Jean-Noël, qui précisera en fin de morceau que : “Nous ne voulons virer personne. Vous pouvez prendre autant de photos ou de vidéos que vous voulez. On est là pour profiter !”.
Capable de passer de la ballade tranquille au rock le plus énervé sur des riffs endiablés, Last Train régale son public. La voix éraillée de Jean-Noël fera mouche durant tout le concert devant un public rémois plus habitué - dans sa majorité - aux grandes messes pop et électro de la Magnifique Society qu’aux concerts intimistes de rock underground. Le groupe enchaîne magnifiquement avec un set très bien maîtrisé, alternant judicieusement tubes de ses 1ères productions comme “One Side Road” - issu de leur 2ème EP “Fragile” en 2016 - ou “Between Wounds” - publié sur le 1er album “Weathering” en 2017 et durant lequel Jean-Noël passera de longues minutes dans la fosse à délivrer ses instrus ravageurs - et titres du 2nd opus, comme l’excellente “On Our Knees” ou la magistrale “Disappointed”.
Lorsque résonne les premières notes de la cultissime “Fire”, le cratère de la fosse entre en fusion et l’on n’entend presque plus la voix de Jean-Noël tant le public de la Carto reprend en choeur les paroles et soulage ce dernier du chant. Vient ensuite la grande et belle surprise de la soirée… l’interprétation d’un titre rare en live et qu’à titre personnel j’adore, “Leaving You Now” extrait du 1er EP du groupe “The Holy Family” en 2015. Bref vous l’aurez compris, de quoi satisfaire les fans de la première heure ainsi que ceux ayant pris le “train” en marche...
Le temps d’une petite heure, Last Train a fait vibrer le public champenois et a bousculé la quiétude voluptueuse du Club. Mais je me dis que même pour un groupe n’affichant que 2 albums au compteur, 1h c’est quand même bien peu… Et manifestement, je ne suis pas le seul dans ce cas, puisque le public va s’époumoner pour faire revenir le groupe sur scène. Un rappel qui, quoiqu’il arrive, aurait eu lieu mais dont l’enthousiasme du public va amener le groupe à rajouter un titre à la setlist initialement prévue. Last Train entame ce rappel par 2 morceaux orgasmiques du dernier disque “Tired Since 1994” et “I Only Bet On Myself” avant d’allumer la mèche pour dynamiter la fosse avec le tube “Cold Fever”, qui ne manquera de provoquer hystérie collective et pogos. Cette belle soirée se termine en apothéose avec la sublissime “The Big Picture” - chanson éponyme du disque -, véritable chef d’œuvre de près de 12 minutes, durant laquelle Last Train déroule toute la créativité et la virtuosité dont il a fait preuve sur ce nouvel album.
L’assistance est véritablement conquise et en redemande, en vain. La Carto a pris une énorme claque et a aimé ça. La salle se vide, le public se rue vers le merch et les plus acharnés vers le bar, où le groupe se fait quelque peu attendre, mais finit par se présenter - pour le plus plaisir des couche-tard - et sacrifie au rituel des photos & des dédicaces. Après 1h30 de riffs incessants et de bonheur à l’état pur, les 4 Alsaciens se retirent, lessivés et repus, laissant l’assistance lentement dériver vers une sorte de lévitation, dont elle ne sortira que le lendemain matin au réveil.
Vous êtes sans doute en train de vous dire que j’ai perdu toute objectivité face à ce groupe et que ce live report affiche un sacré parti-pris. C’est vrai et je l’assume totalement ! Parce que comme dirait Jean-Jacques : « Quand la musique est bonne, quand la musique donne, quand la musique sonne, quand elle ne triche pas », elle vaut bien une grande dithyrambe et un long éloge...
Les blousons noirs du rock n' roll, sans ses clichés. Les influences de la pop, sans sa naïveté. Les boots du blues, sans son prosaïsme. Les jeunes alsaciens de Last Train libèrent depuis 2 albums - et près de 400 lives - un rock élégant, hypnotique, vénère et mélodique, dans un univers écorché et maîtrisé, quelque part entre le Black Rebel Motorcycle Club & Radiohead… Un mois après avoir créé son propre festival, La Messe de Minuit, la Messe est à nouveau dite ce samedi soir à la Cartonnerie… L’avenir appartient sans contestation possible à Last Train. Les 4 amis pouvaient bien s’enlacer en sortant de scène car les nouveaux morceaux prennent une dimension épique en live et leur concert fut à la hauteur de l’attente de leur public rémois : IMMENSE !
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