samedi 26 septembre 2020

Album Review : "Ohms" de Deftones (Sortie le 25.09.2020)

Credits Photo : © Metal Zone


Sortant de la pandémie comme un phénix renaît de ses cendres, Deftones publie son 1er album depuis “Gore” en 2016, et cette sortie, combinée à celle du “Ultra Mono” d’IDLES* me fait dire que finalement, 2020 n’est pas une si mauvaise année. OK, c'est toujours une année de merde mais avec ces 2 albums pour nous chatouiller les esgourdes, ça va quand même bien mieux… Ce disque “Ohms” largement teasé par le chanteur Chino Moreno est déjà le 9ème album studio du pionnier du nu-metal américain en 32 ans de carrière.


La dernière fois que Deftones a collaboré avec le producteur Terry Date - l’homme connu pour avoir dirigé les 4 premiers albums du quintet californien, mais aussi pour avoir produit Soundgarden dans ses plus belles heures - c'était en 2008. Le fruit de leur travail commun s’appelait “Eros” et n’est jamais arrivé jusqu'à vos oreilles. Car l’enregistrement a été interrompu à la suite de l’accident de voiture qui a laissé le bassiste Chi Cheng dans le coma*.

Credits Photo : © Metal Injection


Il est donc probable qu’entrer à nouveau dans le studio de Terry Date a été à la fois douloureux et cathartique pour les membres survivants de Deftones. D’ailleurs, bien que cette émotion ne se retrouve pas explicitement dans les textes, cet album sonne comme un gigantesque exutoire pour Chino Moreno et sa bande. C’est lourd, à la fois brutal et émotionnel et cela nous confirme que - parfois - de telles émotions peuvent être bien plus révélatrices et libératrices que n’importe quelle thérapie. Nous en avions eu l’exemple précédemment avec les pionniers du synth-punk new-yorkais Suicide ou avec My Bloody Valentine.


Pour ce disque aussi beau que bruyant, Chino Moreno s’est volontairement mis en retrait afin de laisser davantage de liberté dans l’écriture au guitariste Stephen Carpenter, ainsi qu’au batteur Abe Cunningham. Il s’agit d’une démarche plus que bienvenue car la richesse de Deftones réside également dans la confrontation des univers créatifs de ses membres. Il semblerait même qu’un journaliste américain ait un jour décrit Carpenter comme un “Morrissey à la Meshuggah”. Passé le mauvais goût de cette comparaison douteuse, il me faut reconnaître que cela fait du bien d’entendre à nouveau un disque où Deftones propose un son aussi massif qu’un bloc de béton et aussi furieux qu’une hyène enragée.

Credits Photo : © Metal Sucks

Après cette longue pause, il se dégage de cet opus une sorte de grâce inexplicable. Au milieu du disque, “Pompeji” émousse autant qu'il rugit et présente une ligne de chant parmi les meilleures de l’histoire du groupe. Mais on retrouve tout de même le son affreux, sale et méchant des Deftones. Des titres comme “The Link Is Dead” et - surtout - “Ceremony” proposent une ligne de guitare des plus vénéneuses qui pulvérisera sans difficulté la concurrence. Tous ces éléments font de “Ohms” un album terriblement actuel, et en même temps ancré dans le passé. En effet, un morceau comme “Error” semble avoir été créé pour dérouter l’auditeur et rappelle fortement certaines oeuvres de Sonic Youth. De même, “Radiant City” et son riff bégayant aussi crade que des toilettes publiques aurait pu facilement enflammer la piste de danse d’un club de rock dans les années 90.


Cette année 2020 est probablement le moment idéal pour publier ce disque car ce n’est pas une année propice à la beauté. Ces chansons sont aussi « laides », défigurées et sombres que nouvelles. Un peu à l’instar de notre monde actuel. Aussi stérile que nos espoirs douchés par l’arrivée du COVID. Pourtant, curieusement c’est aussi cet aspect qui fait que j’aime tant ce disque. Sans doute parce que je n’attendais plus grand chose de la part des Deftones, si ce n’est de belles rééditions d’albums qui ont forgé la légende du groupe de Chino Moreno...

Et pourtant, plus de 20 ans après le boom du nu-metal qui a propulsé Deftones sur le devant de la scène, tenter de catégoriser la musique du quintet n’a jamais semblé aussi hasardeux. Nous retrouvons ici des effluves de Papa Roach & de Limp Bizkit mais aussi un côté terriblement moderne. C’est peut-être cela le plus grand tour de force de cet album : se tourner vers l’avenir, ne pas se complaire dans le présent, et ne jamais regarder dans le rétroviseur.


On imagine que le premier jour en studio avec Terry Date aurait pu être profondément douloureux et compromettre la réussite de ce disque. Il semble au contraire cela se soit révélé cathartique, que cela ait permis au groupe de s’ouvrir au monde et de donner la pleine mesure de la rage qui l’habite depuis plus de 3 décennies. De l’intro Pink Floydienne de “Genesis” aux riffs sales de “Ceremony”, les retrouvailles du groupe avec le producteur Terry Date aboutissent à un album plus passionnant et émouvant que jamais. Avec “Ohms”, Deftones consolide définitivement son statut de groupe de metal le plus intéressant et le plus surprenant au monde. Incontestablement l’un des Must Have de l’année !


La Note de Manu : 9.5/10
Pochette de l'album "Ohms" de Deftones (sortie le 25.09.2020)

“Ohms” de Deftones, LP 10 titres sorti le 25 septembre 2020 chez Reprise Records / Warner Music

Tracklist :

1. Genesis (5:17)

2. Ceremony (3:28)

3. Urantia (4:30)

4. Error (4:50)

5. The Spell Of Mathematics (5:28)

6. Pompeji (5:26)

7. This Link Is Dead (4:37)

8. Radiant City (3:35)

9. Headless (4:59)

10. Ohms (4:10)



https://www.youtube.com/playlist?list=OLAK5uy_mZprjFJIuHokkJXb-jZYkpzJXDE5sJryk

Credits Photo : © Metal Injection



*NDLR : Dont Nayl vous parlera très prochainement


*NDLR : Coma dont il ne sortira jamais. Il décédera d’un arrêt cardiaque en avril 2013, à l'âge de 42 ans.




Manu de RAN

jeudi 24 septembre 2020

Album Review : "Nothing As The Ideal" d'All Them Witches (Sortie le 04.09.2020)

Credits Photo : © Hard Force


All Them Witches a toujours été un groupe pionnier dans le monde synesthésique du néo-psychédélisme, portant en lui un blues-rock tumultueux qui lorgne du côté du hard rock, malgré une volonté évidente de se démarquer et de s’affranchir des figures tutélaires du genre.

Sur leur 6ème album intitulé “Nothing As The Ideal” publié le 4 septembre dernier, le groupe originaire de la patrie du blues - Nashville - exhume des influences que l’on ne lui connaissait pas - Kyuss et Tool en tête - et améliore son son de guitare inimitable, tout en se connectant à un univers métaphysique inédit sur les pistes les plus calmes.

Source : © Facebook Officiel All Them Witches

Sollicitant l’aide du producteur Mikey Allred, avec qui ils avaient déjà collaboré sur le primal et méditatif “Dying Surfer Meets His Maker”, les membres d’All Them Witches se sont rendus aux mythiques Abbey Road Studios de Londres afin de donner vie à leur œuvre la plus dévastatrice, la plus variée mais surtout la plus réussie. “Nothing As The Ideal” se présente comme un opus majestueux aussi disparate que cohérent pour fusionner le récit enchanteur de “Lightning At The Door” - sorti fin 2013 - avec le foisonnement créatif implacable d'All Them Witches.


Après le 1er single “Saturnine & Iron Jaw”, le déconcertant “Enemy Of My Enemy” recèle les riffs de guitare les plus sauvages et virtuoses qu’All Them Witches ait jamais proposés. En créant une oeuvre qui vous fascine dès la 1ère écoute, il devient rapidement évident que “Nothing As The Ideal” est la meilleure production du groupe américain. Ce disque s’avère être une sorte de pendule sonique qui oscille entre toutes les sensibilités du répertoire rock, de la country au hard rock, en passant par le blues.


Tandis que “See You Next Fall” et “Lights Out” nous proposent un mur de guitares gorgées de reverb - qui rappellerait un peu un épais brouillard - il devient évident qu’All Them Witches compte désormais parmi les maîtres de la création rock contemporaine, tout en explorant de nouveaux territoires sonores inexploités jusqu’à présent. Vous n’aurez aucune peine à vous délecter et à vous laisser porter par ces nouvelles ambiances infusées tout au long de l’album. Ce n’est que lorsque le bras de la platine reviendra à son point de départ que vous vous rendrez compte que la basse de Charles Michael Parks Jr diffuse une ambiance trouble, et que le travail du guitariste Ben McLeod ressemble à s’y méprendre à une litanie hypnotique, qui pose les fondations de ce disque.

Credits Photo : © Christian Ballard

Vous trouverez tout au long de l’album des extraits des sessions d'enregistrement en direct aux Abbey Road Studios, ajoutant à l’ensemble un côté organique. Quant à “41”, il explose et régale grâce à un énorme riff de guitare harmonique et une ligne de basse mordante qui fait flotter un air brûlant de paranoïa. Une ligne de basse que Tom Araya - connu pour être le chanteur & bassiste du groupe de thrash metal Slayer - ne renierait guère. Après 4mn30 de chant mélancolique sur “Rats In Ruin”, les guitares sonnent dans un rêve gorgé de reverb avant d’aboutir à un timbre organique. Tout à coup, les amplis se mettent en marche et vous retrouvez un son plus nébuleux, mais aussi plus riche.


Impossible de dire à ce stade si “Nothing As The Ideal” est simplement le résultat du travail d’un groupe qui s’est libéré de toute pression et de tout carcan stylistique, ou s’il s’agit d’une oeuvre marquant l’apogée d’une carrière. Mais nous sommes quoi qu’il en soit devant un disque qui marque un tournant dans la discographie d’All Them Witches. Si la guitare de Ben McLeod chante dans une sorte de fatras euphorisant et que le batteur Robby Staebler entérine son rôle de chaînon central au sein du combo, chaque musicien apporte un dynamisme inégalé et nous confirme qu’All Them Witches est sans conteste un groupe de rock extraordinaire. En nous promenant entre post-rock, blues, hard rock, psychédélisme et prog rock, le finement ciselé “Nothing As The Ideal” n’est rien de moins que leur plus grande réussite à ce jour.


La Note de Manu : 8.5/10
Pochette de l'album "Nothing As The Ideal" d'All Them Witches (sortie le 04.09.2020)

“Nothing As The Ideal”, LP 8 titres sorti le 04 septembre 2020 chez New West Records

Tracklist :

1. Saturnine & Iron Jaw (6:49)

2. Enemy Of My Enemy (3:30)

3. Everest (2:07)

4. See You Next Fall (9:50)

5. The Children Of Coyote Woman (3:36)

6. 41 (5:20)

7. Lights Out (3:13)

8. Rats In Ruin (9:11)



https://www.youtube.com/playlist?list=PLddSkUxmPEC_ZbwFzxtM2J4lcbJGlUxzN

Credits Photo : © Pieuvre.ca



Manu de RAN

[INTERVIEW] Alista : "Je voulais juste me faire plaisir en faisant la musique que j'aime"


Le premier ep d'Alista est sorti le 10 juillet dernier, et est passé casi inaperçu pendant cet été caniculaire. Mais par chance, nous sommes tombé par hasard sur le teaser de ce premier ep incroyable, qui va plaire à tous les fans de post grunge des '90s. Cet ep vous fera certainement pensé aux 2 premiers albums des Foo Fighters, et comme Dave Grohl, Julien était batteur dans 2 groupes avant de se lancer dans ce projet solo. Donc, on ne pouvait pas garder pour nous cette terrible découverte, qui nous a emballée dès les premières secondes d'écoute. Voici l'interview de Julien alias Alista, multiinstrumentaliste et quelques titres de son ep à écouter dans l'interview avant de vous diriger sur sa page Bandcamp.

RAN : Salut Julien comment tu vas ?

Julien : Impeccable merci et toi ?!

Ça roule de mon côté. J'ai découvert ton projet par hasard sur instagram le mois dernier avec une vidéo, et j'ai été scotché dès les premières secondes d'écoute ...

Merci mec ! Apparemment ce teaser est efficace, ça m'a ramené quelques abonnés sur Instagram, c'est cool!

Donc, tu es multi-instrumentaliste et tu joues de tous les instruments sur ton 1er ep 7 titres ?

Affirmatif ! 

Avant de faire ton album solo, tu étais batteur dans dans 2 groupes ?

Exactement, j'ai été batteur dans un duo rock appelé Cherry Bloom avec qui nous avons enregistré deux albums (Secret sounds, et Open & Die), puis dans un groupe qui s'appelait Captain Americano avec qui nous avons fait un EP et un album.

Qu'est ce qui t'as donné envie de faire un album solo ?

Quand nous avons arrêté avec Captain Americano, j'ai tenté de faire quelques recherches pour jouer dans un autre groupe, mais je n'ai pas trouvé chaussure à mon pied. Le truc c'est que je suis assez difficile... J'ai besoin d'un réel coup de coeur ! Tu vois ce que je veux dire ?
J'avais quelques idées de morceaux dans un coin, alors je me suis dit ok, plutôt que de chercher un groupe qui me botte pendant des plombes, je vais faire mes chansons à moi. Je vais faire uniquement ce qui me plaît avec personne pour me dire "tiens j'aurais bien mis un solo ici" ou "tiens on devrait rajouter un break là"...
Je voulais juste me faire plaisir en faisant la musique que j'aime.

Quel est l'instrument dont tu a appris a joué en premier ?

J'ai commencé à apprendre la guitare vers l'âge de 7 ans. Puis je me suis intéressé d'avantage à la batterie vers l'âge de 10 ans. Je suis un autodidacte donc j'ai vraiment bossé à mon rythme, c'est à dire assez tranquillement !


Quand as-tu enregistré ton ep ?

Entre l'année dernière et cette année. À l'origine j'avais enregistré le double de chansons, mais l'autre moitié n'était pas assez potable à mes yeux.

Pour un premier ep, tu as enregistrer au Batcave Studio à Paris, mais tu l'as fais mixer et masterisé par Octave Zangs à Portland aux États-Unis ...

Tout à fait ! Octave est un ami de longue date, c'est avec lui que nous avons monté Cherry Bloom. C'est non seulement un excellent musicien mais c'est aussi un As en matière de son. C'est lui qui s'occupait des enregistrements, du mixage et du mastering de nos albums. C'est un mec ultra polyvalent ! 
Il vit aux US depuis quelques années, il a gentiment proposé de me filer un coup de main. Je ne pouvais pas refuser! Nous nous connaissons très bien musicalement, je savais que le rendu serait impeccable. Il connaît mes goûts mieux que personne d'autre !


Vas tu trouver des zikos pour te produire en live ?

J'y réfléchis. Avec ce qu'il se passe en ce moment de toute façon, la question du live n'est pas ma priorité... malheureusement !

On sent une petite influence des Foo Fighters. Est ce un groupe majeur pour toi ?

Oui mais essentiellement les deux premiers albums du groupe. J'ai lâché un peu après... Ça sonnait pas assez 90's rock pour moi! 

Tu écoutes quoi en ce moment ?

En ce moment je me tape un délire old school! J'écoute beaucoup les Kinks, les Youngbloods ou Jefferson Airplane.


Quelle a été ta dernière grosse découverte ou ton dernier coup de coeur ?

Un groupe qui s'appelle Violet Soda, ils sont Brésiliens je crois. C'est Matt Bigland qui m'a fait découvrir ça ! Il avait partagé une de leur chanson sur Instagram en même temps qu'une des miennes ! Trop la classe !


On peut retrouver ton ep sur Bandcamp, mais aussi sur toutes les autres plateformes de streaming. Qu'elle avantage il y a pour un artiste indé d'être sur ces plateformes de streaming ?

Ça offre une certaine visibilité qui n'est pas négligeable. Pouvoir partager sa musique gratuitement et partout reste le meilleur moyen de se faire connaitre un peu aujourd'hui. Enfin je pense. 

Peut-on espérer avoir l'EP en physique dans un futur plus ou moins proche ?

Rien ne me ferait plus plaisir que de tenir mon bébé dans les mains ! Malheureusement, c'est inutile pour l'instant... mais je ne suis pas contre y réfléchir prochainement !

Y aura t'il une suite à Home Alone ?

J'ai quelques nouvelles idées que j'ai maquetté à l'arrache. Je vais voir ce que je peux en faire...


Merci Julien d'avoir répondu à nos questions 



Venez découvrir l'ep 7 titres d'Alista sur Bandcamp, ici


Gian, septembre 2020

jeudi 17 septembre 2020

Album Review : "A Celebration of Endings" de Biffy Clyro (Sortie le 14.08.2020)

Credits Photo : © The Independent

A peine 1 an après “Balance, Not Symmetry”, le trio écossais Biffy Clyro revient avec un album extrêmement diversifié “A Celebration Of Endings”, un disque qui oscille entre riffs frénétiques et ballades rock, le tout infusé d’un message d'espoir.


Au cours de leurs 3 premiers albums, les musiciens originaires de Kilmarnock lorgnaient du côté d’un post-hardcore distordu mais suffisamment contagieux pour leur assurer une présence régulière au line up des plus grands festivals. Prenant un plaisir presque pervers à marier ses doux crochets à des signatures musicales discordantes, des riffs curieux et des paroles déroutantes, Biffy Clyro semblait être condamné à évoluer en marge. A ce moment de leur carrière, qui aurait pu prédire l’immense succès de leur album “Puzzle”, sorti en 2007 ?

Depuis, les écossais ont creusé leur sillon, lorgnant du côté de ce que l’on appelle communément « le rock de stade » tout en conservant leur penchant pour les expérimentations. Ainsi, le tentaculaire et cinématographique “Balance, Not Symmetry” sorti en 2019 a permis à Biffy Clyro de revenir sur le devant de la scène musicale et médiatique. Prenant la suite, ce “A Celebration Of Endings” et ses 11 titres nous proposent ce qui probablement l’oeuvre la plus réussie du groupe depuis “Only Revolutions” en 2009.

Credits Photo : © Flickr

La thématique de l'effondrement de notre société moderne semble avoir inspiré Simon Neil dans l’écriture de ses textes, puisqu’ils revêtent ici un aspect bien plus philosophique, voire introspectif. Dans ceux-ci, le parolier écossais nous exhorte à surpasser le contexte anxiogène de notre société contemporaine, à apprendre de nos erreurs, à agir et à repartir sur de nouvelles bases. Et comme c’était déjà le cas pour l’album de Protomartyr*, c’est d’autant plus fascinant que cet album a été écrit avant l’arrivée du Covid-19 et l’avènement des mouvements sociaux et politiques dans de nombreux pays à travers le monde (Biélorussie, Algérie…).


Si la lumineuse piste d’ouverture “North Of No South” - dont l’instrumentation et les chœurs peuvent dérouter de prime abord - bouscule d’emblée l’auditeur, l’application et l’énergie mises dans le travail des guitares et de la batterie font rapidement oublier cela et nous incitent à penser qu’il s’agit d’un futur classique du groupe, avec notamment des riffs que Muse ne renierait guère. Cette orientation très rock se poursuit sur le titre suivant “The Champ” mais aussi sur la féroce “Weird Leisure” et “The Pink Limit”, qui recelle des lignes de guitare sensationnelles, une rythmique endiablée et des choeurs harmonieux, tandis que “Space” se révèle être une chanson d’amour tendre, qui met en exergue le côté acoustique du trio.

Credits Photo : © The Forty Five

La ballade passionnelle “Opaque” est également un moment fort de ce disque, portée par l’interprétation et les textes de Simon Neil, tandis que le single “Tiny Indoor Fireworks” et la ballade “Worst Type Of Best Possible” sont des petits bijoux aux textes empreints de spiritualité, que “End Of” canalise un post-punk gothique et sauvage. Quant aux textes écrits par Simon Neil, ils ont une importance capitale dans la réussite de ce disque. A titre d’exemple, le « Fuck everybody, woo ! Fuck everybody, woo ! » de la piste de clôture “Cop Syrup”... Rarement un cri du coeur tel que celui-ci n’aura semblé aussi symptomatique du mantra transgressif développé par Biffy Clyro depuis plus de 2 décennies.


“A Celebration Of Endings” est un album qui cultive les extrêmes et qui rend justice à l’identité ambivalente de Biffy Clyro. Non seulement il fait des incursions dans des territoires sonores inexploités par le groupe jusque là, mais il parvient également à maintenir la flamme allumée en assumant pleinement l’héritage des disques précédents. De “Instant History”, une transe apocalyptique rappelant Bring Me The Horizon, à la fusion classique/metal de “Cop Syrup”, nous avons à faire à une oeuvre expérimentale, variée, amusante et captivante, véritable ode lumineuse et explosive à l’introspection.


La Note de Manu : 8/10
© Pochette de l'album "A Celebration of Endings" de Biffy Clyro (Sortie le 14.08.2020)

“A Celebration Of Endings” de Biffy Clyro, LP 11 titres sorti le 14 août dernier chez 14th Floor Records / Warner Records

Tracklist : 

1. North Of No South (4:05)

2. The Champ (3:37)

3. Weird Leisure (4:08)

4. Tiny Indoor Fireworks (3:16)

5. Worst Type Of Best Possible (3:50)

6. Space (3:56)

7. End Of (4:37)

8. Instant History (3:31)

9. The Pink Limit (3:55)

10. Opaque (4:07)

11. Cop Syrup (6:17)



https://www.youtube.com/playlist?list=OLAK5uy_kJ1wxL6SuL4huCcRsRSO__LcOpZ3lQpDE


Credits Photo : © The Sun


*NDLR : Chroniqué ici => https://rockalternativenews.blogspot.com/2020/09/album-review-ultimate-success-today-de.html



Manu de RAN

jeudi 10 septembre 2020

Album Review : "Ultimate Success Today" de Protomartyr (Sortie le 17.07.2020)

Credits Photo : © Mowno

Trois ans après son dernier album “Relatives In Descent”, Protomartyr est de retour avec 10 nouveaux titres qui feront date. Les 4 premiers albums du groupe post-punk originaire de Detroit offraient un condensé des problématiques contemporaines aux Etats-Unis : guerres, gentrification, trafic de drogue, suprématie blanche, hégémonie patriarcale... Le 5ème - “Ultimate Success Today”, sorti le 17 juillet dernier - semble répondre aux 2 fléaux majeurs de l’Amérique de Trump : la pandémie de COVID-19 et la brutalité policière récurrente envers la communauté afro-américaine. L'apocalypse sera-t-elle « une maladie étrange qui se répand comme une traînée de poudre sur la plage », s’interroge le chanteur Joe Casey dans “Processed By The Boys”, dans son chant tremblant caractéristique, ou « une émeute dans les rues » ?


Un texte qui a une résonance particulière dans le contexte sanitaire et politique actuel. Et pourtant, cet album a été écrit plus d’1 an avant que la pandémie ne se déclenche. Comme d'habitude, ses paroles évoquent une réalité sombre et ne se contentent pas de parler de l’instant présent.

Les « boys » évoqué dans cette piste pourraient aussi bien être des monstres issus de “The Punisher” que des milliardaires de la Silicon Valley ou des esclaves de ce système capitaliste que Joe Casey n’a de cesse de dénoncer depuis ses débuts. La cacophonie qui habite les 1ers morceaux du disque laisse augurer une oeuvre au diapason des productions précédentes du groupe américain.

Credits Photo : © Domino Records

Protomartyr a toujours maîtrisé le fait de raconter ses histoires à travers un style post-punk bruyant, sombre et claustrophobe. Mais sur cette dernière sortie, probablement la plus ambitieuse du groupe, ce talent est exacerbé, comme affiné au fil du temps. Enregistré dans une ancienne église de l’État de New York et coproduit avec David Tolomei - qui a officié précédemment aux côtés de Girlpool & Beach House - Protomartyr trouve un bel équilibre sur “Ultimate Success Today”, imprimant sa patte habituelle - faite de lignes de basse palpitantes, de guitare réverbérée moite, d’une batterie syncopée et du chant typique de Joe Casey - tout en explorant un territoire sonore plus profond et bien plus sombre.


Après avoir expérimenté l’ajout d’une clarinette, d’un alto et d’un violoncelle sur son EP de 2018 “Consolation”, le groupe explore désormais de nouvelles facettes de son identité musicale en proposant des instruments à vent sur de nombreux morceaux, à l’instar de “Tranquilizer” qui voit les improvisations de saxophone de Jemeel Moondoc renforcer le refrain et les guitares Sonic Youth-ienne de la chanson. Tandis que le même Jemeel Moondoc renforce la ligne mélodique de “The Aphorist”, “June 21” propose une fusion du rythme tranquille de Nandi Rose avec le chant de baryton de Joe Casey.

Ce n’est pas un hasard si ce dernier s’est fait un nom en tant que parolier, tant ses textes sont, comme toujours, riches en références historiques, littéraires et mythologiques. Ainsi, le « Zephyr jaune » évoqué dans “June 21” fait aussi bien référence au véhicule Ford du même nom - et plus globalement, à l'industrie automobile omniprésente à Detroit - qu’à Zephyros, la divinité du vent évoquée dans “L’Iliade” d’Homère et dans la mythologie grecque.


Sur “Worm In Heaven”, l'album se rapproche de ce que Protomartyr fait de mieux, l’apport de la clarinette et du saxophone d’Izaak Mills ouvrant la voie à l'air le plus beau et le plus désabusé que le groupe post-punk ait proposé depuis ses débuts. Dans ce disque, Joe Casey traite peut-être des thématiques les plus personnelles et introspectives de sa carrière. C’est certes sombre, même pour un gars qui a déjà écrit une chanson inspirée de “The Anatomy of Melancholy”.

Credits Photo : © The Line of Best Fit

Pourtant, le groupe américain parvient ici à sublimer ses travaux précédents. Ayant déjà sondé les profondeurs de la douleur intérieure qui l’habite, Protomartyr pousse ses expérimentations encore plus loin avec “Ultimate Success Today” et parvient - grâce à ses instrumentaux envoûtants - à nous proposer un disque au son beaucoup plus riche et classieux et nous dépeint un univers dystopique porté par le chant étouffé - entre colère et désespoir - de Joe Casey, à la limite du gémissement. Réjouissante par ses pistes efficaces comme “Michigan Hammers” et séduisante par ses moments mélancoliques, doux et ténébreux en même temps - à l’instar de “The Aphorist” - “Ultimate Success Today” s’annonce comme une oeuvre qui comptera au sein de la discographie de l’un des groupes post-punk les plus injustement mésestimés de notre époque.


La Note de Manu : 8.5/10
Pochette de l'album "Ultimate Success Today" de Protomartyr (2020)

“Ultimate Success Today” de Protomartyr, LP 10 titres sorti le 17 juillet 2020 chez Domino Records

Tracklist :

1. Day Without End (3:16)

2. Processed By The Boys (5:06)

3. I Am You Now (3:13)

4. The Aphorist (3:44)

5. June 21 (4:37)

6. Michigan Hammers (4:01)

7. Tranquilizer (3:09)

8. Modern Business Hymns (4:15)

9. Bridge & Crown (4:22)

10. Worm In Heaven (4:30)




Credits Photo : © Darkroom



Manu de RAN