mardi 2 mars 2021

[INTERVIEW] 5 Questions à... Silmarils : « Ce concert au Bataclan, ce sera le feu... on est chaud comme la braise ! »

© Courtesy of Warner Music France

Il y a un peu plus de 25 ans (26 pour être précis), une jeunesse française avide de rock et en mal d'idoles depuis la disparition brutale de Kurt Cobain l’année précédente s’ouvrait au hip-hop et voyait poindre l’aube d’une nouvelle ère avec l’arrivée dans le « game » d’un groupe de potes originaires d’Evry-Courcouronnes : Silmarils, « éclats de pure lumière » en quenya.

Leur 1er album éponyme “Silmarils” marqua son époque - et bien au-delà ! - et propulsa le groupe francilien au firmament de ce rap-metal, véritable phénomène de société porté par des légendes comme Limp Bizkit ou Rage Against The Machine, entre autres. Pour toute une génération, ce disque fut une véritable claque, une révélation, et préfigurera une carrière menée tambour battant, durant laquelle le septet évryen - 6 musiciens + 1 DJ - collectionnera les albums et - surtout - les lives frénétiques. Car plus que pour tout autre groupe, un concert de Silmarils est une expérience extrême, comparable à celle d’être embarqué(e) dans le cratère d’un volcan en fusion.

Son long silence discographique - plus de 10 ans - fut vite oublié lorsque Silmarils annonça son retour sur scène en 2020 pour célébrer les 25 ans de son 1er album éponyme. Un retour malheureusement différé à cause du COVID et de sa « gestion assez pourrie » par l’exécutif, et désormais programmé pour le 05 novembre prochain dans la « fournaise » du mythique Bataclan. Et pour couronner le tout, la fine équipe guidée par son chanteur David Salsedo a réédité ce 1er LP le 23 octobre dernier, dans une splendide édition limitée avec vinyle orange 180 grammes. Un objet de toute beauté, histoire de graver dans les microsillons du vinyle cet album culte du rock français et de célébrer ces 25 années passées à saper l’autorité et à combattre cette injustice évoquée dans nombre de leurs titres, et qui n’a jamais semblé autant d’actualité.

© Longueur d'Ondes

Une superbe réédition & un live au Bataclan qui s’annonce dantesque… Chez Rock Alternative News, Manu s’est dit que cela valait 5 petites questions à l’un des groupes cultes de son adolescence… Rencontre.


Rock Alternative News : Salut les gars, ça fait plaisir de vous retrouver ! Le public vous a découvert il y a 25 ans avec votre album éponyme, “Silmarils”. Quel regard portez-vous sur les 2 décennies et demi qui viennent de s’écouler, tant au niveau musical que global ?

Silmarils : Alors, en 25 ans, il y a eu à la fois énormément de mutations, notamment en terme de technologies et de circulation de l’information, et dans le même temps, une permanence, voire une amplification des problématiques qui commençaient à émerger à la fin des années 90, et dont nous parlions déjà à l’époque : primauté de l’économie sur l’humain (se référer à “Tant Que Parle l’Economie”), démantèlement des services publics, accroissement des inégalités riches-pauvres (cf “Cours Vite”), politique spectacle (“Communication”)... etc.


Donc pour résumer, en 1995, toutes ces problématiques étaient déjà amorcées, mais elles se sont aggravées, pour finir en 2021 avec l’explosion du discours populo démago de tous bords, sans parler du fait qu’aujourd’hui, la société dans son ensemble est « baguée » (comme le dit Alain Damasio), « tracée », et qu’on assiste à un rétrécissement de la sphère privée et à une certaine forme de « flicage », pas uniquement de la part de l’Etat, mais de sociétés privées !!! Pour ceux qui connaissent la série culte des années 60 « Le Prisonnier », ben on n’en est pas loin. En un mot, ce dont nous parlions en 1995 aurait pu relever de la dystopie. Sauf qu’en 2021, nous vivons dans cette dystopie. C’est “Black Mirror” quoi ! ;-))

En ce qui concerne l’évolution musicale, l’industrie a été totalement transformée avec l’arrivée de la dématérialisation des contenus, notamment le streaming, la « disparition » quasi-totale du rock et des vrais batteries ;-)) dans les médias généralistes, et la déferlante de la musique urbaine, dans laquelle le pire côtoie le meilleur. Donc oui... le « game » s’est transformé. Si l’on rajoute qu’au moment où nous répondons à ces questions, il n’y a plus une seule salle de spectacles ouverte, alors oui, les choses ont changé… Et pas forcément en mieux.

© DR

RAN : Ce 1er opus est (ré)édité pour la 1ère fois en vinyle depuis le 23 octobre 2020. Pouvez-vous nous expliquer comment et quand vous est venue cette envie de graver ces chansons dans le vinyle ? Ca vous titillait depuis longtemps ?

S : L’idée de faire des vinyles, nous l’avons toujours eue. Mais il est vrai qu’à nos débuts, les labels ne se bousculaient pas pour sortir les albums en vinyle. Aujourd’hui, il y a un vrai intérêt du public pour l’objet vinyle, ce qui est une excellente chose ! Nous sommes ravis avec Silmarils d’avoir enfin pu sortir notre 1er LP sous cette forme. Et en plus, à l’occasion des 25 ans de ce premier album, mais aussi de la reformation du groupe. Le succès rencontré par la réédition vinyle prouve que c’était une bonne idée, d’autant que l’objet est vraiment joli, que nous avons travaillé pour ça : Nouveau mastering spécifique au vinyle, choix du graveur, artwork… etc. Ce n’est pas juste un « décalco » du CD, il y a la volonté de proposer un objet qualitatif au public. On était comme des fous quand on a reçu nos exemplaires ! ;-)) On avait 12 ans ! ;-))

© Rock Alternative News

RAN : Sans vous mentir, cet album a été l’une des vraies grosses claques de mon adolescence. Comment expliquez-vous que certaines des chansons, comme “Cours Vite”, “Love Your Mum”, “L’Agresse” ou “Mackina”, soient devenues - et restées - des classiques du répertoire rock français ?

S : Je pense que les textes et les thèmes évoqués dans ces chansons trouvent un écho incroyable en ces temps pour le moins incertains. Au hasard des thèmes abordés : déconnexion entre les élites et le peuple (“Cours Vite”), explosion de la question religieuse (“Victimes de la Croix” & “Love Your Mum”), question de la justice pour tous (“No Justice, No Peace”). Ils étaient déjà au coeur des préoccupations à l’époque !!! Pas mal, hein pour un album qui a un quart de siècle ? ;-))


Mais comme on l’a déjà dit, tout - ou presque - était déjà là. Sur ce 1er album, en ce qui concerne l’écriture, on se rapprochait d’une forme « journalistique », et d’une analyse sans concession, mais avec aussi des partis pris, parfois un peu « provoc », sur le monde tel que nous le voyions et les dangers que l’on voyait se profiler à l’horizon. C’est particulièrement visible sur un titre comme “Killing Da Movement”. Mais en réalité, on espérait se tromper. En fait, c’est le « worst case scénario » qui l’a emporté (« le pire scénario » en VF). Ça peut nous donner raison a posteriori, mais ce n’est pas une victoire. On aurait préféré se gourer sur toute la ligne. Après, si cet album est maintenant considéré - c’est toi qui le dis, pas nous ! ;-)) - comme un classique du Rock Français, c’est le plus beau compliment que l’on puisse nous faire !


© Jeff Cabella

RAN : Vous deviez fêter le 25ème anniversaire de “Silmarils” par un concert événement le 5 mars 2020 au Bataclan, show finalement reporté au 5 novembre prochain. Que pouvez-vous nous en dire ? Doit-on s’attendre à des surprises ? Cette volonté de retrouver la scène et votre public est-elle la seule raison de votre retour ?

S : Ce concert du Bataclan le 05 Novembre 2021 est un rendez-vous extrêmement important pour nous. Déjà, et avant tout, on est tellement heureux de se retrouver. Il faut remettre les choses dans leur contexte : nous ne sommes pas un groupe comme les autres !!! ;-)) Nous sommes un groupe de potes d’enfance, un groupe de lycée qui a gravi toutes les marches ensemble, avec toujours le même line up, un groupe de « frangins ». Comme dans “Hélène et les Garçons” (pour les gens nés avant 2000 ! ;-)) )... Mais en mode Punk !

C’est pour ça que cette « reformation » - qui n’en n’est pas vraiment une, car nous ne nous étions jamais « déformés » mais juste interrompus - est un vrai bonheur pour nous. Même si les contretemps liés à la crise sanitaire, et surtout sa gestion assez pourrie en réalité, diffèrent un peu ce plaisir de remonter sur scène ensemble. Mais le concert aura lieu… quoi qu’il arrive… Nous avons pris des options sur les salles jusqu’en 2028 !!! ;-)) Ça va être incroyable. Il faut que les gens se rendent compte : on n’en peut plus d’attendre, on est chaud comme la braise !! On veut y aller, on veut retrouver le public qui a tout de suite été au rendez-vous quand nous avons annoncé notre retour. Il ne reste que quelques places pour le Bataclan, malgré le contexte, le vinyle est un succès…

Bref, honnêtement, nous ne nous attendions pas à ça. On en profite d’ailleurs pour remercier tous les gens qui nous suivent et nous soutiennent. Ils sont là… Et nous aussi ! Ce qui est incroyable aussi, c’est que nous avons tenu à réunir de nouveau l’équipe de nos débuts. Warner, notre label d’origine, a accepté immédiatement notre idée de ressortir le 1er album en vinyle. Respect ! Peter Murray, celui qui nous a découverts en 1995, a aussi accepté de reprendre du service à nos côtés, ainsi qu’Alias, notre tourneur / agent de toujours. C’est marrant, ça va à l’encontre de certains clichés que nous avions sur le « show biz ». Il peut y avoir des sentiments. La preuve ! La famille au grand complet est réunie. C’est juste mortel. Tous les acteurs de l’époque sont là !!! On est fin prêt, on peut y aller. C’est ça, l’esprit Silmarils : une famille, pas un truc de mercenaires. En ce qui concerne le concert du Bataclan lui-même, oui il y aura des surprises, mais on ne peut pas trop en dire plus pour le moment.

© Facebook Officiel Silmarils

RAN : Soyons honnêtes… Pour les fans, il est impensable que ce concert au Bataclan soit juste un « one shot »… En vrai, ça ne vous titille pas un peu de repartir en studio ensemble pour un nouvel album ?

S : La question de savoir si ce concert sera un « One Shot » ou pas est encore en suspens. Mais bien évidemment, la tournée et les festivals… On y pense… On l’envisage… Mais aujourd’hui, c’est un peu difficile de se projeter. Mais nous en parlons, bien sûr. Pour un nouvel album… On verra… Mais on en parle aussi ! ;-)) Pour l’instant, on se concentre sur le Bataclan, le 05 Novembre. On veut vraiment que ce soit le feu, un concert mémorable, pour nous comme pour le public. Et ça le sera… !


RAN : Merci beaucoup d’avoir accepté de nous répondre… et on se voit le 5 novembre au Bataclan !

S : Merci à toi !


© Alias Production

Nous souhaitons remercier sincèrement les membres de Silmarils pour leur gentillesse, leur bienveillance et leur confiance. Recueillir la parole de certaines de mes idoles d’adolescence fut non seulement un plaisir mais avant tout un rêve qui se réalise. Et ça pour le petit garçon qui sommeille en moi, c’est précieux ! Alors, merci infiniment les gars… You Rock !

De plus, je souhaite le meilleur aux membres de Silmarils dans l'optique d'un hypothétique nouvel album et espère avoir le plaisir de les retrouver sur scène le 05 novembre prochain au Bataclan. Et évidemment, si ce concert événement peut enfin avoir lieu, je vous raconterai tout.


Propos recueillis par Manu de RAN le 1er mars 2021

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