En ce jeudi 5 mars pluvieux, retour à La Maroquinerie qui
décidément continue de nous abreuver d’artistes intéressants. Ce soir il s’agit
d’Algiers, le groupe américain politiquement engagé qui vient de sortir son
troisième album « There Is No Year ». Nous avions vu pour la première
fois le combo d’Atlanta en première partie de Depeche Mode au Stade de France en
juillet 2017, et avouons-le noue n’avions pas été convaincus par la prestation
dont nous ne gardions d’ailleurs pas un souvenir précis. C’est finalement
l’écoute du dernier album qui nous a conduit à venir les voir dans une autre
ambiance que celle d’un stade. La Maroquinerie nous semblait en effet plus
appropriée à cette musique pour laquelle la proximité avec les musiciens peut
réellement faire la différence. Et bien nous en a pris comme la suite de la
soirée nous le montrera. Du coup nous savions que quelques jours avant la date,
le concert n’était pas sold out. Cela se confirmait au moment de l’ouverture
des portes par la présence d’un public un peu clairsemé. Bon la salle finira
par se remplir correctement avec, c’est ce qu’on peut se dire, un public de
fins connaisseurs de musique non conventionnelle et non commerciale, ce n’est
finalement pas plus mal parfois.
C'est à un peu plus de 20h que la chanteuse Esya fait son
apparition sur scène de façon très discrète. Elle est entourée de claviers et
machines électroniques et vient armée d’une basse. Il s’agit en fait de Ayse
Hassan la bassiste des Savages. Elle concocte une musique électronique sur
laquelle elle chante, plutôt bien, certains titres pouvant faire un peu penser
à Bjork. Mais c’est lorsqu’elle s’empare de sa basse que sa musique est la plus
intéressante, dommage qu’elle ne l’ait pas fait plus souvent.
Vers
21h ce sont Ryan Mahan, le bassiste/claviers, et Lee Tesche, le guitariste qui
s’est pour le moment emparé d’un saxophone, qui investissent la scène pour une
longue intro de musique electro/industrielle je dirais, avant d’être rejoints
par leur deux compères, le batteur Matt Tong et par le frontman Franklin James
Fischer, chanteur multi-instrumentiste. Et le set commence par une version
quasi méconnaissable, si ce n’est la rythmique, de la chanson « There Is
No Year », suivie de « Black Eunuch » une chanson de leur
premier album. Le concert commence doucement, mais ira crescendo tout au long
de la soirée. Et la tension monte d’un cran avec « Walk Like A
Panther », cette fois issue du second album. Franklin s’adresse au public
dans un français impeccable, sans accent, et utilise les phrases qu’il vient de
prononcer en tant que samples avant d’entamer la chanson suivante « The
Underside of Power ». Vient ensuite la fabuleuse soul électronique de
« Dispossession », une de mes chansons préférées du groupe, qui ne
nous déçoit pas en live où elle garde tout son pouvoir évocateur. On aurait
aimé que les chœurs gospels soient présents. Le groove de cette chanson est
incroyable et le plaisir à ce moment est intense dans le public, on peut le
sentir.
Et le
plaisir continue puisque c’est le tour de l’autre titre des plus prenants, toujours
issu du dernier album, « The Hour Of The Furnaces » qui tient lui
aussi toutes ses promesses en nous embarquant complètement avec toutes ses
boucles fabuleuses enregistrées en live par Franklin. Après un « Hymn For
An Average Man’ loin d’être moyen, Algiers nous assène son presque punk, teinté
de gospel, « Void », titre rageur hyper efficace qui soulève
l’enthousiasme du public. Le groupe enchaîne ensuite avec une reprise bien
sentie des The Make Up « Born On The Floor ». Le petit détail qui tue
c’est que, comme Ftanklin n’a pas écrit les paroles, il n’arrive pas à s’en
souvenir et devra s’aider d’un smartphone pour les chanter. Bon nous ne
comprenons pas vraiment parce que l’essentiel des paroles est ‘Born on the
floor’ … Retour au dernier album avec « We Can’t Be Found », chanson
rock, simple, dans laquelle la tension mais aussi l’âme sont palpables, qui
passe très bien en live. Franklin enregistre ensuite quelques samples avant
d’entonner la chanson aux fabuleux accents soul « Cleveland », qui
nous prend vraiment aux tripes.
Le concert depuis le début ne fait que monter en puissance et le public est de plus en plus transporté par cette musique qui ne ressemble à aucune autre, quelque peu inclassable, mais qui, dans la salle de la Maroquinerie, a un impact dingue, on se prend toutes les good vibes dans la figure. Et ça continue avec un « Wait For The Sound » plus électronique et bruitiste, mais tout aussi soul, que la version de l’album. On écoute religieusement tout d’abord, puis la puissance de la fin de la chanson nous fait chavirer. Quelle force évocatrice !
Le set
se termine par « Cry Of The Martyrs » au groove impeccable, puis
“Death March » pendant laquelle Franklin descendra dans la fosse pour y
interpréter une bonne partie de la chanson, non sans avoir lancé quelques
petits messages à caractère politique bien placés. La fin du set est parfaite
avec des musiciens qui maîtrisent totalement leur art. Je suis complètement
conquis comme le reste du public d’ailleurs. Franklin quitte alors la scène,
laissant les autres musiciens terminer la prestation.
Les
applaudissements sont nourris et les musiciens ne tarderont pas à revenir pour
le rappel. Celui commence avec « Unoccupied » titre à la dynamique
parfaite pour nous remettre en selle. Changement de style avec le titre très
punk ‘One Chord » interprété avec le concours d’Esya pour l’occasion. Le
rappel se termine avec « Old Girl » sur laquelle Franklin finira
allongé sur le sol pour mieux en scander les paroles. Le public applaudit avec
chaleur et reste en place. Bien lui en prend car Algiers nous octroie un second
rappel inattendu, les titres ne figure d’ailleurs pas sur la setlist.
C’est la dernière date de la tournée européenne et les musiciens ont visiblement envie de terminer en beauté. Et c’est le cas, tout d’abord avec l’incroyable chanson «The Cycle/The Spiral: Time to Go Down Slowly » et son groove imparable, et enfin pour terminer « But She Was Not Flying ». Après plus de 1h50 d’excellente musique, de merveilleuses vibrations, d’intelligence artistique, le groupe tire sa révérence, nous laissant comblés et certains d’avoir assisté à une des meilleures prestations live de ce début 2020. Algiers parvient à nous envoyer une musique électronique totalement organique, pleine d’âme, loin de la froideur ou l’absence de feeling que ce style de musique peut parfois revêtir. Une sacrée fusion des genres, de la soul, du rock, du punk, du jazz progressif, de l’electro, …, dans une alchimie parfaite qui vous prend aux tripes et vous transporte pendant tout le set.
Vous
l’avez compris cette 2ieme expérience avec Algiers n’aura rien eu à voir avec
la première au Stade de France. Peut être que le groupe d’Atlanta devra se
cantonner aux salles modestes et oublier les stades, ou peut être que le groupe
a tellement progressé qu’il est maintenant en mesure de vraiment vous embarquer
dans son voyage musical. Toujours est-il que nous renouvellerons l’expérience
c’est certain !
Setlist :
There Is No Year
Black Eunuch
Walk Like A Panther
The Underside Of Power
Dispossession
Hour Of The Furnaces
Hymn For An Average Man
Void
Born On The Floor (Make Up Cover)
We Can't Be Found
Cleveland
Wait For The Sound
Cry Of The Martyrs
Death March
Unoccupied
One Chord (avec Esya)
Old Girl
The Cycle/The Spiral
But She Was Not Flying