vendredi 19 mars 2021

Album Review : "CARNAGE" de Nick Cave & Warren Ellis (Sortie le 25.02.2021)

Credits Photo : © Rolling Stone Magazine

Tout au long de sa carrière, Nick Cave a donné vie à différents projets : de la frénésie de The Birthday Party aux guitares furieuses des Bad Seeds, en passant par les morceaux primitifs de Grinderman. Mais sur son nouvel album “Carnage”, c’est en compagnie de son compère de longue date Warren Ellis que l’australien est de retour. Habitués à fonctionner en duo pour la composition de musiques de films, comme pour “Comancheria”, “Des Hommes Sans Loi” ou “Wind River”, les 2 sociétaires des Bad Seeds nous proposent cette fois une oeuvre passionnante et dérangée, qui clôture magnifiquement la trilogie discographique consécutive au décès tragique d’Arthur, le fils de Nick Cave, en 2015 : “Skeleton Tree” en 2016, “Ghosteen” en 2019 & “Carnage” en 2021.

Credits Photo : © Dave MacIntyre

LE DERNIER VOLET D'UNE TRILOGIE ?

Jusqu’où ira Nick Cave ? La question mérite d’être posée. A peine 3 mois après le sublime “Idiot Prayer”, disque live au piano enregistré dans la solitude de l’Alexandra Palace de Londres, et 18 mois après “Ghosteen”, suite profonde au magnifique, obsédant, spectral, lugubre et torturé “Skeleton Tree”, avec ce “Carnage”, Nick Cave nous propose une nouvelle fois une oeuvre sublimée par le désespoir d’un père. Un disque à la beauté sans égal où les douleurs de l’existence côtoient aussi parfois une forme de résilience éthérée. Une oeuvre très symptomatique du virage pris par Nick Cave dans son approche en matière d'écriture après “Push The Sky Away” en 2013, passant de la narration à l'abstraction, avec des structures de chansons fluides portées par les boucles de synthé hypnotiques de Warren Ellis.

Credits Photo : © NME

Fauché en plein vol par la pandémie, le songwriter australien a dû se résoudre à reporter sa tournée mondiale prévue en 2020 et a mis à profit cette période de repos forcé pour écrire et mettre en boîte un nouvel album aux côtés de son acolyte de plus de 25 ans, Warren Ellis. « Il y a ceux qui essaient de savoir qui… Il y a ceux qui essaient de savoir pourquoi… Il y a ceux qui n'essaient pas de trouver quoi que ce soit, à part ce royaume dans le ciel », annonce Nick Cave dans la piste d’ouverture “Hand of God”. Une fois passée la joie intense de la sortie inopinée de ce nouvel album, il convient de se pencher sur ce disque pour tenter d’obtenir des réponses. Que peut bien chercher Nick Cave ? Que lui reste-t-il à prouver ?

Credits Photo : © Matt Kent

Evoluant dans un registre davantage autobiographique sur ses derniers efforts, Nick Cave profite de ce “Carnage” pour dresser une sorte de bilan des conséquences de la pandémie actuelle. En résulte un disque « brutal, mais très beau, niché au coeur d’une catastrophe collective », comme le décrit lui-même le principal intéressé. Même s’il ne s’agit pas à proprement parler d’un album des Bad Seeds, “Carnage” n’en demeure pas moins un retour aux affaires bien plus mordant, mais pas moins aventureux. L’impulsion électro-trance de l’ouverture “Hand of God” voit un Nick Cave submergé par la puissance des éléments. Ce rythme sombre se poursuit dans le mélange jazzy de “Old Time”, qui dépeint un cauchemar déchirant où « les arbres sont noirs ». Arrive ensuite la piste titre, douloureuse et tendre, où Nick Cave semble retrouver la lumière.


Vient ensuite “White Elephant”, probablement l’un des titres les plus politiques de l’australien. Warren Ellis parvient à y créer une tension cinématographique, tandis que Nick Cave y évoque le mouvement Black Lives Matter à travers l’histoire d’un chasseur. L'ambiance devient franchement nocive avant que l'espoir ne renaisse dans un blues gothique rappelant certains titres de l’album des Bad Seeds “Abattoir Blues / The Lyre of Orpheus”, mais surtout avec la promesse que « l’heure de rejoindre le royaume des cieux est proche ». En parallèle à ces textes parfois très sombres, presque maniaques, on retrouve également un côté romantique dans ce “Carnage”. Par exemple, avec ses cordes flottant sur un joli piano, la méditative “Albuquerque” vous invitera à l’évasion et éclairera l’obscurité et la tristesse provoquées par les confinements successifs. De même, certaines des chansons d’amour les plus intenses de la carrière de Nick Cave - comme “The Ship Song” ou “Into My Arms” - trouveront un écho avec la fantomatique mais magnifique “Shattered Ground”.


LA BANDE-SON IDEALE DE NOTRE EPOQUE TOURMENTEE

Si la plupart des titres évoque la solitude, la mort, la souffrance et l’amour et reste donc dans la même veine que les opus précédents des Bad Seeds, “Carnage” s’avère être un album atmosphérique dans lequel le crooner rock ténébreux semble en lévitation et déclame ses textes avec une voix gorgée d’émotions. De l’introduction spectrale d’un “Hand of God” aux cordes insaisissables de “Old Time”, de la solennité de la piste-titre à la noirceur de “White Elephant”, ce nouveau disque parvient à semer le trouble dans notre esprit et à créer une sorte de passerelle entre l’introspection libre des travaux récents des Bad Seeds et le chaos furieux qui habite l’oeuvre de Grinderman et The Birthday Party.


Réunis pour la première fois en duo dans un autre exercice que la composition d’une musique de film, Nick Cave & Warren Ellis nous livrent avec “Carnage” leur meilleur album depuis “Push The Sky Away” et nous confirment l’étendue de leurs pouvoirs mélodramatiques. Et c’est probablement la piste de clôture de ce disque qui illustre le mieux le perpétuel paradoxe qui habite le songwriter australien : “Balcony Man” où résonnent ses espoirs autant que ses mirages. Finalement, avec ce nouvel album, les 2 compères ont bien composé une bande originale… mais pas celle d’un film. Ils sont parvenus à écrire la bande-son idéale de cette époque tourmentée.


La Note de Manu : 9.5/10

Pochette de l'album "Carnage" de Nick Cave & Warren Ellis (sortie le 25.02.2021)

“CARNAGE” de Nick Cave & Warren Ellis, LP 8 titres sorti le Jeudi 25 Février 2021 chez Awal Recordings Limited

Tracklist :

1. Hand of God (5:17)

2. Old Time (5:16)

3. Carnage (4:47)

4. White Elephant (6:08)

5. Albuquerque (3:57)

6. Lavender Fields (4:34)

7. Shattered Ground (5:35)

8. Balcony Man (4:30)



Credits Photo : © The Guardian

Credits Photo : © Consequence of Sound


Manu de RAN

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