mercredi 25 novembre 2020

Album Review : "III" de Fuzz (Sortie le 23.10.2020)

Credits Photo : © Mowno

À moins d’une surprise de dernière minute, 2020 marquera simplement la 2ème année - depuis ses débuts en 2008 - sans album solo de Ty Segall. Pour autant, le rockeur californien n’est pas resté inactif cette année. En effet, il a sorti un album avec son nouveau projet noise rock Wasted Shirt - réalisé en collaboration avec Brian Chippendale de Lightning Bolt - et a aussi enregistré un EP de reprises de Harry Nilsson. Et cerise sur le gâteau, il était de retour le 23 octobre dernier avec un 3ème album de son trio power rock psychédélique Fuzz, sobrement baptisé “III”.

Après avoir sorti successivement 2 albums en très peu de temps, Fuzz semblait lancé mais ses membres ont éprouvé le besoin de prendre leur temps. Ainsi, après avoir beaucoup expérimenté dans “First Taste”, son album solo de 2019, Ty Segall - et donc Fuzz - marquent leur retour à la musique rock brute alimentée par la guitare de Charles Moothart, la basse de Chad Ubovich et la batterie de Ty Segall.

Credits Photo : © Denee Petracek

Avec “III”, 5 ans après sa dernière production, on a le sentiment que Fuzz a la volonté d’appuyer sur le bouton de réinitialisation et de repartir sur les bases qui ont réuni ses membres à l’origine. En effet, sur leur double album “II” en 2015, Ty Segall, Charles Moothart et Chad Ubovich ont étiré et « bidouillé » leur son proto-métal dans toutes les directions, tandis que sur “III”, tout reprend sa forme d’origine. Contrairement aux dernières productions de Segall, vous ne retrouverez ici aucune fioriture psychédélique orientale, pas d'arrangements de cordes, pas d’incursion vers le space-jazz. Même la voix revient à sa plus simple expression.


Ici, l’accent est mis sur les forces élémentaires du trio : des riffs de la taille d'un brontosaure, un chant acéré et les mélodies acides de Ty Segall, dont aurait très bien pu accoucher John Lennon s’il s’avait collaboré avec Tony Iommi de Black Sabbath et Bobby Liebling de Pentagram au début des années 70. Avec “III”, nous avons à faire à un album de Ty Segall mais avec un fond plus costaud, plus méchant, où le mélange de grunge et de Big Star du titre “Spit” mais aussi la très punk & Thin Lizzy-ienne “Mirror” trouveront aisément leur place au milieu de “Break a Guitar” & “She” au panthéon des chansons les plus teigneuses et les plus rebelles du stakhanoviste californien.


D’ailleurs, “III” ressemble davantage au prolongement de “Deforming Lobes”, le disque live de Ty Segall sorti en 2019, qu’à du Fuzz. Et comme “Deforming Lobes” nous l'a prouvé l’an passé, lorsqu'il s’agit de capter l’énergie d’un groupe dans son style le plus brut et le plus primitif, personne ne vaut le vénérable producteur Steve Albini, qui parvient à merveille à capturer la personnalité, l’essence et la nature insolente du trio.

Credits Photo : © Mix Online

Même si Fuzz se délecte de nous proposer cette forme d’agression amplifiée, l’énergie du trio est finalement plus malicieuse et subtile qu’il n’y paraît. Ainsi, la piste d’ouverture “Returning” est à la fois réconfortante et complexe. Sur “Nothing People”, le trio nous propose un rythme propulsif qui rappelle Can, avant de se confronter à un boogie que Grand Funk Railroad n’aurait guère renié. Et même lorsque Fuzz semble proche de sombrer dans un blues-rock un peu convenu - comme dans l’intro de “Time Collapse” - les musiciens déploient tout leur arsenal pour le bousculer, qu’il s’agisse des exultations vocales de Ty Segall, des rythmes agités de Chad Ubovich ou des riffs extravagants de Charles Moothart.

Credits Photo : © Robot Butt

Le travail du producteur Steve Albini apporte vraiment un punch viscéral à cet effort, permettant aux solos de Charles Moothart d’être valorisés par la section rythmique qui gronde en arrière plan. Et là où “II” voyait sa piste-titre dériver dans l’inconnu pendant plus de 13mn, “III” se conclue sur un morceau de 7mn - “End Returning” - qui capture l’essence même du son de Fuzz, largement influencé par Black Sabbath, mais qui culmine également lors de ses incursions dans le rock progressif et le hardcore, avant de se transformer en un garage punk vicieux pour une fin de disque vénéneuse et fiévreuse.


Sur son 1er album en 5 ans, le trio de Ty Segall revient à ses fondamentaux, un rock stoner familier aux accointances power metal. Mais contrairement à ses 2 sorties précédentes, Fuzz embrasse cette fois pleinement le son simple mais efficace du hard rock de la fin des années 60 et du début des années 70. Porté par les performances vocales féroces de Moothart et Segall, qui portent en elles l’ADN de ce disque, “III” sonne live et organique, et nous propose également une multitude de moments instrumentaux mémorables, de “Spit” à “End Returning”. Cette fois, c’est sûr… Là où auparavant vous ne pouviez que vous hasarder à effectuer des comparaisons, vous pouvez désormais ériger officiellement Fuzz au rang de successeur n°1 de Black Sabbath et Alice Cooper.


La Note de Manu : 8/10

Pochette de l'album "III" de Fuzz (sortie le 23.10.2020)

“III” de Fuzz, LP 8 titres sorti le 23 octobre 2020 chez In The Red Records

Tracklist :

1. Returning (3:02)

2. Nothing People (3:28)

3. Spit (2:45)

4. Time Collapse (6:12)

5. Mirror (2:55)

6. Close Your Eyes (4:41)

7. Blind To Vines (5:12)

8. End Returning (7:45)



Credits Photo : © Chris Rod

Credits Photo : © Pop Press International


Manu de RAN

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire