mardi 23 juillet 2019

Album Review : "Black Honey" de Black Honey (Sortie le 21.09.2018)

Credits Photo : © Atwood Magazine

Si vous avez des accointances du côté du rock britannique et que vous avez assisté à l'une des dates de la tournée européenne de Royal Blood, vous connaissez sans doute Black Honey. Ce groupe anglais originaire de Brighton et fondé en 2014 est composé de la chanteuse et guitariste Izzy B. Phillips, du bassiste Tommy Taylor, du guitariste Chris Ostler et du batteur Tom Dewhurst. Après avoir publié un 1er EP éponyme fin 2014, suivi d'une flopée de singles, le groupe a créé le buzz en assurant avec brio la 1ère partie de la tournée européenne du duo basse / batterie Royal Blood. C'est dans ce cadre que nous avons découvert le quatuor au Zenith Paris - La Villette. Nous avions été littéralement subjugués par l'énergie, le talent et le caractère addictif des morceaux de Black Honey. Autant vous dire que ce 1er album éponyme, nous l'attendions avec moult impatience... et pour notre plus grand bonheur, il est arrivé dans les bacs depuis le 21 septembre dernier.

Source : © Facebook Officiel Black Honey

Et il n’est pas exagéré de dire que ce “Black Honey” était l’un des premiers albums les plus attendus de ces dernières années, certainement le plus attendu de 2018. En effet, voilà 3 ans que les fans patientaient pour découvrir la 1ère “vraie” production de Black Honey, 3 ans qui ont permis au quatuor britannique de peaufiner son son, pour aboutir à cet album très réussi et addictif. Avec des influences diversifiées et un certain nombre de singles prometteurs à son palmarès, Black Honey a affiné son style en produisant des morceaux incroyablement contagieux auxquels il est de plus en plus difficile de résister. Créant un mélange bien senti de rock de Blondie & Echobelly, de britpop / punk rock façon Elastica, de rock indé made in Sleeper, et même un chouia de The Bangles, Black Honey intègre des sonorités électro et disco à son style rock indé de prédilection, et crée un univers où chaque morceau étonne et surprend.

Credits Photo : © Ytimg.com

Ce 1er album ressemble beaucoup à “Parallel Lines” de Blondie, sorti en 1978. Ils ont délibérément ignoré certains titres tels que le très étonnant “All My Pride” ou “Spinning Wheel”, taillé pour intégrer la B.O. d’un film de Quentin Tarantino, et ont choisi de tenter leur chance du côté de l'immédiateté d'une pop & d’un rock indé brillamment capturés. A l’instar de Blondie après ses morceaux bruts comme “X-Offender” et “Rip Her To Shreds”, avec ce 1er album, Black Honey a - un peu - délaissé son style indie caractéristique pour un son plus commercial et plus “léché”. Et bien qu’ils risquent peut-être de perdre en route quelques uns de leurs fans de la première heure, ils vont gagner en visibilité, à travers de nouveaux passages en radio. Je pourrais leur tresser des louanges des heures durant mais au lieu de cela, je vous le dis sans réserve : ce Black Honey nouvelle formule - plus “immédiat” mais aussi un peu plus commercial - mérite d’être glorifié. Depuis ses débuts, les membres de Black Honey n'ont jamais eu peur de tout vouloir - la réussite, la gloire, la reconnaissance - et avec cet album, il se pourrait bien qu'ils y parviennent plus tôt que prévu.

Credits Photo : © The VLM

Les 12 titres qui composent cet opus sont tous relativement nouveaux, mis à part leur tour de force de 2016, “Hello Today”, et le lent et étouffant “Dig”, sorti en 2017. L’un des 4 singles sorti cette année - “I Only Hurt The Ones I Love” - ouvre l’album sous les meilleurs auspices et permet à celui-ci de démarrer en trombe avec ses prouesses percutantes, sa décontraction et sa voix de velours. Avec ce titre entêtant et diaboliquement efficace, vous êtes pris au piège et ne pouvez vous résoudre à lâcher l’affaire Black Honey. “Midnight” arrive à la suite avec sa ligne de basse chargée de synthés - ressemblant vaguement à certaines sonorités extraites des jeux d’arcade des années 80 -, un morceau aux allures de fièvre disco qui revisite l’histoire de Cendrillon, un morceau rugissant qui surclasse tout ce que Blondie a pu produire. Les guitares et synthés travaillent à l'unisson pour produire une mélodie 70’s groovy, tandis que les membres de la section rythmique accélèrent et envoient comme des malades. Black Honey nous sert un refrain catchy tout en respectant leurs influences originelles, offrant même une jubilatoire session électronique au synthé en guise de cerise sur le gâteau. Aucun doute : “Midnight” est un morceau jubilatoire et enthousiasmant.

Credits Photo : © Readdork

La 3ème piste - “Whatever Happened To You” - nous présente quelque chose de nouveau et nous rappelle que Black Honey peut aussi creuser un sillon plus doux que celui de son œuvre originelle. Le tonnerre frappe donc avec l’épuisante “What Happened To You”. Elle représente le son de Black Honey dans sa forme la plus lourde, la plus dure et la plus sombre. Les guitares trempées de reverb et les rythmes martelés envahissent l’air, tandis qu’Izzy Phillips tente désespérément de résoudre le tumulte qui envahit son esprit. Un dilemme similaire est porté par “Bad Friends”, méthodique et pourtant granuleux. La guitare dissonante et la ligne de basse créent une ambiance étrange, tandis que la voix glaciale d’Izzy Phillips & ses paroles captivantes parlent des désirs profonds qui brûlent en son for intérieur. Au-delà de l’aspect introspectif évident, elle évoque le côté opportuniste et manipulateur de nos contemporains pour donner vie à un morceau audacieux et brillant. Et si le morceau suivant “Blue Romance” conviendrait à merveille à la bande-son d’une oeuvre Lynchienne comme “Twin Peaks”, c’est le côté pop du groupe qui l’emporte. Ce morceau montre un aspect différent de Black Honey, déjà entraperçu dans “Dig”. Une ligne de basse sombre, des riffs de guitare courbés, des rythmes tournants, un arrangement de cordes émouvant et une belle voix. Un morceau en guise de clin d’oeil à Lana Del Rey… Même si je suis loin d’être fan de la diva pop, force est de constater que Black Honey nous offre ici un véritable tour de force.

Credits Photo : © Damon Peirce

Dans “Into The Nightmare”, la ligne de basse contraste avec les claviers qui précèdent le refrain. La voix variée d’Izzy Phillips est à la fois séduisante et affirmée, tandis qu’elle raconte une histoire d'amour d’outre-tombe. Le quatuor se trouve au meilleur de sa forme dans ce type de musique ambitieuse, mystérieuse et déchaînée, qui prend aux tripes, comme aux plus belles heures de Nick Cave & The Bad Seeds. En somme, on ne retrouve jamais Black Honey là où on l’attend et aime troubler l’auditeur en mélangeant les genres : on peut se délecter d’une ballade intimiste telle que “Baby”, puis être ravi(e) par des riffs saillants croisant des sonorités plus rétro dans “Into The Nightmare”, pour enfin admirer des embardées pop acidulées dont le groupe a le secret, comme dans “Dig” par exemple.

Credits Photo : © Harriet Brown

“Dig” est imprégnée de soul et constitue le summum des airs lents et doux de Black Honey. A la fois sensuelle et urgente, cette chanson ressemble à la bande originale d’une escapade délirante et improbable, qui finirait invariablement en “Very Bad Trip”. Bien qu'il y ait un côté séduction évident dans ce morceau, il n’en est pas pour autant une chanson d'amour. “Dig” démontre la capacité des 4 britanniques à créer des paysages sonores mystérieux, qu’ils perfectionnent également sur la piste suivante - “Just Calling” - qui propose à l’auditeur une chanson mélancolique, hypnotique et grisante - presque introspective -, où des synthés sombres, des paroles brillantes et une guitare cristalline scintillent à travers des rythmes menaçants. Enfin, dans la piste de clôture “Wasting Time”, la voix de la frontwoman Izzy Phillips s’élève au-dessus des guitares qui résonnent au loin, tandis que les percus sonnent régulièrement comme s’ils accompagnaient une marche funèbre. Une fois encore, cela rappelle la reine du mélodrame, Lana Del Rey, et traduit parfaitement le mélange paradoxal d’émotions et de plaisir que Black Honey véhicule si bien.

Credits Photo : © Nige B

Certes, le 1er opus de Black Honey a été long à arriver, mais incontestablement, l'attente en a valu la peine. C'est frais et immédiat, contagieux et incroyablement agréable. Cet album éponyme vous revigorera et vous permettra d’élever votre esprit. Depuis les morceaux “Corrine” et “Cadillac” en 2015, le monde de l'indie-rock n’a d’yeux que pour Black Honey. Et au vu de cet album addictif, difficile de lui donner tort… Cela témoigne à la fois de leur talent sans limite et de leur volonté de sans cesse faire évoluer le style du groupe, dépassant les clivages et sans se fixer la moindre barrière. Que les fans de la première heure se rassurent… Avec ce “Black Honey”, Izzy Phillips & Co. nous livrent un recueil de chansons qui conserve non seulement les mélodies sensuelles et énigmatiques qui avaient attiré l’attention de certains spécialistes il y a 3 ans, mais le transforme également en une déclaration d’intention, qui érige Black Honey au rang de groupe indépendant contemporain le plus ambitieux et le plus innovant.

Credits Photo : © Harriet Brown

En faisant évoluer son son au fil des pistes, “Black Honey” évite les pièges que sa longue période de gestation aurait pu créer. Au lieu de cela, le groupe se montre toujours aussi frais et excitant qu’à ses débuts. Au moment où je m’apprête à mettre le point final à cette chronique, un énorme sentiment de satisfaction m’accable, car Black Honey a tenu les promesses que j’avais placées en lui, peut-être même au-delà de toute espérance. Les fans du groupe de Brighton seront peut-être surpris de voir à quel point cet album semble différent au premier abord, mais après un examen plus approfondi, il semble que le quatuor de Brighton n'aurait sans doute pas pu mieux s'annoncer au monde de la musique. Car cet opus est pour moi - et pour vous aussi, j’en suis sûr - une sorte de pêché mignon sucré et furieusement sexy, largement incarné par le charisme Blondiesque de sa chanteuse.

Credits Photo : © DIY Mag

En définitive, après s’être imposé comme l’une des sensations de la scène indie rock britannique, Black Honey débarque avec un 1er album implacable, audacieux, ambitieux et exaltant, qui ne manquera pas d’être reconnu comme l’un des meilleurs de l’année 2018. Mais le plus exaltant, c’est de penser que Black Honey n’en est qu’à ses balbutiements et que les membres du groupe nous réservent sans doute encore de nombreuses belles surprises pour l’avenir…

Amoureux du rock britannique, cessez de croiser les doigts ou de prier pour le retour de Black Honey dans l’Hexagone, et précipitez-vous le vendredi 09 novembre prochain au Gibus (75) pour une date exceptionnelle où vous pourrez (re)découvrir en live la nouvelle bombe de la scène indie d’Outre-Manche.


La Note de Manu : 9/10


Pochette de l'album "Black Honey" de Black Honey (Sortie le 21.09.2018)

“Black Honey” de Black Honey, LP 12 titres sorti le 21 septembre 2018 chez Foxfive Records

Tracklist :
1. Only Hurt The Ones I Love
2. Midnight
3. Whatever Happened To You
4. Bad Friends
5. Blue Romance
6. Crowded City
7. Hello Today
8. Baby
9. Into The Nightmare
10. Dig
11. Just Calling
12. Wasting Time

Black Honey Tour 2018
Credits Photo : © The National.ae
Credits Photo : © DIY Mag


Manu de RAN

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