vendredi 22 janvier 2021

Album Review : "Drunk Tank Pink" de Shame (Sortie le 15.01.2021)

Credits Photo : © Mowno

De retour 3 ans - quasiment jour pour jour - après “Songs of Praise”, un très bon 1er album en guise de coup de pied dans la fourmilière punk britannique, les Londoniens de Shame ont, après plusieurs reports, enfin publié leur 2ème disque le 15 janvier dernier. Un opus intitulé “Drunk Tank Pink” et publié chez Dead Oceans.

Le moins que l’on puisse dire c’est que les confinements successifs, l’arrêt des concerts et l’ajournement de leur tournée n’ont en aucun cas calmé les ardeurs du groupe mené par Charlie Steen, que l’on retrouve en pleine forme, toujours aussi talentueux et véhément mais bien plus mature. Profitant de cette année 2020 quasi blanche, les Londoniens ont expérimenté, travaillé et trituré le son de leur déjà très prometteur “Songs of Praise” pour en tirer la substantifique moelle. Ici, Shame explore ses différentes identités en diffusant une sorte de chaos claustrophobe. Et malgré sa sortie retardée, le timing de ce “Drunk Tank Pink” est idéal…

Credits Photo : © Evening Standard

Écrit à la fin de la tournée qui a suivi la publication de “Songs Of Praise”, cet opus met en lumière les soucis existentiels du leader Charlie Steen lorsqu’il s’est retrouvé seul chez lui, après une tournée durant laquelle plusieurs centaines de milliers de personnes ont croisé la route du groupe. Prévu initialement pour l’année dernière, ce disque évoque donc frontalement les thématiques anxiogènes actuelles, tout en permettant à Charlie de faire son examen de conscience, et dépeint avec empathie une humanité en crise.

Credits Photo : © GQ

UNE OEUVRE INTROSPECTIVE & DYNAMIQUE

« Tout seul chez moi… je ne parviens toujours pas à m'endormir », chante Charlie Steen sur les riffs anguleux et fragmentés de “March Day”. Et alors que la chanson atteint son apogée, ses guitares tournent en spirale, comme une sorte de cycle de pensées négatives, ressassées et chaotiques, presque débilitantes. Sur le groove palpitant de “Nigel Hitter”, qui évoque une sorte de mariage illégitime de la new wave de Talking Heads avec le post-punk de The Rapture, le chanteur dépeint un ennui, un besoin de changement, où même la tâche la plus insignifiante n’est guère une sinécure.


Dans une interview récente à Rolling Stone Magazine, Charlie Steen évoquait ses difficultés face à l’isolement et l’introspection. A la lecture de celle-ci, il devient clair que ses peurs et ses angoisses ont alimenté les textes de ce disque. Le chant mi-parlé, mi-hurlé de “Snow Day” vous emmène dans un monde très sombre, alimenté par le mur de guitares brutes et les roulements de tambour urgents de Charlie Forbes en arrière plan.


La voix parfois presque suffocante de Charlie Steen sur certains titres parvient à nous coller des frissons et à diffuser une impression de claustrophobie étrangement réconfortante. De même, les riffs de guitare urgents d’Eddie Green et Sean Coyle-Smith semblent parfois se battre de manière discordante et alimentent cette impression inconfortable, mais ô combien plaisante, notamment sur des titres comme la très punk et frénétique “Great Dog” ou “Harsh Degrees”. Pour autant, “Drunk Tank Pink” propose également des moments vraiment inventifs alimentant une sorte de chaos perpétuel. Là où “Born To Luton” passe d’un riff insistant à des mélodies dérivantes mid-tempo, “Water in The Well” propose un groove à la B-52’s et “Station Wagon” - quant à elle - rappelle “Angie”, la piste de clôture de “Songs of Praise”. Une chanson lente, parfois spectrale, qui évoque le futur.

Credits Photo : © Joyce Lee

En 2018, les débuts de Shame avaient été marqués par un bel humour noir, qui formait la colonne vertébrale de leur 1er LP. Cet aspect est toujours présent sur “Drunk Tank Pink”, même s’il est moins central. En 3 ans, Shame n’a rien perdu de sa nervosité et de sa vigueur. Porté par des titres comme “Alphabet” ou “Great Dog”, le groupe nous prouve que l’énergie qui l’animait à la sortie de “Songs of Praise” en 2018 est toujours intacte, à la différence près qu’ici, Shame parvient à la canaliser et à la retranscrire à travers des riffs exaltants et des rythmes saccadés.


A l’instar de ce que l’on retrouvait dans le 2nd opus de Fontaines D.C.*, la soudaine notoriété des membres de Shame semble avoir engendré chez eux quelques crises identitaires. Pourtant, malgré son aspect introspectif, un réel dynamisme se dégage de ce disque. Avec “Drunk Tank Pink”, Shame a su capitaliser sur son énergie pour nous proposer une œuvre plus spontanée, plus aboutie, plus profonde, plus ambitieuse et plus mature. Un joli bond en avant par rapport au déjà solide “Songs Of Praise” et surtout, un disque qui nous confirme qu’il faudra plus que jamais compter avec Shame à l’avenir. Probablement déjà l’un des musts de cette année 2021 !


La Note de Manu : 9/10

Pochette de l'album "Drunk Tank Pink" de Shame (sortie le 15.01.2021)

“Drunk Tank Pink” de Shame, LP 11 titres sorti le 15 janvier 2021 chez Dead Oceans Records

Tracklist :

1. Alphabet (2:53)

2. Nigel Hitter (3:24)

3. Born in Lutton (4:49)

4. March Day (3:12)

5. Water in The Well (3:07)

6. Snow Day (5:20)

7. Human, For a Minute (4:34)

8. Great Dog (2:00)

9. 6/1 (2:39)

10. Harsh Degrees (3:09)

11. Station Wagon (6:35)



Credits Photo : © Readdork

Credits Photo : © When The Horn Blues

Credits Photo : © When The Horn Blues


*NDLR : La chronique du 2nd album de Fontaines D.C. - “A Hero’s Death” - est consultable ici => "A Hero's Death" de Fontaines D.C. par Manu de RAN


Manu de RAN

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