mercredi 24 juillet 2019

Album Review : "Anthem Of The Peaceful Army" de Greta Van Fleet (Sortie le 19.10.2018)

Credits Photo : © jpc.de

Ces dernières années, le classic rock a souvent été remis au goût du jour par des groupes dont les membres avaient entre 20 et 25 ans, voire étaient encore adolescents. Il n’est donc pas surprenant que ce renouveau prenne aujourd'hui le visage de 4 jeunes américains. Formé par 3 frères rejoints par un ami de longue date de la fratrie, Greta Van Fleet est un groupe de rock américain créé en 2012 et originaire de Frankenmuth dans le Michigan (USA). Il est composé du chanteur Josh Kiszka, du guitariste Jake Kiszka, du bassiste Sam Kiszka - qui officie également aux claviers - et du batteur Danny Wagner. Le son heavy rock du groupe est fortement inspiré par le travail de Led Zeppelin, bien que les membres aient été principalement influencés par des artistes traditionnels du blues, de la soul, du funk et de la folk, ainsi que - bien évidemment - par de nombreux groupes de rock.

Credits Photo : © I'm Music Mag

En capturant l’essence même du rock vintage, tout en essayant de s'en éloigner afin de trouver son identité propre, Greta Van Fleet a passé ces dernières années à créer un son lourd - proche du bourdonnement assourdissant - et devient presque un phénomène générationnel depuis quelques temps. En effet, on assiste à des scènes surréalistes lors de leurs prestations live, des scènes qui rappellent la vague des boys band dans les années 90 ou plus récemment, l'avènement des One Direction : des émeutes lors des séances de dédicace, des hordes de jeunes fans adolescents qui hurlent et pleurent durant leurs concerts... Un phénomène donc, à ceci près que les membres de GVF ont - eux - un talent indéniable et nous démontrent que certains jeunes savent encore s'affranchir de la vacuité musicale actuelle, tirer le meilleur de leurs instruments et produire un rock n’ roll addictif qui séduit largement, y compris chez les vieux de la vieille puristes du rock old school.

Credits Photo : © iHearts Radio

“Anthem Of The Peaceful Army” - le 1er album studio du groupe américain - est sorti le 19 octobre dernier et fait suite aux 2 premiers EP du groupe, “Black Smoke Rising” en avril 2017 et “From The Fires” en novembre 2017. La piste d'ouverture “Age Of Man” est un morceau épique, un lent cheminement - avec une intro d’orgue d’église à la sonorité médiévale jusqu’à ce que Josh commence à chanter - qui permet au groupe de glisser progressivement vers des contrées plus profondes que certaines de leurs chansons les plus courtes ne peuvent le suggérer. La progression finale de la chanson est véritablement glorieuse, anthémique et ambitieuse, imprégnée de claviers et d'envolées vocales. Peut-être aurait-il été plus judicieux de clôturer l'album par ce morceau, tant son positionnement en ouverture atténue quelque peu son impact. Mais qu'à cela ne tienne ! “Age Of Man” reste malgré tout l’une des meilleures chansons de cet opus. A Frankenmuth dans le Michigan, il fait froid en hiver et le morceau suivant - “Cold Wind”, un bon vieux rock’n roll - est conçu pour réchauffer l’atmosphère et faire grimper le mercure tandis que le groupe explose avec une intensité insoupçonnée. Vient ensuite “When The Curtain Falls”, 1er single idéal - qui s'ouvre avec un instru Beatlesque de Jake - combinant un rock classique aux accents blues avec un bref interlude, qui raconte l'histoire d'une star hollywoodienne dont le temps de la splendeur est désormais révolu. Moment fort des premiers concerts de la tournée, cette chanson met en avant idéalement la voix de Josh Kiszka.

Source : © Wikipedia

Puis “Watch Over” dépeint avec gravité - et sous la forme d'une épopée rock - le thème de la destruction de l'environnement et des écosystèmes. Indéniablement, l'un des points forts de l’album où la performance du groupe contient un solo de guitare émotionnel de Jake, et une intensité croissante ponctuée par la prestation vocale vraiment émouvante de Josh dans les derniers instants de la chanson. “Lover, Leaver” fait ensuite grimper la performance de Greta Van Fleet d'un cran, s'étirant sur près de 6mn de rock bluesy bluffant, où le son de la guitare de Jake s'entremêle avec la voix de Josh comme jamais. Au fur et à mesure que le titre se dévoile, “Lover, Leaver” devient un titre furieux et dynamique, qui ne lâche jamais rien. Tout au long de cette piste et des morceaux qui précèdent, le son de GVF est sublimé par l'excellente prestation de la section rythmique, notamment le solide groove de basse de Sam Kiszka mais surtout la frappe percutante de Danny Wagner derrière ses fûts. Si avoir une section rythmique forte comme celle de Greta Van Fleet est souvent prépondérant dans la réussite d'un groupe de rock - mais pas obligatoire, comme en témoigne la réussite de groupes comme The Inspector Cluzo -, il faut reconnaître que ces gars-là assurent et maîtrisent leurs effets... A peine le temps de souffler à mi-parcours de l'album, et ça repart de plus belle... L'auditeur n'a eu que quelques instants pour reprendre son souffle. Le groupe avait déjà bâti son excellent EP “From The Fires” de cette façon, livrant morceau après morceau un rythme suffoquant qui ne laisse guère respirer l'auditeur. Certains y verront une posture inconfortable, tandis que de mon côté, j'y vois un rythme gratifiant qui me donne l’espoir que GVF conservera cette énergie à l'avenir, tout en continuant à faire évoluer son son.

Credits Photo : © Planet Rock

Un moment plus léger arrive ensuite avec une 1ère ballade sublime, “You Are The One”. Ce morceau acoustique groovy possède des arrangements très travaillés, Sam Kiszka ajoutant une touche classique à son orgue Hammond & la voix de Josh parvenant enfin à briller dans un registre inférieur à celui de la plupart des autres chansons. C'est d'ailleurs là que réside ma principale - seule ? - réserve : il est regrettable que ce registre soit sous-exploité durant la majeure partie de l'opus, car cela constituerait un apport indéniable sur certains morceaux. Les guitares acoustiques de “The New Day” offrent une approche plus accrocheuse du classic rock en secouant les ténèbres du passé et en leur donnant un nouvel éclat. Cette chanson reflète à merveille le sens de la positivité et de l’amour du groupe, un élément prépondérant chez Greta Van Fleet. “Mountain Of The Sun” poursuit dans la même veine, une chanson d'amour entraînante avec un excellent refrain et une guitare slide. Au fil des morceaux, l’auditeur commence à assimiler l’essence du groupe et comprend le choix du titre de cet album.

Credits Photo : © Consequence Of Sound

Le groupe prend un virage plus sombre - tant au niveau sonore que des textes - avec la piste suivante “Brave New World”, qui agit comme une méditation au sujet de notre impact sur la planète, tout en traitant toujours ce thème sous le prisme de l’espoir. L’album se termine enfin par une douce ballade, sobrement intitulée “Anthem”. Ce morceau est un véritable appel à la résilience, rappelant un peu l'hymne “We Are The World” en 1985, où tous les plus grands de Bob Dylan à Michael Jackson chantaient ensemble pour la paix et l'unité. La voix de Josh Kiszka sur des morceaux comme celui-ci s’éloigne du timbre puissant et percutant qu'on lui connaît et suit les instrumentaux de ses frères dans une approche intime, charmante et presque conversationnelle. Enfin, “Lover, Leaver (Taker Believer)” semble tout droit sorti de l'Ancien Testament avec Joshua racontant l'histoire de la sorcière d'Endor et du roi Saul. La performance du groupe est un mélange psychédélique déchaîné de la guitare hurlante de Jake et de la batterie de Danny Wagner, tandis que la basse de Sam crache des rythmes vénéneux et hypnotiques.

Credits Photo : © The Lantern

Si l’on part du principe que la seconde moitié de l’album est peut-être un cran en-dessous de la première, un ordre aléatoire d’écoute - via une plateforme de streaming par exemple - pourrait sans doute créer une expérience d’écoute plus enrichissante et moins convenue. Mis à part quelques imperfections mineures, il existe de nombreuses raisons de se pencher sur le travail de Greta Van Fleet. Parmi lesquelles des similitudes flagrantes avec une légende du rock classique : Led Zeppelin. Cependant, jouant presque trop des influences de la bande à Robert Plant et Jimmy Page, Greta Van Fleet - qui joue également des reprises de Howlin’ Wolf en concert - gagnerait à s’affranchir de cette figure tutélaire et à créer son propre style… Mais il ne fait aucun doute que chacun des membres de ce groupe vous rappellera clairement leurs glorieux aînés : la frappe chirurgicale de John Bonham, les riffs de Jimmy Page ou le chant aux allures de gémissements de Robert Plant… tout y est. Autant vous dire que les fans de Led Zeppelin trouveront de nombreuses raisons d’aimer Greta Van Fleet, voyant en eux une sorte de Led Zep’ 2.0.

Credits Photo : © Music Mayhem Magazine

En résumé, cet album a confirmé mes soupçons : de par son talent musical et son charisme sur scène, Greta Van Fleet est bien un diamant brut de la scène rock actuelle et ne tardera pas à devenir une référence. Les amateurs de rock classique à influences blues chériront ce nouveau groupe, ayant l’impression d’être en territoire connu, tout en profitant du vent de fraîcheur de cette jeunesse inspirée et inspirante. Greta Van Fleet affiche une capacité hors normes à “exécuter” de façon stricte et méthodique le rock classique. Certes, ce n’est pas révolutionnaire, mais cela marche - presque - à la perfection. Le chanteur Josh Kiszka, le guitariste Jake Kiszka, le bassiste Sam Kiszka et le batteur Danny Wagner délivrent presque tout au long de l’album un son hard rock proche de celui d’AC/DC.

Credits Photo : © Paste Magazine

Si Greta Van Fleet a encore beaucoup de chemin à parcourir avant de prendre place parmi les dieux du rock, “Anthem Of The Peaceful Army” fait montre de suffisamment de talent pour entamer ce voyage. Le succès futur du groupe repose désormais sur les explorations stylistiques sur lesquelles le quatuor va s’engager dans les prochains opus. Mais je ne suis pas inquiet... Les 4 américains renouent avec la culture des vrais instruments et en jouent avec passion, joie et amour. Contrairement à ce que vous font croire certains critiques foireux qui se veulent défenseurs d’une forteresse tombée depuis des lustres, se contentent de déverser leur venin et de faire de la branlette intellectuelle pour ados pré-pubères, GVF est bien l’un des rares groupes de rock actuels à pouvoir dépoussiérer le rock classique et à le rendre excitant aux yeux du grand public. Bref, Greta Van Fleet est une des étoiles les plus brillantes du rock contemporain. Gageons qu’en poursuivant sa mue, il ne deviendra pas pour autant une étoile filante…


La Note de Manu : 8.5/10

Pochette de l'album "Anthem Of The Peaceful Army" de Greta Van Fleet (Sortie le 19.10.2018)

“Anthem Of The Peaceful Army” de Greta Van Fleet, LP 11 titres sorti le 19 octobre 2018 chez Republic Records

Tracklist:
1. Age Of Man (6:06)
2. The Cold Wind (3:17)
3. When The Curtain Falls (3:43)
4. Watching Love (4:27)
5. Lover, Leaver (3:35)
6. You’re The One (4:27)
7. The New Day (3:45)
8. Mountain Of The Sun (4:31)
9. Brave New World (5:01)
10. Anthem (4:41)
11. Lover, Leaver (Taker, Believer) (6:01)

Credits Photo : © Anti Hero Magazine
Credits Photo : © I'm Music Mag

Manu de RAN

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