mardi 23 juillet 2019

Album Review : "Joy As An Act Of Resistance" d'IDLES (Sortie le 31.08.2018)

Credits Photo : © DIY Mag

S’il m’a fallu 2 semaines de réflexion et - oserai-je le dire ? - de recul avant de vous proposer cette “critique” du nouvel album des punks britanniques d’IDLES, c’est tout simplement pour m’assurer que les propos que je vais tenir ici n’ont pas été écrits sous le coup de l’émotion de la 1ère écoute. Si - habituellement - il vous faut patienter quelques paragraphes pour connaître mon sentiment global sur l’album chroniqué, je ne peux cette fois plus tenir davantage : Bord** de m****, nous tenons ici incontestablement rien de moins que LE MEILLEUR ALBUM DE CETTE ANNEE 2018 ! Je défie quiconque sain d’esprit de tenter de me prouver le contraire sous peine de prendre une avoinée...

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En effet, malgré mon attachement viscéral à cette bande de dingues qui compose le groupe, il me faut faire preuve de lucidité et donc, reconnaître que la montée en puissance d'IDLES au cours des 18 derniers mois a non seulement été une bouffée d'air frais pour une scène rock / punk britannique parfois décriée par certains “spécialistes” d’opérette, mais aussi un formidable message d’espoir, montrant à chacun(e) que la persévérance et le travail s’avèrent toujours payants. En effet, après avoir connu de nombreuses années de vaches maigres durant lesquelles ils ont exercé différents métiers afin de joindre les deux bouts, et après avoir écumé les scènes du monde entier depuis la sortie de leur 1er album “Brutalism” en mars 2017 (près de 200 dates en 1 an ½ tout de même), les membres d’IDLES connaissent désormais la reconnaissance publique et critique tant méritée.

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Ce qui fait le succès d’IDLES au-delà de leur musique, c’est leur histoire singulière, ainsi que leur capacité à générer la sympathie, ce qui a engendré un bouche-à-oreille qui a pris de l’ampleur et aidé à créer une communauté de fans qui rappelle un peu la première vague punk dans les années 70. Les paroles de leurs chansons sont également facilement identifiables - que vous soyez âgé(e) de 16 à 77 ans. Ainsi, leur musique outrepasse les questions de statut social, de génération ou d’implantation géographique. Bref, IDLES est en passe de devenir un véritable phénomène de société. Dans ces conditions, il n'est donc pas exagéré de dire que “Joy As An Act Of Resistance” était l'une des sorties les plus attendues de cette rentrée 2018. Ce disque est en gestation depuis près de 3 ans, bien avant même la sortie de leur 1er album. La majorité des chansons écrites à l’époque ont été supprimées en cours de route. D'autres ont été mises de côté jusqu'à nouvel ordre, parmi lesquelles “Rottweiler”, qui apparaissait pourtant dans certaines setlists de la tournée de “Brutalism” au cours de l'automne 2017.

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“Brutalism” le 1er opus d’IDLES sorti en mars 2017 a consacré le groupe de Bristol comme un sérieux - le plus sérieux ? - prétendant au trône du punk britannique. Leur 2ème album studio - “Joy As An Act Of Resistance” - vient tout juste de sortir mais leur permet d’ores et déjà de conserver leur leadership, tant au sommet des charts que dans le coeur des fans. Si leur premier album était inattendu, furieux, politique, et franchement punk, “Joy As An Act Of Resistance” confirme cette tendance en faisant toutefois montre d’une toute nouvelle sincérité, et d’influences allant des pionniers du punk britannique des années 70 à la scène revival Mod.

Aucune chanson ne capte mieux ce sentiment de chaos perpétuel qui habite les membres du groupe que la piste d’ouverture “Colossus”, un manifeste en 2 parties, partagé entre le rejet de nos sociétés mercantiles actuelles et un furieux rejet des aspects de ce que Joseph Talbot qualifie de “masculinité toxique”. Jouant sur l'ambiguïté entre leur aspect masculin marqué & leur soutien à certaines causes - parmi lesquelles le mariage gay -, le groupe tout entier libère sa fureur, le batteur Jon Beavis, et les guitaristes Mark Bowen et Lee Kiernan, délivrant un son punk tranchant en “caressant” avec brutalité leurs instruments. Cette énergie ardente est soutenue par Joe Talbot, qui se révèle être la star incontestée de cet opus. Une fois cet écueil passé, on en est désormais certains : Oui, IDLES est un groupe punk brutal, mais avec ce second opus, ils ont réussi à sublimer leur son et à le rendre encore plus rugueux. Si vous êtes sceptiques, c’est en écoutant le chant & les percus qui ouvrent “Samaritans”, ainsi que la ligne de basse qui traverse “Great” que vous vous en convaincrez.

Credits Photo : © NME

Sur un torrent viscéral de mandales pop-punk - qui rappellent les meilleures heures des Pixies -, Joe salue son frère de sang immigré ukrainien “Danny Nedelko”, et célèbre son éducation “bâtarde” sur “I'm Scum”. L'hymne anti-Brexit “Great” est conclu par un ricanement du frontman, qui promet à la Grande-Bretagne des lendemains qui déchantent après sa sortie de l’Union Européenne. Puis Joe Talbot confesse ses faiblesses et reconnaît sa sensibilité sur “Samaritans”, une litanie intense qui vous rappellera peut-être la scène culte du film de Stanley Kubrick “Full Metal Jacket” où l’instructeur aboie sur les jeunes recrues pour leur forger le caractère. Le chanteur ne retient ni ne mâche ses mots dans ce morceau, tandis que les salves de guitares frénétiques de Lee Kiernan & Mark Bowen, ajoutés à la performance incroyable de la section rythmique - Jon Beavis à la batterie & Adam Devonshire à la basse - font de l’écoute de “Samaritans” une expérience captivante. Après plusieurs écoutes, je suis convaincu que ce morceau est sans doute celui qui me fait le plus frissonner. Mais “Joy As An Act Of Resistance” n’est pas seulement un acte de protestation angoissée. C’est aussi un album qui joue sans cesse sur la dichotomie entre rage et joie, par exemple sur “Cry To Me”, reprise d’un classique de la soul enregistré par Solomon Burke en 1962.

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Outre les combats sociaux qui alimentent leur musique, les traumatismes personnels subis par Joseph Talbot - le chanteur & leader d’IDLES - ont joué un grand rôle dans la réalisation & l’écriture de cet album, comme ce fut déjà le cas sur “Brutalism”. Les paroles de “June” - qui ferme la face A du vinyle avec un refrain d'une simplicité déchirante - rappellent ainsi l’épisode douloureux de la fausse couche de sa femme & du décès tragique de sa fille l’année dernière par des extraits d’un poème d’Ernest Hemingway : “Chaussures de bébé à vendre, jamais portées”. L’enchaînement avec “Love Song” - la chanson d'amour qui la précède - dédiée à sa petite amie, prend ainsi une tout autre dimension émotionnelle. En achevant le voyage avec “Rottweiler”, qui gronde autour d’un Joe Talbot hors de contrôle, IDLES conclut ce qui est à la fois l'album punk le plus pertinent et le plus déchirant de l'année.

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Des guitares abrasives, une section rythmique virevoltante, un chanteur à la voix rude et frénétique... Bref, tous les ingrédients du manifeste punk prêt à rentrer dans l’histoire sont réunis dans ce “Joy As An Act Of Resistance”. Pourtant, ce LP fait à la fois l’effet d’un coup de poing en pleine tronche et d’un câlin réconfortant. Si “Brutalism” pouvait être assimilé à une bagarre de fin de soirée dans un pub, “Joy As An Act Of Resistance” est une démonstration de force, qui achève d’ériger IDLES au rang de force majeure du rock actuel. En peaufinant l’esprit qui a fait de “Brutalism” l’une des meilleures surprises de l’année dernière, IDLES nous livre une impulsion incendiaire, à mi-chemin entre polémique et réflexion. Si le hard rock a souvent été catalogué comme progressiste, il est néanmoins devenu une source de testostérone de nos jours. Il est donc rafraîchissant de constater que le groupe de Bristol place la vulnérabilité et l’empathie au centre de ses préoccupations. Si le 1er opus - “Brutalism” - a rendu hommage à la mère de Joe Talbot et aux services de la NHS qui l’avaient suivie tout au long de sa fin de vie, ce 2ème album élargit les thématiques du groupe pour dénoncer la xénophobie, l'homophobie, la “masculinité toxique”, le Brexit et les médias manipulateurs. Mais IDLES cherche également à donner de l'espoir. Avec sa fureur, combinée à l’espoir d’un avenir meilleur, “Joy As An Act Of Resistance” est un disque qui résiste à l’énergie politique et émotionnelle du punk.

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Si les membres du groupe ont beaucoup appris de cette année et demi sur les routes à façonner leur son, ils ne se contentent plus de décrire notre société. Désormais, ils dénoncent ses excès et ses effets pervers, tout en conservant cette dose d'humour qui les caractérise. Si “Samaritans” est sans doute mon morceau préféré, j’aime beaucoup également “I'm Scum” et “Great” qui sonnent comme si Johnny Rotten avait troqué son whisky contre de la nitroglycérine. Mais plus que l'humour, c'est la joie qui ressort de cet effort. Bon, pas besoin de vous faire un dessin j’imagine… Avec “Joy As An Act Of Resistance”, IDLES a transformé l’essai et nous livre indubitablement l’album de la rentrée, l’album de l’année et - sans doute - l’un des meilleurs albums de l’histoire du punk tout simplement. Nostalgiques des années 70, réjouissez-vous et préparez vos esgourdes… Punk is not dead !


La Note de Manu : 10/10 (et encore en cotant vache !)

Pochette de l'album "Joy As An Act Of Resistance" d'IDLES (Sortie le 31.08.2018)

“Joy As An Act Of Resistance” de IDLES, LP 12 titres sorti le 31 août 2018 chez Partisan Records

Tracklist :
1. Colossus (5:39)
2. Never Fight A Man With A Perm (3:49)
3. I’m Scum (3:10)
4. Danny Nedelko (3:25)
5. Love Song (3:05)
6. June (3:35)
7. Samaritans (3:30)
8. Television (3:13)
9. Great (2:44)
10. Gram Rock (2:28)
11. Cry To Me (2:24)
12. Rottweiler (5:26)

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Manu de RAN

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