samedi 26 septembre 2020

Album Review : "Ohms" de Deftones (Sortie le 25.09.2020)

Credits Photo : © Metal Zone


Sortant de la pandémie comme un phénix renaît de ses cendres, Deftones publie son 1er album depuis “Gore” en 2016, et cette sortie, combinée à celle du “Ultra Mono” d’IDLES* me fait dire que finalement, 2020 n’est pas une si mauvaise année. OK, c'est toujours une année de merde mais avec ces 2 albums pour nous chatouiller les esgourdes, ça va quand même bien mieux… Ce disque “Ohms” largement teasé par le chanteur Chino Moreno est déjà le 9ème album studio du pionnier du nu-metal américain en 32 ans de carrière.


La dernière fois que Deftones a collaboré avec le producteur Terry Date - l’homme connu pour avoir dirigé les 4 premiers albums du quintet californien, mais aussi pour avoir produit Soundgarden dans ses plus belles heures - c'était en 2008. Le fruit de leur travail commun s’appelait “Eros” et n’est jamais arrivé jusqu'à vos oreilles. Car l’enregistrement a été interrompu à la suite de l’accident de voiture qui a laissé le bassiste Chi Cheng dans le coma*.

Credits Photo : © Metal Injection


Il est donc probable qu’entrer à nouveau dans le studio de Terry Date a été à la fois douloureux et cathartique pour les membres survivants de Deftones. D’ailleurs, bien que cette émotion ne se retrouve pas explicitement dans les textes, cet album sonne comme un gigantesque exutoire pour Chino Moreno et sa bande. C’est lourd, à la fois brutal et émotionnel et cela nous confirme que - parfois - de telles émotions peuvent être bien plus révélatrices et libératrices que n’importe quelle thérapie. Nous en avions eu l’exemple précédemment avec les pionniers du synth-punk new-yorkais Suicide ou avec My Bloody Valentine.


Pour ce disque aussi beau que bruyant, Chino Moreno s’est volontairement mis en retrait afin de laisser davantage de liberté dans l’écriture au guitariste Stephen Carpenter, ainsi qu’au batteur Abe Cunningham. Il s’agit d’une démarche plus que bienvenue car la richesse de Deftones réside également dans la confrontation des univers créatifs de ses membres. Il semblerait même qu’un journaliste américain ait un jour décrit Carpenter comme un “Morrissey à la Meshuggah”. Passé le mauvais goût de cette comparaison douteuse, il me faut reconnaître que cela fait du bien d’entendre à nouveau un disque où Deftones propose un son aussi massif qu’un bloc de béton et aussi furieux qu’une hyène enragée.

Credits Photo : © Metal Sucks

Après cette longue pause, il se dégage de cet opus une sorte de grâce inexplicable. Au milieu du disque, “Pompeji” émousse autant qu'il rugit et présente une ligne de chant parmi les meilleures de l’histoire du groupe. Mais on retrouve tout de même le son affreux, sale et méchant des Deftones. Des titres comme “The Link Is Dead” et - surtout - “Ceremony” proposent une ligne de guitare des plus vénéneuses qui pulvérisera sans difficulté la concurrence. Tous ces éléments font de “Ohms” un album terriblement actuel, et en même temps ancré dans le passé. En effet, un morceau comme “Error” semble avoir été créé pour dérouter l’auditeur et rappelle fortement certaines oeuvres de Sonic Youth. De même, “Radiant City” et son riff bégayant aussi crade que des toilettes publiques aurait pu facilement enflammer la piste de danse d’un club de rock dans les années 90.


Cette année 2020 est probablement le moment idéal pour publier ce disque car ce n’est pas une année propice à la beauté. Ces chansons sont aussi « laides », défigurées et sombres que nouvelles. Un peu à l’instar de notre monde actuel. Aussi stérile que nos espoirs douchés par l’arrivée du COVID. Pourtant, curieusement c’est aussi cet aspect qui fait que j’aime tant ce disque. Sans doute parce que je n’attendais plus grand chose de la part des Deftones, si ce n’est de belles rééditions d’albums qui ont forgé la légende du groupe de Chino Moreno...

Et pourtant, plus de 20 ans après le boom du nu-metal qui a propulsé Deftones sur le devant de la scène, tenter de catégoriser la musique du quintet n’a jamais semblé aussi hasardeux. Nous retrouvons ici des effluves de Papa Roach & de Limp Bizkit mais aussi un côté terriblement moderne. C’est peut-être cela le plus grand tour de force de cet album : se tourner vers l’avenir, ne pas se complaire dans le présent, et ne jamais regarder dans le rétroviseur.


On imagine que le premier jour en studio avec Terry Date aurait pu être profondément douloureux et compromettre la réussite de ce disque. Il semble au contraire cela se soit révélé cathartique, que cela ait permis au groupe de s’ouvrir au monde et de donner la pleine mesure de la rage qui l’habite depuis plus de 3 décennies. De l’intro Pink Floydienne de “Genesis” aux riffs sales de “Ceremony”, les retrouvailles du groupe avec le producteur Terry Date aboutissent à un album plus passionnant et émouvant que jamais. Avec “Ohms”, Deftones consolide définitivement son statut de groupe de metal le plus intéressant et le plus surprenant au monde. Incontestablement l’un des Must Have de l’année !


La Note de Manu : 9.5/10
Pochette de l'album "Ohms" de Deftones (sortie le 25.09.2020)

“Ohms” de Deftones, LP 10 titres sorti le 25 septembre 2020 chez Reprise Records / Warner Music

Tracklist :

1. Genesis (5:17)

2. Ceremony (3:28)

3. Urantia (4:30)

4. Error (4:50)

5. The Spell Of Mathematics (5:28)

6. Pompeji (5:26)

7. This Link Is Dead (4:37)

8. Radiant City (3:35)

9. Headless (4:59)

10. Ohms (4:10)



https://www.youtube.com/playlist?list=OLAK5uy_mZprjFJIuHokkJXb-jZYkpzJXDE5sJryk

Credits Photo : © Metal Injection



*NDLR : Dont Nayl vous parlera très prochainement


*NDLR : Coma dont il ne sortira jamais. Il décédera d’un arrêt cardiaque en avril 2013, à l'âge de 42 ans.




Manu de RAN

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