samedi 5 février 2022

Album Review : "The Overload" de Yard Act (Sortie le 21.01.2022)

Credits Photo : © NME

Tout le monde semble avoir déjà tranché le cas Yard Act : tandis que les journaux et magazines musicaux n’ont d’yeux que pour les britanniques originaires de Leeds, leur tournée Outre-Manche s’est déroulée à guichets fermés, le public ne regardant pas à la dépense pour soutenir ses nouveaux chouchous. Yard Act est donc devenu LE nouveau sujet d’attention dans une Grande-Bretagne où la mouvance post-punk est déjà pas mal embouteillée, entre IDLES, Fontaines D.C., Squid, The Murder Capital, Black Midi, Shame, Sleaford Mods, Black Country, New Road… et encore bien d’autres.

Credits Photo : © Brooklyn Vegan

De l’avis général, le quatuor semble être en capacité de prétendre au leadership et de mener cette bande de joyeux énergumènes aux textes ciselés et aux riffs saturés. Même si cette volonté de toujours tout catégoriser et hiérarchiser m’insupporte au plus haut point, il me faut toutefois vous le confesser : je suis moi aussi tombé sous le charme de Yard Act. Je vous entends déjà dire « Ah ouais super, très original ! »… Toutefois, il ne pouvait en être autrement, tant la musique proposée par la bande à James Smith est intelligente, drôle, dansante - avec un petit côté disco déroutant mais ô combien séduisant - et addictive. Là où certain(e)s voient dans le son du quatuor un post-punk édulcoré, moins intense et engagé qu’IDLES et moins révolutionnaire et en colère que Bob Vylan, je préfère relever l’ébauche d’un potentiel extraordinaire.

Credits Photo : © Naomi Dryden-Smith

Le groupe de Leeds s’était introduit dans nos oreilles en 2020 avec le titre “The Trapper’s Pelts”, 4 minutes de papier de verre post-punk, avec des textes tranchants déclamés sur fond de violon. A la suite de l’écoute de ce titre, l’attente nous parut interminable et l’excitation commençait à nous gagner. Si leur EP “Dark Days” - publié il y a 1 an presque jour pour jour - avait alimenté la flamme, nous attendions impatiemment ce 1er LP, véritable acte fondateur du groupe.


Si « un grand pouvoir implique de grandes responsabilités », l’attente des suiveurs était immense. Et force est de constater que “The Overload” est très largement à la hauteur du battage médiatique qui l’a précédé. Brillamment construit pour se dérouler comme une sorte de feuilleton sordide de la Grande-Bretagne post-Brexit, il regorge de pastiches, de caricatures et de portraits immédiatement reconnaissables. Dans ce disque, vous retrouverez entre autres le taulier « Fat Andy » sur la piste-titre, un « costard-cravate » malhonnête dans “The Incident”, ou encore une tribu de camés dans “Fixer Upper”.

Credits Photo : © Estelle Oliveira

Dans cet effort, Yard Act évoque des problématiques contemporaines - lutte des classes, consumérisme, gentrification, mise au ban du monde de la culture durant la pandémie… - à travers les satires créées par James Smith avec un équilibre parfait entre esprit et perspicacité. Ses paroles sont denses, révélant de nombreuses subtilités linguistiques au fil des écoutes. Les instrumentaux véhiculent également parfaitement ces messages, Ryan Needham à la basse, Sam Shipstone à la guitare et le batteur Jay Russell étant au diapason du frontman.


Même si son histoire est divisée en 3 actes, ce disque a tout de l’album-concept, ne serait-ce que de par sa narration d’un seul tenant. Véritable comédie musicale punk, “The Overload” balaie tour à tour les différentes problématiques nées du Brexit, de la pandémie et de sa gestion calamiteuse par les pantins aux manettes Outre-Manche, notamment dans “Dead Horse”, mais aussi de la brutalité du capitalisme et des excès de la société de consommation. Le très Blur-ien “Payday” en est la parfaite illustration, de même que la logorrhée continue de “Rich” ou la rage pop-rock contagieuse de “The Incident”. Evoquant également l’anxiété et l'effondrement de notre société sur des titres comme le pétillant “Witness”, rappelant un peu “Totally Wired” de The Fall ou les Beastie Boys, ou l’addictif “Dead Horse”, ce disque parvient à nous tenir en haleine jusqu’à la catharsis finale de “Pour Another” et “100% Endurance”.

Credits Photo : © Patrick Gunning

Même si la recette a été usée jusqu’à la garde, la mayonnaise post-punk de Yard Act monte à merveille car le groupe maîtrise parfaitement l’art du contrepied, sans doute du fait de l’éclectisme de ses influences, du hip-hop avant-gardiste à la pop festive, en passant évidemment par le courant punk historique. En fait, Yard Act, c’est une sorte d’enfant illégitime de Mark E. Smith, Alex Kapranos et Jason Williamson, mais qui se seraient mélangés devant la caméra de Stephen Frears. C’est vénère, brumeux, sombre, acerbe, ironique, voire pince-sans-rire.


Alors que les raisons de songer à l’avenir avec appréhension ne manquent pas, entre le changement climatique, le contexte sanitaire et le climat social délétère, Yard Act préfère les condenser pour alimenter la fureur et l’ironie de “The Overload” à grand renfort de riffs généreux. À la jonction entre observation sociétale, surréalisme et stand-up, ce 1er album urgent et captivant se révèle être un très grand disque, jouant constamment avec les clichés et les paradoxes, se faisant ainsi l’écho de nos angoisses et de nos passions tristes. Ses gros rythmes en sont le catalyseur, les guitares nerveuses la consécration et les mots lapidaires de la langue acérée de James Smith la cerise sur le pudding.


La Note de Manu : 9/10

Pochette de l'album "The Overload" de Yard Act (sortie le 21.01.2022)

“The Overload” de Yard Act, LP 11 titres sorti le 21 janvier 2022 chez Island Records

Tracklist :

1. The Overload (3:16)

2. Dead Horse (3:38)

3. Payday (2:54)

4. Rich (3:42)

5. The Incident (3:10)

6. Witness [Can I Get A ?] (1:20)

7. Land of The Blind (3:00)

8. Quarantine The Sticks (2:40)

9. Tall Poppies (6:21)

10. Pour Another (3:20)

11. 100% Endurance (3:45)



Credits Photo : © Phoebe Fox


Manu de RAN

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