jeudi 16 janvier 2020

[INTERVIEW] The Inspector Cluzo : "C'est compliqué de faire du rock en France parce que c'est trop confortable..."

Credits Photo : © Rock Alternative News
C’est dans un appartement non loin de Montmartre, dans le 18ème arrondissement de Paris, que nous rencontrons Laurent (Guitare & Chant) et Mathieu (Batterie).

Voyage à travers les US, la vie en tournée, les sessions d’enregistrement, les premières parties de Clutch, leurs prestations sur des scènes prestigieuses telles que Lollapalooza en Amérique du Sud, l’évolution du rock à l’aube de 2020… Zoom sur l’ensemble des thèmes abordés avec les deux merveilleux êtres humains de The Inspector Cluzo, dont « Brothers in Ideals » leur album 100% unplugged est à paraître le 17 janvier*, ainsi qu’une tournée dans toute la France, avec un passage au Café de la Danse à Paris le 2 février prochain.
Pochette de l'album "Brothers In Ideals" (sortie le 17.01.2020)

Rock Alternative News: Vous avez tourné comme des fous ces derniers temps sur le continent américain. Clutch, Eels, Lenny Kravitz… C’est du beau monde.

Mathieu : Je ne connais aucun de ces groupes…



RAN : Tu ne connais pas qui ?
Mathieu : Aucun de ces noms. [Rires] Non, je déconne vas-y !

RAN : Alors ça fait quoi de partir en tournée avec des grands noms comme ça ?
Mathieu :  Kravitz c’était en festival à Lollapalooza au Brésil et au Chili. Clutch, ce sont des amis. On partage le même producteur : Vance Powell. C’est lui qui a fait la connexion. Vance Powell c’est le producteur attitré de Jack White, The Raconteurs… et de dix-mille autres trucs méga connus. Même de trucs beaucoup plus éclectiques comme Tinariwen. Et surtout de Chris Stapleton, qui est immense aux États-Unis.

Vance a fait la connexion avec Clutch pour qui on a fait les premières parties. En décembre dernier, on a ouvert pour eux lors de leur tournée européenne… sauf lors de la date à Paris à l’Elysée Montmartre ! Mais ce soir-là, Neil (Fallon, chanteur de Clutch ndlr) a dit dans le micro « Allez voir les copains The Inspector Cluzo à La Cigale le 9 février (2019, ndlr) !

Bon on a fait toute l’Europe avec Clutch et surtout l 'Angleterre, où on a joué à la Brixton Academy. Et là, il s’est passé un truc. On a eu un super article de deux pages par Paul Brannigan de Planet Rock Magazine. Et les Clutch nous ont demandé, malgré nos activités agricoles – parce qu’ils savent qu’on est très occupés l’hiver, si on pouvait venir pour eux aux États-Unis. Mais pas n’importe où aux États-Unis, dans le Middle-West en plein milieu de l’hiver au mois de février. Bon ça a été un branle-bas de combat, mais on a pu se rendre disponibles… une proposition comme ça ne se refuse pas et puis nous c’est tout ce dont on a toujours pu rêver. Nous les États-Unis on aime bien, mais New-York, Los Angeles c’est cool mais ça ne nous fait pas rêver. Nous ce qui nous fait rêver – vu la musique qu’on fait – c’est d’aller jouer dans l’Oklahoma, dans l’Arkansas, dans le Mississippi, dans le Tennessee… Et c’était typiquement ça cette tournée. On a pu jouer dans le Dakota, l’Iowa, le Montana et tout. Au Canada aussi.
Credits Photo : © Planet Rock
Et les Clutch ça a été un gros pari pour eux, vu qu’on est un groupe français qui fait… du rock américain ! Pour eux, ce n’était pas crédible… Parce que déjà, les groupes British, ils jouent beaucoup sur les côtes, mais ils ne s’aventurent pas trop dans le Middle-West. Parce que c’est encore très codé Rock US, et c’est musicalement très différent. Donc c’était un pari, mais ils étaient persuadés qu’ils allaient nous adorer. Nous on était flattés par la confiance, donc est partis. Que tous les deux, sans notre staff – bon, ils ne sont que trois mais voilà – à cause des visas et du budget.

On est partis à deux en voiture, en les [Clutch] suivant. En plein hiver. Donc il faisait entre -30°C et -40°C par moment dans des coins comme le Dakota. Les Clutch ont été sympas parce que leur ingénieur son s’occupaient de nos balances et leur staff chargeaient et déchargeaient notre matos dans leur truck. Après, on se tapait 1000 bornes par jour, les motels pourris... etc. Mais ça pour nous ce n’est pas un problème, on adore. On sort de notre « confort zone ». Et quand tu fais du Rock, tu es obligé d’en sortir !

Et on a eu un accueil énorme ! Parce qu’on a un son assez américain mais un songwriting assez européen. Et crois-moi que des chansons comme « A Man Outstanding in His Field » ou « We The People of the Soil » prenaient une toute autre résonance quand on les joue au fin fond du Middle-West. Et là, aux gens ça leur parle… Parce qu’on peut se dire qu’on n’est pas chez nous mais on a l’appui des paroles. Et plus la tournée avançait, plus il y avait du buzz. Les gens venaient tôt pour nous voir. Même encore aujourd’hui des fans des Clutch leur demandent « Hey, ils reviennent quand les French Farmers ? ».

Par la suite, après être rentrés à la ferme, on a rejoint Eels, parce que Mark Everett (leader de Eels, ndlr) a fait des pieds et des mains pour nous avoir pour juste 10 dates, parce qu’il avait entendu parler du buzz avec Clutch. Après, on a aussi fait Lollapalooza. C’était énorme. Mais surtout parce que c’était en Amérique du Sud, c’est surtout ça qui nous a frappé, c’est marquant. Et en dehors de Lollapalooza Brésil et Chili, on a aussi fait l’Uruguay, le Costa Rica, le Mexique et le Pérou pour un festival qui s’appelle Selvamonos, dans la Selve, donc dans la jungle, et où tu dois franchir les Andes. Donc tu prends le bus, pendant dix heures, avec le public et les techniciens à 4800 mètres d’altitude ! Et là tu descends, et tu joues à 2000 mètres. Mais bon c’est dur quand même, surtout qu’après tu repars et tu te tapes dix heures de route encore. (Le clip de "We The People Of The Soil" a été tournée en partie à cet endroit, ndlr). Ah, ça et le Costa Rica, on n’a pas été payés… C’est aussi ça l’Amérique du Sud ! [Rires] Par contre, le public est exceptionnel.

Laurent : Très friand de Rock. Avec une énergie brute, presque animale.

Mathieu : C’est vrai que quand on a joué à Rock Al Parque à Bogota, c’était sauvage. Nous on est un groupe qui joue fort sur scène. Mais là, dès que tu appuies sur le bouton, eux ils le ressentent directement, ça part en sucette ! Ce sont des concerts où par moments on ralentissait, sur certains morceaux on avait des pogos monumentaux de 2000 personnes, là tu te dis « Wow ».
Credits Photo : © Lollapalooza Brazil
RAN : C’est un peu le contraire des concerts en Europe où il faut insister un peu franchement ?
Mathieu : Voilà, ça change des concerts de Clutch en Allemagne où on avait que des barbus fans de stoner assez calme. [Rires]

RAN : Des anecdotes à nous raconter de cette tournée aux US ?
Laurent : On en a plein ! Bon allez une... Par exemple, sur notre titre « Fuck The Bass Player », en live on en a fait un sketch ; Mathieu monte sur la batterie et commence à danser de manière sensuelle. Et quand on a joué à Nashville, qui est le public réputé le plus dur au monde en mode « Come on impress me» car comme le dit Vance Powell, à Nashville tout le monde sait jouer de la guitare et tout le monde est meilleur que toi. Ce qui est à moitié vrai…! (Rires)

Du coup, on a parié avec Vance et sa femme qui nous ont dit « Vous ne pourrez pas faire chanter le public. Ça ne marchera pas ici. Donc ne perdez pas votre temps et ne soyez pas décontenancés si ça ne marche pas. ». Et du coup on lui a dit « Tu paries ? ». Le soir du concert on a fait notre truc, et ça a pris ! Le public a chanté. Là on balance dans le micro « Vance, tu nous dois deux bières ! ». Il était impressionné car il n’avait jamais vu ça à Nashville, surtout qu’on a été chercher le public de front en mode « on ne partira pas tant que vous ne chanterez pas ! ». Ils ont été impressionnés, du coup il y’a toujours un buzz à Nashville autour d’un petit groupe français qui a marqué les esprits.

Sinon, il y a aussi Tim (Sult, guitariste de Clutch, ndlr) qui est venu nous voir et nous a demandé « Pourquoi Mathieu il ne fait plus sa danse sur Fuck The Bass Player ? ». On lui a expliqué que  ce soir on jouait à Nashville puis le lendemain dans l’Arkansas donc du coup on allait éviter… Il nous a dit « Non ça passera, faites le ! ». Et devine... ça a marché, ils ont adoré ! Même dans l’Arkansas… à un tel point qu’ils ont dit aux Clutch « Hey mettez une boite à tips au merch pour The sexy French dancer » … et les mecs donnaient des billets ! (Rires)
Credits Photo : © Rock Alternative News
RAN : Est-ce que vous considérez donc qu’il y’a un meilleur accueil lorsque vous jouez dans l’Amérique profonde un peu « Redneck » que dans des clubs en France ou en Europe ?
Laurent : Pas vraiment non. On a joué dans 65 pays et on a à chaque fois des accueils différents. Parce que c’est culturel et les cultures sont différentes. Tu n’exprimes pas forcément ta joie de la même façon. Il y’a des endroits qui sont plus durs que d’autres, par exemple des endroits comme l’Amérique du Sud où il cherchent juste l’éclate donc tu dois jouer fort et jouer dans l’éclate. Aux Etats-Unis, il faut qu’il y’ait le code, le songwriting, le son… ensuite tu peux rajouter l’éclate. Et si tu peux faire le show en plus, alors là tu es un grand. Mais il faut savoir mettre tout ça… ils sont un peu plus exigeants aux US mais ils sont cools, ils ne mettent pas de tension pendant le concert.

En Angleterre, c’est un peu pareil mais eux c’est vraiment la chanson qu’ils jugent et apprécient. Quand on a joué avec Clutch à Manchester on était très inquiets « putain capitale de la Brit-Pop… nous on est un groupe français qui joue du rock américain »... donc là, on avait tous les critères pour ne pas accrocher le public. Bon au final, on a foncé et on a eu un super accueil. Mais parce qu’on a pas fait « Fuck the Bass Player », pas de dance pas de show, on a joué des chansons comme « Ideologies » avec du chant et des textes. On a eu pleins de vieux à Manchester qui sont venus nous complimenter en disant que notre son était unique… C’est normal, les gars ont tellement tout vu qu’ils veulent quelque chose de nouveau. Et sans tout révolutionner, c’est ce qu’on propose… des textes qui parlent agriculture et écologie, sur fond rock US avec une french touch les mecs se disent « Ok, ça j’ai jamais entendu ! ». D’ailleurs, on y retourne en février à Manchester...

Donc voilà, il y a des endroits où c’est plus compliqué. Notamment les pays où les gens ne comprennent pas les paroles… dedans, je mets l’Allemagne, la Hollande... etc. Parce que là, tu es amputé de quelque chose qui est très important aux USA et Angleterre. Même si nos paroles ce n’est pas de la prose ni de la grande poésie… ce n’est pas du Nick Cave ! Il y a quand même un sens qui est important et qui va avec la chanson. En France en revanche, les gens s’en foutent un peu des paroles… mêmes s’ils ne les comprennent pas. On va plus prêter attention à la musique et à la mélodie… Aux US c’est l’inverse. Mais quelque soit le pays, on a un bon accueil… sauf quand on joue à Hambourg où là on sait qu’on va se prendre des chaussures et des crachats dans la figure, et qu’il va falloir riposter… Mais faut te faire respecter.

Mathieu : Aux Etats-Unis, il y a un truc. La guitare et le rock ça fait partie de la culture. Ici en France, si tu sors une grosse guitare électrique à quelqu’un dans la rue tu risques de l’effrayer. Aux US, que ce soit un riche, un vieux, un flic, le mec des impôts… tu leur sors une guitare c’est tout suite « Fuck yeah, vous faîtes du rock ? Super les gars. » Ils ont été bercés dedans.
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RAN : Le Rock Unplugged a connu une certaine apogée dans les années 90. On pense notamment aux sessions MTV Unplugged… D’ailleurs le concert de Nirvana vient d’être réédité et c’est l’une des meilleures ventes de vinyles en ce moment. Aujourd’hui le rock - surtout en France - est une musique qui n’a plus trop la cote. Est- ce que le fait de virer les grosses distorsions et les amplis et de repasser en acoustique ça rend cette musique un peu plus accessible selon vous ? Pourquoi cet album de reprises unplugged de vos chansons? Est-ce un effet de mode ? Qu’est ce qui a été déclencheur ?
Mathieu : Non c’est plus lié à autre chose. C’est dû à ce qu’on te racontait tout à l’heure, notamment à ce qu’on a pu ressentir dans ces grandes contrées américaines. Notamment dans le Dakota. C’est quelque chose qui nous ramène aux sources. Il ne faut pas oublier d’où on vient… nous on a cette chance depuis qu’on est nés ; c’est de pouvoir voir l’horizon. On n’a jamais vécu en ville. On a la chance de vivre dans un endroit où on le voit… hier, on voyait les Pyrénées. Et aux USA on a été comblés.

Nous on est un groupe de Blues-Rock, donc un peu à la manière de Neil Young toutes nos chansons sont écrites à l’acoustique lorsqu’on est à la ferme. « We People of the Soil » c’est quand même une aventure pour nous… 15.000 ventes en France pour un groupe auto-produit, plus la tournée aux US, les concerts à Lollapalooza… Lorsqu’on était à Nashville en fin de tournée, Vance a bien senti qu’on avait besoin de repartir sur quelque chose et de recracher un truc. Du coup, on avait réservé le studio 4 jours après EELS. On ne savait pas ce qu’on allait faire. Et assez spontanément on a dit qu’on voulait faire un truc acoustique. On a appelé nos violonistes et musiciens habituels puis on s’est laissés porter… en 4 jours tout était enregistré et en 2 jours tout était mixé.

Au début, on ne voulait pas sortir cet album. Neil de Clutch était à la ferme quand on a reçu le mix, il a écouté et il nous a dit que c’était génial. Au final, on l’a sorti. Voilà, faire un truc acoustique, c’est un désir artistique. On a notre propre label, on fait ce qui nous plaît. Mais il faut savoir que chacun de nos albums est la conséquence par ce qu’on a vécu dans les trois années auparavant. « Rockfarmers » c’était comme le début de la ferme, « Gasconha Rocks » c’était le retour chez nous, « We The People of The Soil » c’était vraiment l’enracinement et là il y a cet album acoustique. Puis il y aura la suite, qui est en train de se construire ensemble.
Credits Photo : © Rock Alternative News
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RAN : « Brothers In Ideals » pourquoi ce nom d'album ?
Mathieu : C’est une chanson qui existait déjà. Puis nous ça fait 25 ans qu’on s’est connu, 25 ans d’aventure et de vie commune, donc naturellement ça se posait là.

Laurent : Et Vance a poussé pour que ce soit ce titre. Il trouvait que ça collait parfaitement à notre relation. On a le même chemin, les mêmes projets, on partage la ferme. On s’est rencontré en prépa il y a 25 ans et on ne s’est jamais quittés. On a eu un premier groupe après nos études où on était huit. Après, on a monté notre boite de booking « Terre à Terre » qui a fait tourner Suicidal Tendencies, Fishbone, Lee Fields, Sharon Jones… pour qui on était Tour Manager.

Après on a arrêté parce qu’on en avait marre et on était déjà très contents de ce qu’on avait fait puis Cluzo a démarré, juste avant le projet de la ferme. Là d’autres projets en cours, quelques groupes qu’on aimerait faire tourner dont Suicidal Tendencies. Là sur la route on a rencontré des groupes qu’on aimerait bien faire connaître en France. Justement sur la tournée de “We The People Of The Soil” on a invité deux groupes de Madagascar et un groupe chilien. On trouvait intéressant de proposer au public des groupes qui – outre par notre biais – n’avaient aucune chance de venir jouer en France et le public doit les voir ! Parce qu’ils ont un truc énorme.

Mathieu : Sur notre tournée précédente, on avait même invité un groupe de japonaises « Jinnyoops ». C’était énorme.
Laurent : Nous ce qui nous plait là dedans, c’est de proposer des groupes qui se lancent et qui jouent dans une zone de non confort. Là j’ai 40 ans, donc je le dis avec du recul mais cette musique tu ne peux pas la faire si tu es en zone de confort. Tu peux tourner dans tous les sens ce n’est pas possible. Et c’est vrai qu’en France on est dans un pays riche. On est dans une zone de confort. Bon, il y a des gens très pauvres mais ils ne font pas du rock si tu veux.

Quand tu es de Madagascar ou du Chili – surtout quand on voit ce qui s’y passe en ce moment – c’est évident que tu as envie de jouer du Rock. Mais même quand tu viens du fin fond de l’Oklahoma ; il fait très froid ou très chaud et il y’a des tornades. Pour moi c’est là où cette musique pourra briller : dans des zones de non confort. Aux US, on a rencontré des groupes, les mecs ils ne dormaient pas au Motel mais dans leur van ! Ils laissaient tourner le chauffage entre Denver et Seattle et ils y tenaient « C’est comme ça qu’on apprend ! » Et là tu retrouves un peu les histoires des débuts de Nirvana…

Bon ce n’est pas fait exprès, d’être retournés à la ferme mais c’est bénéfique pour nous. Car on est dans une zone de non confort et dans un environnement pas toujours facile. C’est beau mais il faut se battre pour y vivre. Au final, ça a énormément impacté notre musique. Voilà, je pense que c’est compliqué de faire du rock dans ce pays parce que c’est trop confortable ! Trop de beaux hôtels, trop de lumières, trop de beaux amplis… Les jeunes qu’on a vu dormir dans leur van aux USA ça nous a mis la larme à l’œil. Ils nous ont dit « On va rester 5 ans comme ça, et si ça passe, on viendra en Europe ! ». Et du coup quand il monte sur scène, il y a un truc fort que tu sens. J’espère qu’on pourra les recroiser en France ces mecs et qu’ils auront un bon accueil.
RAN : Et à quoi devront s’attendre vos fans de la première heure ou ceux qui vous ont découvert en première partie de Clutch sur cette tournée acoustique ?
Laurent : Ben il y aura des pogos ! (Rires) Non en vrai ce sera d’un autre goût. On sera tous assis déjà… mais on verra !

Mathieu : En gros, on fera du Neil Young : devoir savoir jouer aussi bien en acoustique qu’en électrique.

Laurent : Voilà du Neil Young… le talent en moins bien sûr ! Dans l’esprit de "Hey, Hey, My, My" ou "My, My, Hey, Hey" qui se joue aussi bien à l’électrique qu’à l’acoustique.
RAN : Qui seront les musiciens qui vous accompagneront sur cette tournée ?
Mathieu : Alors on aura violon, violoncelle, piano, orgue Wurlitzer. Ce sont les filles qui ont bossé avec nous sur « We The People of The Soil » et « Brothers in Ideals » qu’on fait venir de Nashville.

Laurent : Elles sont superbes.

Mathieu : Et comme on fait les choses à l’envers chez Cluzo, en électrique on est deux, en acoustique on sera cinq !

Laurent : Et on sera assis. C’est une bonne chose je pourrai bouffer avant ! (Rires)

Mathieu : C’est vrai qu’on a cette réputation de bons vivants de par les produits que l’on fait à la ferme et avant, chaque concert les gens veulent nous faire goûter une bouffe différente ! Mais on ne peut pas, on est trop proche du concert. Il y a une énorme frustration car c’est notre staff qui bouffe tout et nous on mange des pâtes !

Laurent : On a une hygiène de vie assez drastique en concert. Le mythe rock & roll, c’est des conneries, sinon tu ne tiens pas. Clutch c’est pareil. On ne boit aucune goûte d’alcool en tournée. Là aux USA, c’était 38 dates, on s’est bu une bière lors du 38ème soir. Parce qu’en fait, c’est pour la récupération et la voix. Surtout que ma voix est très sollicitée parce que je pars sur quatre octaves donc je fais attention aux aigus. On boit beaucoup d’eau… et on mange toujours à des heures fixes. Faut stabiliser ton organisme sinon ton corps ne suit pas. Voilà aux USA on faisait 2 repas par jour, je pense qu’on est les seuls gars à avoir passé autant de temps aux States et à avoir perdu du poids ! (Rires)

Par contre, quand on rentre on se rattrape ! En plus, l’alcool en France est bon. Puis le combo pain et fromage c’est ce qui te manque le plus. Mais bon aux USA, ils n’ont pas la gastronomie mais ils ont la musique. En France c’est l’inverse.
Credits Photo : © Sud-Ouest
RAN : Dommage on connaît un bon caviste à proximité du Café de la Danse qui fait de la bonne charcuterie, mais comme vous serez en tournée…! (Rires) En parlant du Café de la Danse, pourquoi avoir choisi cette salle pour votre date parisienne ?
Laurent : On ne connaît pas la salle. Elle nous a été vivement recommandée par des amis parisiens.

RAN : Donc il n’y avait pas la volonté de faire une salle un peu plus grande comme le Trianon, par exemple, ou une autre Cigale ?
Laurent : Alors, non. On a fait la Cigale en février, on voulait totalement décontextualiser le truc. C’est un concert acoustique, si tu vas dans une grande salle, il faut un orchestre donc non il faut un truc vraiment intimiste. Et comme on est nos propres producteurs on choisit les salles que l’on veut !

RAN : Vous semblez montrer beaucoup de reconnaissance à Vance Powell. Concrètement, qu’est-ce qu’il a apporté à votre projet et quelle relation avez-vous avec lui aujourd’hui ?
Laurent : Il nous a apporté de la confiance. Sa devise c’est « I am here to take the best version of yourself ». Il trouvait dans notre son quelque chose qu’il ne trouvait pas ailleurs. Le secret c’est qu’il est chiant dans ses choix ! Il a une oreille incroyable. On l’a vu refuser un très grand nom américain devant nous tout simplement parce que ça ne lui plaisait pas. Des groupes pas super connus aux US mais qui cartonnent en Europe, comme Tyler Bryant c’est lui. Tyler est devenu un ami grâce à Vance… il était là sur les sessions de "Rockfarmers". Bon lui, il joue beaucoup autour de Nashville… mais il ne remplira pas une salle à Los Angeles. C’est long le succès aux US !

Aujourd’hui, Vance c’est un mentor et il fait partie de la famille. Le deal c’est qu’à chaque session studio, soit on leur fait la cuisine, soit ils nous invitent. Mais bon, on gagne à chaque fois c’est facile ! On apporte du confit de la ferme et c’est plié (Rires). A Nashville, il est perçu comme un père. Dès qu’un ingénieur son veut se lancer, il fait appel à lui parce qu’il y’a un compresseur des années 60 que seul lui sait régler…

Puis c’est un gars authentique. Et un indépendant… c’est là où on se ressemble un peu. Il était chef du Black Bird, il avait 55 personnes en dessous de lui mais il se faisait chier. Il avait besoin de sortir de sa zone de confort et de créer son propre truc.

RAN : Sans dévoiler des choses qui pourraient être encore secrètes... Quels projets pour le futur ?
Laurent : Là on a la tournée en février, on aimerait bien retourner faire une petite tournée aux USA à la rentrée puis faire des festivals cet été. Puis un projet d’album éventuellement pour fin 2020, début 2021, à voir comment les choses coïncident.

Mathieu : Voilà. Puis tout de suite après notre tournée acoustique, on a notre première tournée en Angleterre. Tournée électrique. Il faut qu’on fasse les bons choix, là on a semé et ça commence à pousser un peu partout, donc à voir. C’est pour ça que ce projet acoustique c’est vraiment une respiration et un exercice de style avant de s’attaquer à cette partie.
Tournée Unplugged de "Brothers In Ideals"
RAN : Il s’est passé quand même beaucoup de choses en 2019. Année qui coïncide avec les 10 ans du groupe. Est-ce qu’on peut dire que c’est la meilleure année jusqu’à présent de l’aventure The Inspector Cluzo ?
Laurent : C’est un moment important. Parce qu’on a franchi des étapes. Aussi bien musicalement que structurellement. Parce qu’on est DIY, on fait tout nous-mêmes, donc beaucoup d’avancée en termes de label, construction d’un réseau de distributeurs un peu partout dans le monde. Pour nous, c’est un gros pas qui ouvre toute la période à venir.

Mathieu : On a passé ce stade un peu fatidique des dix ans d’un groupe de Rock. Autant ici on n’a pas trop ça, mais aux États-Unis et en Angleterre, l’ancienneté est un critère qui compte beaucoup dans la respectabilité. Donc le fait d’avoir passé les dix ans, avoir fait 1000 dates… on voit un message assez cool pour la suite. Mais c’est vrai que ces dix premières années il faut les passer… et il faut accepter les bas. Et on en a eus. Pas forcément directement liés à la musique, mais on en a eus. Et c’est ce qui participe à la construction d’un groupe. (Mathieu regarde le vinyle)

Tu vois l’image à l’intérieur du vinyle ? C’est le Dakota, à la tombée du soir, il devait faire -20°C. Et on a été privilégiés de voir ça. On se dit qu’on a eu de la chance de faire cette tournée. Par exemple, quand c’est Tyler Bryant qui faisait la tourné avec Clutch ils faisaient Los Angeles et tout ça. Nous, à part Chicago et New York, on a vraiment fait les trucs « redneck ». Et c’est cool, qu’ils nous aient choisis là. C’était top qu’on ait pu jouer là. On a joué à Bâton-Rouge en Louisiane, on a traversé tout le Mississippi, en plus on s’était perdu, on avait pris une nationale… C’était juste super. Parce que oui, si tu veux découvrir les USA, ça se fait en bagnole. Et même 10 heures de voiture quand tu as des paysages comme ça, tu ne les sens pas passer.

Puis après on avait la radio qui tournait tout le temps, ils ont des superbes trucs là-bas : SiriusXM, Bluesville Radio, Pearl Jam Radio (la radio du groupe avec des lives et des inédits, ndlr), Soulville Radio.  Tu as vraiment tout. Il y a même une station qui s’appelle « Jointville » c’est la radio reggae ! [Rires] Clutch par exemple, ils écoutent tout le temps Real Jazz Radio. Tu rentres dans leur loge avant un concert c’est du Fela Cuti. Du coup, quand tu les associes exclusivement à un groupe de stoner, ils soupirent un peu. [Rires]

Laurent : Notre blague préférée quand on se paumait dans des coins comme ça, c’était d’aller voir les gars et leur dire « Bonjour, euh… on est français on a perdu notre route. » [Rires]

Mathieu : [Rires] Voilà ! Ne le refaites pas, mais c’était notre trip ça. Quand tu te dis que tu n’es pas dans ton référentiel, loin de chez toi, il te faut un truc pour te marrer.
RAN : Bon du coup, on se donne rendez-vous dans 10 ans ? 😉
Mathieu : Avant quand même, non ? Si on continue encore 10 ans, c’est parce que ça nous plait. Notre but ce n’est pas de monter. Nous on veut continuer à s’améliorer, à faire la meilleure musique possible. Et c’est en étant bon qu’on t’appelle… c’est comme ça que tu vivras des expériences. Et être bon ça passe par le travail de la chanson, pas par le clip, le marketing et ces machins-là.

Laurent : Voilà, on ne fera pas des tournées à rallonge juste pour faire rentrer de l’argent. On a la ferme à côté. C’est indispensable de garder l’envie.


*NDLR : Vous pourrez retrouver une review de ce nouvel album le jour de sa sortie sur notre blog.
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Propos recueillis par Nayl & Jean-O de RAN le 21 novembre 2019

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