mardi 26 novembre 2019

Album Review : "Thanks For The Dance" de Leonard Cohen (Sortie le 22.11.2019)

Credits Photo : © Ouest France
Après avoir terminé son album “You Want It Darker”, publié seulement 19 jours avant son décès le 07 novembre 2016, Leonard Cohen songeait toujours à ajouter un nouveau tour de force à sa discographie pléthorique. Ainsi, alors que la flamme de la vie s'éteignait progressivement en lui, il continua néanmoins à écrire et à enregistrer. Le résultat en est un magnifique disque posthume, intitulé “Thanks For The Dance”, sorti le 22 novembre dernier.
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Deux ans après l’excellent “You Want It Darker”, le dernier disque du Maestro est donc enfin disponible... Son fils - le compositeur Adam Cohen - est parvenu à regrouper une magnifique myriade de musiciens - tels que Daniel Lanois, Jennifer Warnes et le guitariste espagnol Javier Mas (entre autres) - afin de rendre justice aux enregistrements fragmentaires et inachevés de son père. Que celles & ceux qui craignaient que le fiston ne parvienne à transmettre l'héritage de son père dans cet album se rassurent : chaque piste a le poids d'une oeuvre aboutie et non d'une pensée inachevée.
Credits Photo : © Evening Standard
Pourtant, l’instrumentation rare et sublime ne détourne jamais l’attention de la voix inimitable de Leonard Cohen, qui est luxuriante, impassible, chaleureuse et poétique, avec un soupçon de fragilité qui ajoute une substantifique moelle à cette déclaration finale. La voix de celui-ci - aggravée par « 50.000 cigarettes et plusieurs piscines de whisky », selon le principal intéressé - résonne comme des mots forts et durs sur tour à tour les thèmes de la sexualité, de la mort, de la foi, de la politique et du système capitaliste.
Credits Photo : © New York Times
Portée par le piano atmosphérique de son compatriote Daniel Lanois, l'ouverture personnelle et légèrement triste “Happens To The Heart” raconte la carrière du Canadien avec humilité et fatalisme - « Je travaillais toujours de façon constante, mais mon oeuvre je ne l'appelais jamais “art”... » - tandis que d'autres chansons traitent des imperfections de l'être humain, dont certaines sont exposées dans le documentaire “Marianne & Leonard : Words Of Love” (à paraître prochainement). En définitive, Leonard Cohen fait le bilan de ses relations passées et se montre assez critique.
Credits Photo : © Consequence Of Sound
“Puppets” lutte puissamment avec le monde que le songwriter canadien quitte, en comparant le fascisme (« les marionnettes allemandes ont brûlé les juifs ») et la politique étrangère récente (« les présidents commandent aux troupes de marionnettes de brûler le pays »). Allusion à peine voilée au voisin de la patrie de naissance de Leonard Cohen, dont le Président - Donald Trump - bouleverse les conceptions traditionnelles de la diplomatie. Comme celles de Marvin Gaye et de Prince, l’œuvre de Cohen cherche à réconcilier le spirituel et le sensuel, 2 aspects qui reviennent de façon récurrente dans son oeuvre.
Credits Photo : © France Info
Javier Mas contribue magnifiquement au titre “The Night Of Santiago” - ballade itinérante qui parle de sexe - aux côtés du guitariste flamenco Carlos de Jacoba, de Daniel Lanois, de la légende Beck mais aussi du bassiste d'Arcade Fire, Richard Reed Parry. Quant à “It’s Torn”, elle me rappelle l’hymne de Cohen au nom prédestiné “Anthem”, exécutée avec une voix tremblante et accompagnée d’un piano majestueux. Dotée d’un tempo funèbre, elle évoque la politique à mots à peine couverts : « C’est déchiré à droite et c’est déchiré à gauche... c’est déchiré au centre, ce que peu de gens peuvent accepter... ». Dans la piste-titre “Thanks For The Dance”, Leonard Cohen semble formuler un adieu, tant à son public et qu’à son entourage. Alors que le rythme ralentit et que les voix forment une sorte de chorale paradisiaque, “The Hills” se moque de son corps vieillissant (« Le système est abattu… Je vis grâce à des pilules ») et l'étourdissant “The Goal” le trouve « presque vivant » et « règle les comptes de son âme ».
Credits Photo : © Pitchfork
En fin de compte, les chansons les plus obsédantes sont les plus courtes. Avec “Thanks For The Dance”, Leonard Cohen nous livre une œuvre posthume aussi vivante, stimulante et essentielle que tout ce qu’il a produit de son vivant. Attention, ce testament musical est de taille à vous briser le coeur, à l’instar de ce que fait si bien un artiste comme Nick Cave, même si ce dernier évolue dans un registre sonore différent. L'Histoire retiendra que le dernier poème enregistré par Leonard Cohen - “Listen To The Hummingbird” - nous implore de trouver la beauté en Dieu et dans les oiseaux. Et enfin, un vaste silence... qui vient clôturer cette oeuvre crépusculaire magistrale et nous rappelle combien Leonard Cohen va nous manquer. So long, Leo…


La Note de Manu : 8.5/10
Pochette de l'album "Thanks For The Dance" de Leonard Cohen
“Thanks For The Dance” de Leonard Cohen, LP 09 titres sorti le 22 novembre 2019 chez Legacy Recordings / Columbia Records

Tracklist :
1. Happens To The Heart (4:33)
2. Moving On (3:12)
3. The Night Of Santiago (4:15)
4. Thanks For The Dance (4:13)
5. It’s Torn (2:58)
6. The Goal (1:12)
7. Puppets (2:40)
8. The Hills (4:18)
9. Listen To The Hummingbird (2:01)


Credits Photo : © Everything Zoomer


Manu de RAN

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