dimanche 8 novembre 2020

Hommage : 5 ans... Ode aux "Enfants Paradis" / 13.11.2020

Credits Photo : © DarkRoom

5 ans… Voilà 5 ans jour pour jour que des dizaines, des centaines de familles ont été endeuillées par des individus défendant une idéologie haineuse aussi obscure que les tréfonds de l’âme humaine. 5 ans que la Communauté des mélomanes a été frappée en plein coeur. Pour commémorer cet événement tragique, j’ai choisi de vous proposer un texte inédit et intime librement inspiré de différents écrits publiés depuis les attentats du Bataclan. Ecrits qui m’ont permis de trouver la lumière au milieu de la noirceur de cette atteinte intolérable à la vie humaine...

Bonne lecture !




« Mon Ami,

Malgré la tristesse infinie et l’émotion indicible qui étreignent mon coeur, je me sens enfin prêt à te dire ce que je ressens.

Ce vendredi soir, tu es entré dans cette salle historique et tu t’es époumoné. Tu as chanté, crié, braillé diraient même certain(e)s. Tu as crié à t'en esquinter la gorge et à en perdre haleine. Aujourd’hui, tu n’as plus de voix. Ce vendredi était un soir de concert comme les autres. Ou presque… Comme souvent, je ne compte plus le nombre de fois où tu m’as enjoint de t’accompagner pour découvrir en live ce groupe que tu appréciais tant. Je ne compte plus le nombre de fois où tu m’as dit que ce serait mon cadeau d’anniversaire car « voilà plus de 10 ans que je pense à toi en cette journée, et que j’oublie de te montrer combien ces marques d’affection sont importantes » disais-tu. Chaque jour depuis 5 ans, je compte le nombre de fois où j’ai décliné ton invitation : 1 seule et unique fois. La seule fois où j’ai refusé ce type de proposition. Tu as fini par comprendre ma décision ou au moins, la respecter. Pourtant, je m’en repentirai toute mon existence...


Ce vendredi soir, tu as laissé la musique t'emporter. Tu étais en transe, tellement tu l’attendais ce concert des Eagles Of Death Metal. Vous étiez toutes & tous là, collés, criants, suants, des sourires jusqu'aux oreilles. Une joie indicible enveloppait vos corps et la musique vous enchantait. Puis il y a eu une décharge, une explosion puis un hurlement. Le genre de décharge qui rompt le charme, qui brise le rythme et glace le sang. C'était un artifice supplémentaire, dissonant, un son en plus de la musique, qui sonnait un peu faux. Tout s'est tu. Les instruments ont cessé de résonner, les cris sont devenus muets. Tu étais essoufflé, et désorienté. Et ce bruit anxiogène a retenti de plus belle. Tu as entendu des cris perçants, comme des appels au secours. Sans doute en as-tu prononcé toi-même… Mais comment le saurais-je ? Car pour la première fois, je n’étais pas avec toi.


Credits Photo : © Boris Allin

Il faisait tellement chaud et pourtant, vous aviez si froid. Les décharges sont devenues de plus en plus rapprochées, et s'enchaînaient… Vous vous êtes couchés. Le sol semblait trembler mais en réalité, c’était vous qui trembliez. Les coups de canon ne s'arrêtaient pas de chanter. C'était un autre concert, des notes que nous n’aurions jamais voulu entendre, accompagnées de paroles audibles qui n'étaient que des râles agonisants, des plaintes affreuses. Mon Ami, tu as toujours aimé la musique et la découvrir. Mais pas celle-ci… Moi, au contraire, je n'ai pas eu le temps de comprendre l’ampleur de la perte et la détresse que tu as ressentie. Tu ne m’en as pas voulu, tu n’en as pas eu le temps, car ils t’ont froidement assassiné. Pour la simple raison que vous représentiez et défendiez les valeurs que ces fanatiques religieux exècrent.


Credits Photo : © DarkRoom

Vous n’étiez pas des guerriers mais vous êtes malgré tout tombés au combat. Vous aviez le coeur rempli d’amour, vous ne formiez qu’un cœur qui bat. Vous étiez des familles, des enfants, vous étiez des amis, vous étiez des parents. Vous êtes des enfants du Bataclan. Vous étiez la joie et la non violence, vous étiez des enfants de la France. La voix au téléphone me l’a dit mais pourtant, je ne veux toujours pas y croire, j’en étais persuadé : tu étais en vie… Tu étais beau, tu étais un sourire, tu étais des sanglots. Tu étais la vie. Désormais, tu es l’étoile qui brille dans le ciel de ma nuit.


Ils n’ont pas compris la douleur que nous avons ressentie lorsqu’ils vous ont ôté la vie. Comment le pourraient-ils ? Pour eux, la vie humaine n’a pas plus de valeur que celle d’un insecte… Malgré la tristesse infinie lorsqu’approche la date de ton anniversaire ou la douleur qui saisit mon cœur à chacun de mes passages au Bataclan, je ne peux m'empêcher d'avoir ce petit rictus… En tirant sur toi, le plus solaire de mes amis, ils pensaient t'avoir tué. Pauvres fous ! Ils t’ont rendu immortel car aujourd’hui, au même titre de celles & ceux fauché(e)s avec toi au Bataclan ce 13 novembre 2015, ta flamme ne s'éteindra jamais, elle vit en moi, elle brûle en chacun de nous.


Une maxime populaire dit : "Tant qu'il y a de la vie, il y a de l'espoir". Je rajouterai : "Tant qu'il y aura de la musique, il y aura de la vie". Par souci des conventions, des regards complaisants, je ne te l'ai jamais dit... Aujourd'hui, je me sens prêt : Je t'aime.


Ils ont fait chanter leurs balles contre le Bataclan pour la simple et bonne raison que vous étiez là, au mauvais endroit, au mauvais moment. Ils t'ont tué et tu n'entendras plus jamais la musique. 137 autres personnes n'entendront plus jamais la musique.

Mon Ami, ce soir, je viens te dire que tes notes se sont tues mais que la chanson continue. »


Credits Photo : © Bataclan

Librement inspiré du texte de Tess publié sur la page “Fuck It” le 15 novembre 2015, du commentaire d'un(e) internaute sur l'édito du New York Times daté du 14 novembre 2015, ainsi que des paroles de la chanson de Saez, “Les Enfants Paradis”.


Ce texte est dédié à la mémoire des victimes des attentats du 13 novembre 2015 à Paris & Saint Denis, ainsi qu’à leurs familles. Nous ne vous oublions pas ! Je voudrais également avoir une pensée particulière pour celles & ceux qui ont perdu un(e) proche durant cette sombre journée.

Dessin : © Dadou


Credits Photo : © Groland


Credits Photo : © Life in Paris


Manu de RAN

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