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La nouvelle figure de proue du rock indie est anglaise, s’appelle Sorry et a sorti son 1er LP intitulé “925” le 27 mars dernier chez Domino Records, le label qui a découvert des artistes comme Franz Ferdinand ou The Dirty Projectors. Ce quatuor de morveux originaires de North London - Asha Lorenz & Louis O'Bryen à la guitare & au chant, Lincoln Barrett à la batterie et Campbell Baum à la basse - nous rappelle forcément certains des meilleurs groupes britanniques, de Tears For Fears à Oasis et vient de signer l'un des premiers albums les plus incroyables de l'année jusqu'à présent.
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Mélange ludique de rock indie, d’électro, de jazz, de pop et de musique expérimentale, “925” s’amuse de la vieille maxime selon laquelle on fait toujours du neuf avec de l’ancien. Prenez par exemple le 1er single - et titre d’ouverture - sexy et élégant “Right Round The Clock”... Il est rempli de sensations captivantes, de sarcasmes et d'une référence joyeuse au titre “Mad World” du groupe des années 80, Tears For Fears. C’est tellement effronté que cela fait avancer le message de la chanson et que ça la rend vraiment excitante.
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De même, “Rock N’ Roll Star” doté d’une section de cuivres dissonants et de paroles entonnées paresseusement constitue certes un clin d’oeil évident à Oasis, mais ne ressemble en rien aux productions des frères Gallagher. Dans cette piste, Sorry se moque ouvertement de cette génération de sales gosses des années 90. Ils connaissent pertinemment tous les clichés ridicules qui entourent les groupes de rock et en jouent allègrement. Ici tout baigne dans une certaine ironie, mais l'album est si brillamment réalisé, la production si soignée et raffinée, la musique si inventive et incroyablement imprévisible, que vous leur pardonnerez aisément ce petit écart.
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Vous retrouverez ainsi de magnifiques choeurs sur le titre “Ode To Boy”, tandis que “Starstruck” est ponctué par les onomatopées crachées par Asha Lorenz sur un riff entêtant. L’intro de guitare Blondie-esque de ce titre, associés aux paroles évocatrices et ironiques font que Sorry apparaît comme un cousin germain de The XX, en plus audacieux toutefois. Malgré l’aspect ironique évoqué précédemment, de tels moments de sincérité trahissent le désir du groupe de s’inspirer de l’héritage de leurs aînés pour proposer quelque chose de nouveau.
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Si l’on se fie à certaines de leurs paroles sarcastiques, Sorry pourrait nous rappeler The Kinky Wizards, le groupe fictif d'adolescents chapardeurs dans le film de Stephen Frears, “High Fidelity”. Pourtant, “Lies (Refix)”, plus proche que jamais du monde des esprits, tire sa révérence avec l’aspiration émouvante : “Le ciel attendra... c'est ce pour quoi j’ai prié”. Il faut peut-être y voir le son d’une génération qui hérite des névroses de ses prédécesseurs et qui tente de faire feu de tout bois… mais qui connaît réellement le sens profond de cette complainte ?
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Avec des paroles comme “J'étais nerveux comme l’enfer, une fosse sans fond… Les serpents ne m'ont même pas fait peur comme vous l'avez fait”, Sorry pourrait presque apparaître même comme un Smashing Pumpkins plus mélodique, avec des lignes de basse constantes et un chant caractéristique, mi-chuchotant, mi-gémissant, presque à la manière d’une confession, comme dans “Snakes”, la 3ème piste du disque. On retrouve également des caractéristiques typiques de l’indie-electronica dans chaque morceau, ainsi que quelques accointances grunge tamisées, mais aussi une grande influence shoegaze / dream pop qui renforcent le paysage sonore varié voulu par le combo.
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D’autres titres aussi changeants - et complexes - que “In Unison” et “Rock N’ Roll Star” offrent une production complexe et fluide, poursuivant la sensation jazzy de l'ensemble du disque, ce qui correspond à leur influence avouée : Tony Bennet. L’impression globale qui s’en dégage est un disque mélancolique, sophistiqué et cohérent, qui démontre les capacités impressionnantes du quatuor, tant sur le plan sonore que des textes. Prenez l’émouvante “As The Sun Sets” et vous en serez convaincu(e)...
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Une énergie presque fiévreuse se dégage de certaines chansons de l’opus, comme “Wolf” ou “Perfect”, qui lorgne du côté de l’indie rock US avec une pointe de Pavement. Et tandis que le son oscille de façon fluide entre doux-amer et ambiance infernale, il devient évident qu’avec Sorry, on se trouve face à une sorte de Dr Jekyll & Mr Hyde du rock indépendant, entretenant cette ambivalence grâce à ce disque distinctif, émotionnel et hyper sophistiqué. Evidemment, la voix grave et langoureuse de Asha Lorenz rappellera à certain(e)s Alison Mosshart du groupe The Kills et son chant aux intonations désinvoltes évoquera la classe absolue de Kim Gordon de Sonic Youth, mais cela va bien au-delà…
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Véritable pépite, “925” est un album qui valait la peine d'attendre, un 1er disque abouti, voire carrément extraordinaire, gorgé de rock suave, chanté comme une complainte, soutenu par des rythmiques d’outre-tombe et une guitare incisive, mais aussi débordant d’une énergie innovante et délicate qui pourrait rivaliser avec celle de Bon Iver, tout en proposant l'un des disques les plus singuliers que vous serez amené(e)s à découvrir cette année.
La Note de Manu : 9/10
Pochette de "925" du groupe Sorry (sortie le 27 mars 2020) |
“925” de Sorry, LP 13 titres sorti le 27 mars 2020 chez Domino Records.
Tracklist :
1. Right Round The Clock (4:05)
2. In Unison (2:48)
3. Snakes (3:42)
4. Starstruck (3:28)
5. Rosie (3:50)
6. Perfect (2:45)
7. As The Sun Sets (3:59)
8. Wolf (2:49)
9. Rock N’ Roll Star (2:51)
10. Heather (3:24)
11. More (2:22)
12. Ode To Boy (2:52)
13. Lies [Refix] (4:07)
Sorry en 1ère Partie de Shame à l'Elysée-Montmartre de Paris le 14.12.2018 - Credits Photo : © Ines Karma |
Manu de RAN
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