mercredi 29 septembre 2021

Album Review : "Promenade Blue" de Nick Waterhouse (Sortie le 09.04.2021)

Credits Photo : © Jared Chambers

Depuis la sortie de son 1er single “Some Place” en 2010, Nick Waterhouse excelle dans l'art délicat de faire revivre et de moderniser les grandes heures du rhythm and blues avec ses arrangements classieux et sa voix de crooner soulfull.

Deux ans après son album homonyme et 1 an après avoir sidéré ses laudateurs par une reprise de l’âpre “Pushin’ Too Hard” des Seeds, l'artiste californien présente une nouvelle plongée intemporelle et lyrique dans le swing jazz et le blues du 20ème siècle, le doo wop ou les orchestrations luxuriantes des années 50 et 60. Une musique sans âge que le chef d'orchestre et songwriter fait scintiller sur son 5ème LP “Promenade Blue”, sorti le 9 avril dernier sur le label Innovative Leisure.

Credits Photo : © France Inter

La fraîcheur des 60's, le rock garage & la musique de la Nouvelle-Orléans dans les bars mal famés de Chicago

Partons du principe que quelqu’un aimant Phil Spector, Brian Wilson, et les chœurs en cascade, ne peut être foncièrement mauvais. La problématique de Nick Waterhouse - ici soutenu par Paul Butler, producteur de Michael Kiwanuka, et par l’arrangeur pour cordes J.B. Flatt, qui rend une sublime partition - est facile à déterminer : comment succomber à une énergie vintage de chaque mesure sans passer pour un infâme ringard ?

Credits Photo : © Classic 21

La réponse se trouve dans les 11 chansons originales de ce disque. Des romances débarrassées de tout sentimentalisme, des coups d’œil en arrière sur une carrière de deux lustres, sanctionnée par des succès et des désillusions, et des souvenirs surgis de l’adolescence, période apparemment éminemment riche d’enseignement pour le chanteur et guitariste. Plus subtil que la simple utilisation d’une nostalgie au rabais, “Promenade Blue” progresse avec discernement dans nos cœurs et nos oreilles, tous chromes dehors, entre un cha-cha-cha subliminal et un jazz à fort brassage de houblon.


Nick Waterhouse s’attache à peaufiner le moindre détail de ses refrains : c’est nouveau, et c’est une excellente chose, le statut de petit maître artisan lui convenant parfaitement. L’Américain aime la fraîcheur des 60’s, le rock garage, mais également la pop, la musique de la Nouvelle-Orléans, les bars mal famés de Chicago, et faire danser, et il entend que cela se sache.

Credits Photo : © France Inter

Le songwriter californien sort donc ce 5ème album, chef-d'œuvre introspectif et sans âge d'orchestrations soulfull, rhythm and blues ou swing. Inspiré par les années 20, “Place Names”, le 1er titre de l'album, résume à lui seul la musique d'orfèvre de Nick Waterhouse. L'auteur chante ici ses souvenirs d’adolescent et son amour pour sa ville natale, Santa Ana, sur des lignes de piano sinueuses et des orchestrations de cordes poignantes tandis que le chœur féminin crie « Never ». Les atmosphères musicales éclectiques s'entremêlent et se muent en autant d'émotions au fil de cet album magnifique où l'artiste évoque les tournées sans fin, les sessions d'enregistrement marathon et les hauts et les bas du succès qu'il a connu au cours de sa carrière de 10 ans. La clé c’est sûrement cela : évoquer des romances vouées à l'échec, des amours persistantes et l'espoir de futurs jours de parité et de partenariat.


UN OPUS TOUT EN BALLADES, CROONERIES & MID-TEMPOS

Productif, le Californien enchaîne les sorties d’albums, faute de pouvoir se donner en spectacle face à de vrais gens. Une façon comme une autre de garder une forme de lien avec un public qui n’attend probablement que ça : se retrouver sous des lumières tamisées avec ce brillant musicien aux allures de gendre idéal.

Avec ses costards impeccablement taillés et son orchestre digne des meilleures revues R&B de l’après-guerre, Nick Waterhouse maîtrise les ficelles du succès et les applique depuis près d’une décennie. Théâtraliser sa démarche, tant dans les interprétations que dans ce langage musical rétro dont il joue à la perfection, c’est le choix que ce trentenaire a fait depuis “Time’s All Gone”, un 1er LP paru en 2014 qui plaçait déjà le curseur old school assez haut. Ceci étant, avec un titre aussi évocateur que “Promenade Blue”, ne vous attendez pas cette fois à ce que le duo Ofenbach en tire un remix house à 500 millions de streams, comme avec “Katchi” en 2017.


Le ton général de ce dernier cru est tout en ballades, crooneries et mid-tempos. Signe d’une époque où tout va décidément trop vite et qu’il serait peut-être temps de ralentir la machine. Des chœurs accrocheurs, un son toujours plus organique, des cordes en avant - violons, violoncelles et guitares - et ce goût pour des arrangements ciselés qui nous font inévitablement penser aux architectes inspirés de la charnière 1950-1960, tels que l’étaient Leiber & Stoller ou Pomus & Shuman.

Credits Photo : © Le Trabendo

Un glissement jazz West Coast en milieu d’album avec “Promène Blue”, un élan régionaliste un tantinet rock n’ roll sur “B. Santa Ana, 1986” et une dizaine d’autres titres à l’expressivité constante. On pourrait d’ailleurs presque croire cette musique écrite pour une hypothétique B.O. de film dans le Los Angeles cinématographique d’un James Ellroy. En attendant la reprise totale des concerts, Nick Waterhouse nous a déjà planté le décor.

Il suit depuis 10 ans un parcours irréprochable et est capable de survoler les musiques américaines des années 50 et 60, sans pour autant tomber dans le fétichisme. Ce type est toujours sapé comme un premier de la classe avec des binocles assumés sur le zen. Il y a peu de rockers avec des binocles. Lui, il fait dans le sérieux. Tellement sérieux que je lui confierais volontiers les clés de ma bagnole, c'est vous dire. Mais laissons-le plutôt faire de la musique car il excelle en la matière. Ce “Promenade Blue” en est la preuve éclatante. En un mot, Nick Waterhouse c’est la classe !


La Note de Manu : 8.5/10

Pochette de l'album "Promenade Blue" de Nick Waterhouse (sortie le 09.04.2021)

“Promenade Blue” de Nick Waterhouse, LP 11 titres sorti le 09 avril 2021 chez Innovative Leisure Records

Tracklist :

1. Place Names (3:53)

2. The Spanish Look (2:56)

3. Vincentine (3:00)

4. Medicine (3:18)

5. Very Blue (3:37)

6. Silver Bracelet (2:51)

7. Promène Bleu (3:06)

8. Fugitive Lover (3:18)

9. Minor Time (3:16)

10. B. Santa Ana, 1986 (2:34)

11. To Tell (2:34)



Credits Photo : © Rolling Stone Magazine


Manu de RAN

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