vendredi 5 juillet 2019

Interview : The Psychotic Monks : “Le live, c’est comme tenter de s’arracher la peau... pour se livrer en totale sincérité”

Venus fêter en grande pompe les 25 ans de l’Asso Sapristi à la MJC Calonne de Sedan - dans les Ardennes - le 13 avril dernier, les Parisiens de The Psychotic Monks - têtes de proue de la nouvelle vague du rock psychédélique et noisy français - ont accepté de forcer leur nature réservée et de répondre à nos questions à l’occasion de la sortie le 29 mars dernier de leur 2ème bijou, “Private Meaning First”. Rencontre avec 4 grands timides pétris de talent...
L'Alternative : Salut les 4 Monks ! L'enregistrement de l'album s'est fait perdu au milieu de nulle part. Était-ce primordial pour vous d'enregistrer cet album loin de tout, coupés de toute civilisation ?
The Psychotic Monks : On ressentait surtout le besoin de briser les cercles dans lesquels on était. Il y a un mouvement dans lequel on est depuis un moment maintenant, on est à la fois tout le temps et jamais vraiment en tournée, car on part presque toutes les semaines et on revient aussitôt dans notre local pour continuer le travail. Il y a du coup peut-être une certaine routine, une certaine posture de sécurité qu’on pouvait avoir avec ce rythme à force, et puis notre local à Saint-Ouen est un peu notre chez-nous, donc il y a aussi un certain confort duquel on voulait s’extraire.
On voulait effectivement s’arracher à ce décor que l’on connaissait bien pour se retrouver à nu, dans un endroit inconnu, hors de notre territoire de confort et de notre contrôle, pour se poser les questions profondes que l’on a besoin de se poser quand on veut travailler sur un nouveau disque, et se confronter à nous-mêmes, sans subterfuges. Le fait d’avoir travaillé à la genèse de ce disque coupés de toute civilisation, dans une maison bien trop petite pour nous 4 et notre matos, n’était pas réfléchi à l’avance. Il s’avère que ça a beaucoup influencé ce disque, mais c’est une conséquence et non un calcul. On n’est pas parti de Saint-Ouen et de cette hyper-sollicitation-agitation humaine dans un but précis, consciemment, pour produire un disque particulier. On est juste parti car on avait besoin, peut-être de se retrouver seuls avec nous-même, et par un concours de circonstances, on s’est retrouvé dans un des endroits les plus isolés qu’on ait connu jusqu’alors. Et forcément, ça a eu des conséquences sur la musique… Mais je ne dirais pas que c’était primordial, ça s’est juste passé ainsi, comme ça aurait pu se passer autrement.
L'album est vraiment chargé au niveau émotion. D’où vous est venue cette inspiration ? Qu'aviez-vous à faire ressortir de manière si subtile ?
On avait sûrement accumulé beaucoup de choses depuis l’enregistrement du dernier. On a vécu des expériences complètement dingues, à la fois libératrices, grandissantes, mais aussi difficiles, et violentes. On a rencontré beaucoup de monde, cette hyper sociabilité est une chance pour les grands timides que nous sommes, mais ça peut aussi avoir quelque chose d’essoufflant. On a vraiment envie d’avoir cette posture de vraie rencontre, d’ouverture, de discussion quand on est en tournée. Après tout, le but c’est de partager quelque chose de fort et de sincère, alors ça nécessite que l’on prenne des risques, que l’on se mette en danger et que l’on se livre, et c’est à chaque fois une expérience forte. Je vois ça comme si on tentait de s’arracher la peau, qui nous cloisonne quotidiennement, pour se livrer en totale sincérité et nudité en public. Souvent, ça fait du bien, mais ça reste assez violent. Et on n’y arrive pas tout le temps…
Ca tient aussi au fait que l’on se pose beaucoup de questions sur le monde dans lequel on vit, que l’on essaie de comprendre ce joyeux - triste - bordel, et peut-être qu’inconsciemment, tout ce que l’on ressent par rapport à l’époque contemporaine, s’accumule et a besoin de sortir, de s’extérioriser.
La musique est vraiment devenue pour nous un exutoire, un moyen de canaliser les émotions et les pensées qui nous traversent, un peu comme une thérapie. Si ça se ressent à l’écoute, ou même si ça permet à une ou deux personnes de se sentir un peu moins seules, un peu plus libres, alors c’est génial…


Êtes-vous conscients que cet album est une véritable oeuvre d'art, tant par la musique que par le visuel. Si on vous dit que pour l'équipede L'Alternative, il vaut un “Kid A” ou un “Amnesiac” de Radiohead chargé de Pink Floyd et de Iggy And The Stooges, que nous répondez-vous ?
On ne peut pas être conscient d’une telle chose, c’est impossible à prendre, une telle comparaison… On peut difficilement se comparer à des groupes qui ont autant bouleversé notre vie et dont on s’inspire. Pour nous, “Kid A” est un chef d’oeuvre, il aura toujours une répercussion sur notre manière d’envisager la musique, comme quelques autres grands disques.
C’est vraiment très cool et encourageant de vous lire, mais non, pour nous c’est impensable, et plus on avance, plus c’est toxique pour nous de se comparer à d’autres groupes.. Qu’on arrive ou pas à un niveau de révolte comparable à ces artistes, ce n’est pas la question. On se dit plutôt que quoi que l’on fasse, on a encore du pain sur la planche, et beaucoup de travail devant nous !
En tout cas si vous avez ressenti quelque chose comme ça, c’est un immense compliment. Que l’on ne pourra pas digérer !...
Depuis vos débuts, vous enregistrez vos albums sur un 8 pistes à bandes. L'analogique est-il vraiment important pour vous ?
Il doit y avoir un petit quiproquo quelque part car malheureusement, on n’enregistre pas encore sur de vraies bandes… Bien sûr que l’on aimerait le faire un jour !
L’analogique a une puissance de l’instant et de la pureté très importante pour nous, mais on ne se cantonne pas à une certaine posture, on se dit plutôt que tous les moyens sont bons pour arriver à fabriquer quelque chose qui porte du sens. C’est à la fois important de se demander quels moyens de production correspondent le plus à ce que l’on veut raconter, mais aussi d’expérimenter avec les nouvelles technologies et les découvertes récentes pour se retrouver avec des erreurs dont on pourra “profiter”, ou des résultats que l’on n’aurait jamais imaginés !
Sur quel support nous conseillez-vous d'écouter “Private Meaning First” ?
Sur disque ou vinyle, en tout cas plutôt en physique, car ça nous permet de vous proposer vraiment notre montage sans coupures dues à la connexion par exemple, notre véritable voyage. Et ça permet d’investir dans du physique et non de supporter les plateformes capitalistes... lol.
Ce qui importe le plus, en dehors du format, ce serait plutôt les conditions de l’écoute. C’est un disque dont on pense qu’il lui faut du temps et de l’espace. Donc peut-être une pièce volets fermés, avec une bonne sono et surtout 1 bonne heure de son temps sans interruptions, un peu comme si vous alliez au cinéma par exemple.
Quel a été le souvenir le plus insolite de votre dernière tournée ?
Difficile d’y répondre, car on a un peu l’impression que tout est constamment insolite... Peut-être le concert aux Trans Musicales de Rennes... On a eu la sensation de ne pas avoir de prise sur ce qui s’est passé, un peu comme si pendant une heure, nous étions observateurs de la situation, et qu’il s’opérait une sorte de folie collective. Et une folie collective de 4000 personnes, ça fait flipper !

Certains médias affirment que le rock est mort. Qu'avez-vous envie de leur répondre ?
Tout dépend de ce que l’on appelle “rock”. Pour nous, le rock n’est peut-être pas un genre musical ou une esthétique, ce serait plutôt une certaine révolte par rapport aux normes et aux formats, un certain mode de vie, la non-compromission dans le fait d’être constamment en remise en question, en lutte. Et en ce sens, non seulement le rock n’est pas mort, car il vivra sûrement encore longtemps à travers ceux qui cherchent à arracher leurs peaux, mais on pourrait même pousser et dire qu’il existe depuis bien plus longtemps que ce que l’on pense communément. Finalement, Beethoven, Molière, Van Gogh ou Galilée c’est peut-être aussi du rock ?... (sans vouloir se comparer à ces génies..)
Merci les Psychotic Monks d'avoir répondu à nos questions...
Merci à vous !
Gian, avril 2019

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