samedi 9 janvier 2021

Album Review : "Idiot Prayer : Nick Cave Alone At Alexandra Palace" de Nick Cave (Sortie le 20.11.2020)

Credits Photo : © FIP

2020 devait être synonyme de tournée mondiale pour Nick Cave : en début d’année, une série de concerts en tête-à-tête avec son fidèle public - un concept baptisé “Conversations with Nick Cave” - puis en compagnie des Bad Seeds au printemps, pour défendre “Ghosteen”, leur sublime opus sorti en octobre 2019. Mais l’épidémie de Covid est passée par là et le songwriter écorché a dû changer son fusil d’épaule.

Et l’isolement induit par le confinement a amené l’australien à lancer un projet inédit : assurer un concert seul en mode piano-voix sans public, le tout filmé et enregistré en one shot dans l’intimité de l’Alexandra Palace de Londres. Un disque & un film - intitulés “Idiot Prayer : Nick Cave Alone At Alexandra Palace” - furent tirés de cette prestation. En revanche, si la version 2xLP a été publiée le 20 novembre dernier, il nous faudra patienter un peu pour découvrir la version intégrale dans les salles de cinéma du monde entier.

Source : © Site Officiel Nick Cave

Si - comme moi - vous avez passé votre soirée du jeudi 23 juillet dernier à regarder cette prestation en direct sur votre ordinateur ou votre TV connectée, alors vous comprendrez lorsque je dis à quel point ce concert fut spécial et irremplaçable dans le contexte actuel. Vétu de noir comme à l’accoutumée, le poète maudit ouvre les hostilités par une version récitée - presque hantée - de “Spinning Song”, extrait de son dernier album réalisé avec les Bad Seeds, “Ghosteen” en 2019. Ce genre d’ouverture dramatique n’est guère une surprise, mais voir une salle de près de 11.000 places comme l’Alexandra Palace totalement vide - et donc silencieuse - est si déconcertant que cela parvient à élever l’impression d’isolement et que cela renforce la sensation de recueillement quasi-monacal qui se dégage de ce récital.


Sans le bruit induit par les milliers de fans qui se heurtent et échangent en temps normal, il est possible à l’auditeur de se concentrer uniquement sur le lyrisme dévastateur de Nick Cave. Dans ce contexte, la plus grande révélation est peut-être l’interprétation discrète de la chanson d’amour surréaliste de Grinderman “Palaces of Montezuma”, qui offre l’un des moments les plus réjouissants de cette heure et demie très sombre.

Credits Photo : © FIP

Le piano à queue noir installé au milieu du hall sonne puissant et permet aux doigts de Nick Cave de virevolter sur le clavier, ce dernier n’oubliant pas faire plaisir à son public en interprétant certains de ses tubes intemporels comme “The Mercy Seat”, “Jubilee Street”, “Brompton Oratory”, “Into My Arms” ou encore “The Ship Song”. La mélancolie et la simplicité ont remplacé la noirceur et la tristesse de “Skeleton Tree” & “Ghosteen”, 2 disques écrits en réaction à la mort accidentelle de son fils Arthur en 2015. C’est d’ailleurs là que réside mon seul regret sur ce disque : ces derniers ne sont représentés que par 4 petits titres, tandis que l’album de 1997 “The Boatman’s Call” se taille une nouvelle fois la part du lion.


Pourtant, au milieu de cet enchaînement de titres mythiques, la chanson inédite “Euthanasia” s’insère gracieusement, chantée par un Nick Cave accablé de chagrin. La performance se poursuit sans la moindre fausse note, l’absence de public et les longs silences intensifiant l’émotion ambiante, qui atteint probablement son apogée sur “Papa Won’t Leave You, Henry”. Puis Nick Cave conclut comme il a commencé, en interprétant un morceau issu de son dernier album “Ghosteen”. Un “Galleon Ship”austère mais charmant, qui marque la fin d’un voyage d’1h30.


Il convient de saluer comme il se doit cette performance car contrairement au concert enregistré par Jarv Is - le nouveau projet de Jarvis Cocker - dans une grotte du Derbyshire, ici Nick Cave était vraiment seul et ne pouvait compter ni sur des effets visuels, des choristes ou sur la beauté de la nature environnante. Et plutôt que de livrer des intros parlées et des bavardages désarmants, Nick Cave a choisi de ne prononcer aucun mot tout au long de cette prestation, ce qui alimente l’impression de solennité, de mélancolie et d’intimité qui se dégage de ce disque.

Credits Photo : © Joel Ryan

Cette prestation vient alimenter l’histoire riche et tumultueuse entre Nick Cave et le 7ème Art. Dans le vide étrange de l’Alexandra Palace, les frontières entre le passé et le présent s’estompent et les compositions prennent une dimension supplémentaire. Le résultat est une performance et un album incroyablement intimes qui scintillent avec l'étrange irréalité d'un rêve. Dans l’époustouflant “Idiot Prayer”, Nick Cave exorcise la mort tragique de son fils, se met à nu et nous propose un concentré d’émotions, qui ne laissera personne insensible. Une performance qui conforte une nouvelle fois la place du poète australien au panthéon des songwriters anglo-saxons.


La Note de Manu : 9.5/10
Pochette de l'album "Idiot Prayer" de Nick Cave (sortie le 20.11.2020)

“Idiot Prayer : Nick Cave Alone At Alexandra Palace” de Nick Cave, LP 22 titres sorti le 20 novembre 2020 chez Bad Seed Ltd.

Tracklist :

1. Spinning Song (1:48)

2. Idiot Prayer (3:09)

3. Sad Waters (3:44)

4. Brompton Oratory (3:21)

5. Palaces of Montezuma (3:45)

6. Girl in Amber (4:31)

7. Man in The Moon (3:03)

8. Nobody’s Baby Now (3:58)

9. (Are You) The One I’ve Been Waiting For ? (4:29)

10. Waiting For You (3:02)

11. The Mercy Seat (4:55)

12. Euthanasia (2:58)

13. Jubilee Street (4:31)

14. Far From Me (4:13)

15. He Wants You (2:52)

16. Higgs Boson Blues (6:59)

17. Stranger Than Kindness (3:34)

18. Into My Arms (4:53)

19. The Ship Song (3:09)

20. Papa Won’t Leave You, Henry (4:31)

21. Black Hair (3:02)

22. Galleon Ship (3:31)



Credits Photo : © Financial Times


*NDLR : Retrouvez la chronique de l’album “Ghosteen” de Nick Cave & The Bad Seeds par RAN ici => "Ghosteen" de Nick Cave & The Bad Seeds par RAN


Manu de RAN

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